Fardc : la disparition du général Delphin Kahimbi suscite des remous à Kinshasa

Samedi 29 Février 2020 - 15:45

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Le décès inopiné, le vendredi 28 février, du chef d'état-major adjoint des Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc) chargé des renseignements militaires continue à alimenter la chronique politique dans la capitale.

Le corps sans vie du général Delphin Kahimbi retrouvé dans une des pièces de son domicile à Kinshasa suscite maintes interrogations notamment sur les circonstances qui l’entourent. Les versions divergent. Les membres de sa famille évoquent une crise cardiaque qu’aurait piquée ce haut officier de l’armée qui, par ailleurs,  était sous audition au niveau du Conseil national de sécurité quelques heures après sa suspension par la haute hiérarchie militaire. D’autres sources ont confirmé un suicide volontaire, évoquant un pagne qui aurait été découvert noué autour du cou du défunt.             

Au-delà de la controverse à laquelle renvoient les circonstances du décès, il y a lieu d’épingler une série des faits dont l’accumulation aurait sans doute précipité la mort du patron des renseignements militaires. La victime, faut-il le rappeler, avait été convoquée à plusieurs reprises ces derniers jours pour répondre à plusieurs accusations portées contre elle (liens présumés avec des groupes armés, tentative de déstabilisation des institutions, etc). En plus de l’action administrative et judiciaire initiée à son encontre, le général défunt fut suspendu de ses fonctions le jeudi 27 février et placé en résidence surveillée sous la responsabilité du Parquet militaire. Désarmé, sa garde rapprochée lui fut retirée. D’autres sources allèguent qu’il y a une semaine, il avait été empêché de se rendre en Afrique du Sud pour, avait-il dit, y poursuivre des soins médicaux. Et lorsqu’on ajoute à cette série des faits, le spectre des sanctions américaines qui pesaient sur lui, à côté d’autres dirigeants de l’ancien régime accusés d’entraver le processus démocratique en RDC, la coupe est bien pleine.

Certains analystes ont très mal digéré les réactions de certains officiels américains après la suspension du général dont celle du diplomate Mike Hammer qui, dans un tweet, affirma que «ceux qui sont corrompus commettent des violations des droits de l’homme ou perturbent le processus démocratique devraient rendre des comptes et être tenus pour responsables ». Ce qui, de leur point de vue, confirme les pressions dont subirait le président Félix Tshisekedi de la part des Etats-Unis pour qu’il prenne des sanctions vis-à-vis d’anciens collaborateurs de Joseph Kabila. Une « ingérence » très mal perçue du côté des partisans de l’ancien président qui estiment, à l’instar du député Flory Kabange, que la mort d'un tel homme « met à mal l’équilibre fragile des institutions, surtout qu’elle survient de façon mystérieuse et dans une période trouble ». A la « Kabilie », l’on ne s’explique pas l’ingérence étrangère dans une procédure interne à l’armée nationale.

Afin de lever les zones d’ombre qui entourent la mort tragique du général Delphin Kahimbi, une enquête est en voie d’être diligentée ainsi qu’une autopsie afin de déterminer les causes réelles de cette disparition. Ce qui est sûr, ce que la disparition de celui qui constituait la principale source d’information par rapport aux charges d’activités subversives contre la République lui imputées compromet  sérieusement la suite des investigations au niveau du Parquet militaire. « La victime part avec une masse d’informations qui auraient aidé le pays au plan de stratégie militaire », se plaint, quant à lui, le Congolais lambda.          

Qui est Delphin Kahimbi ?

Il est à peine âgé d’une vingtaine d’années lorsqu’il s’engage dans la rébellion de l’Alliance des forces démocratiques du Congo de Kabila père. Il sert alors comme opérateur radio auprès de Joseph Kabila. Une formation militaire commune en Chine, peu après la chute de Joseph Mobutu en 1977, a renforcé leurs liens d’amitié. Le jeune ressortissant du Sud-Kivu a alors effectué toute sa carrière militaire sous l’ombre tutélaire de Joseph Kabila. Mais son nom n’apparaît pour la première fois dans l’actualité qu’en 2006. Il est alors commandant adjoint des Fardc dans le Nord-Kivu. Fidèle au président Joseph Kabila, il prend deux ans plus tard la tête des opérations militaires contre les dissidents du CNDP du général Laurent Nkunda. De là datent les premières accusations de violations des droits de l’homme contre lui.

Après un passage par le programme DDR, il devient chef d’état-major adjoint des Fardc chargé des renseignements militaires en 2013. Il fait désormais partie des piliers du régime Kabila, ce qui lui vaudra d’être sanctionné par l’Union européenne dès 2016 pour son rôle dans la « structure de commandant » responsable notamment de la violente répression à Kinshasa la même année. L’arrivée au pouvoir en 2019 d’Étienne Tshisekedi n’y avait rien changé, le général Kahimbi avait gardé son poste à la faveur de l’accord de gouvernement entre Joseph Kabila et son successeur.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Le général Delphi Kahimbi

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