Félix Tshisekedi sur TV 5 : « La Belgique, c’est mon second Congo »

Lundi 23 Septembre 2019 - 16:06

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Il n’y avait pas meilleur hommage à l'ancienne puissance coloniale que le bout de phrase du chef de l'Etat; une manière pour lui de rendre l’ascenseur au pays qui a forgé sa conscience d’homme et avec lequel il n’a jamais coupé le cordon ombilical.

Depuis 1985, a indiqué Félix Tshisekedi, il est à cheval entre Kinshasa et Bruxelles, la capitale belge. Cette déclaration du chef de l’Etat congolais, le week-end sur le plateau de TV5 Monde dans sa tranche télévisée "Internationales", alors qu’il bouclait son séjour bruxellois de cinq jours, n’a rien d’une prime au paternalisme européen, ou encore d’un quelconque assujettissement auquel seraient astreints les Etats africains vis-à-vis de leurs anciennes puissances coloniales. 

Tout en comprenant le désir d’affranchissement de la tutelle occidentale qu’éprouvent certains de ses collègues chefs d’Etat, nostalgiques d’une époque coloniale déjà révolue, Félix Tshisekedi voit les choses autrement. Dans le contexte de globalisation qui réduit l’univers à un village planétaire, il prône l’égalité des peuples soutenue par un partenariat gagnant-gagnant. « Je ne vois pas comment nous pouvons vivre en autarcie sans partager les expériences des autres », a-t-il soutenu. Il se veut le défenseur d’une interaction entre les nations avec, à la clé, une coopération agissante qui place l’amitié au centre de tout.

Avec la Belgique, c’est tout une autre histoire. Pour Félix Tshisekedi, tout l’enjeu consiste à arrondir les angles pour trouver le point d’équilibre dans les relations belgo-congolaises qu’il veut sereines et sans nuages. « Je suis là pour dire aux Belges que leur place est au Congo. Sous mon ère, je ne voudrai pas des tensions avec la Belgique », a-t-il lancé. Une profession de foi que justifie un sentiment enfoui dans son subconscient, celui d’être chez lui, dans son autre Congo. « Je ne me vois pas être en conflit avec moi-même », a assuré le président de la République. C’était tout dire.         

Aux velléités indépendantistes que revendique un pays comme le Ghana qu’il reconnaît avoir atteint un niveau de performance économique, le Congo ne peut pas, de son avis, s’offrir le luxe de se délester de ses partenaires européens. « Nous n’avons pas la même situation », a précisé aussitôt le successeur de Joseph Kabila. C’est sur les réformes, du reste insuffisantes entreprises par son prédécesseur, que Félix Tshisekedi entend embrayer pour, a-il dit, permettre au pays « d’aller de l’avant ». Et de mettre aussitôt un bémol : «  Pour le moment, nous avons besoin d’aide et le jour où nous dirons que nous n’en avons pas besoin, ce ne sera pas par méchanceté, mais par amitié », convaincu que ce jour où son pays pourra voler de ses propres ailes arrivera à coup sûr. En attendant, la normalisation avec l’ex-métropole est matérialisée par la signature de plusieurs mémorandums d’entente, quand bien même la vraie politique de coopération attendue avec elle sera le fait de son prochain gouvernement.

Au chapitre économique, Félix Tshisekedi s’est affiché tel un chef de l’Etat porté vers l’avenir de son pays, concentré sur ses priorités et qui veut vite tirer un trait sur le passé. « Aujourd’hui, les Congolais veulent la paix et la sécurité », a-t-il laissé entendre, allusion à la fixation faite notamment sur les présumés détournements imputés à l’actuel administrateur-directeur général de la Gécamines. Cette question, a-t-il dit, est du ressort des instances habilitées. Il en est de même pour le dossier des officiels congolais sous sanctions européennes. Son plaidoyer pour la levée de ces sanctions tient à l’évolution positive de la situation politique dans son paysqui, dans l’entre-temps, a connu sa première alternance pacifique au pouvoir. Toutefois, a-t-il nuancé, ceux qui sont sanctionnés pour violation des droits de l'homme ne peuvent pas compter sur son appui. Il ne les défendra pas.   

Une justice indépendante

« Nous voulons instaurer un Etat de droit qui implique une justice indépendante », a souligné le cinquième président du Congo indépendant  qui refuse de se substituer aux Cours et tribunaux, notamment sur la sulfureuse affaire de quinze millions des dollars. Celle-ci,  à l’en croire, s'inscrit dans le cadre des « retro commissions », une pratique qu’il entend combattre de toutes ses forces avec, en prime, la lutte contre la corruption qui passe nécessairement par un changement véritable des mentalités.

La création de l’Agence de lutte contre la corruption dotée des « pouvoirs bien précis » répond justement au souci de moralisation de la vie publique qui accapare désormais Félix Tshisekedi dans un Congo qui flirte avec le mal et banalise la corruption. Dans ce nébuleux dossier de quinze millions, il appartiendra à la justice de faire son travail pour découvrir le pot aux roses, a-t-ilindiqué. 

Quant aux crimes économiques, Félix Tshisekedi s’est dit disposé à ce que la boîte à pandore soit ouverte en remontant le temps, si possible, jusqu’à la période de l'AFDL, voire de l'indépendance, question de rétablir la vérité historique et les responsabilités. Il a fait observer à ce sujet qu’il y a eu de nombreux méfaits imputés gratuitement à l'armée nationale et à ses haut officiers, sans toutefois les dévoiler par devoir de réserve.

Egrenant succinctement sa politique économique fondée, entre autres, sur la diversification, Félix Tshisekedi a souligné l’impérieuse nécessité de mettre de l'ordre dans un secteur économique aujourd’hui marqué par les fluctuations des cours des matières premières sur le marché international. Encadrer les creuseurs artisanaux ainsi que les coopératives et tracer leur production, etc., font partie des actions qu’il entend entreprendre, soucieux de voir la République démmocratique du Congo (RDC) fixer elle-même le cours du cobalt et d’autres minerais.

Le temps est venu pour la RDC, nonobstant son déficit énergétique criant, de diversifier son économie, de transformer ses matières premières, de vivre des produits extraits de ses propres mines, a estimé le président de la République. Un vœu à inscrire dans la durée, mais qui n’empêche pas de lorgner ailleurs, vers l’agriculture, par exemple, qui peut régler le problème de la pauvreté avec l’autosuffisance alimentaire, permettre au pays d’exporter et renflouer les caisses du Trésor, selon le chef de l'Etat. Une manière pour lui de confirmer son slogan : « La vengeance du sol sur le sous-sol ». A suivre.

Alain Diasso

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