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Feu la CPI !

Lundi 23 Octobre 2017 - 12:17

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Il n'est jamais prudent, dans le métier de simple observateur qui est le nôtre, d'anticiper les évènements à venir et donc de prédire des actes qui pourraient ne pas se produire alors même qu'ils semblaient inéluctables. C'est pourtant ce que nous n'hésitons pas à franchir, ici et maintenant, en écrivant que les jours de la Cour pénale internationale (CPI) sont comptés et que l'année 2018 verra très probablement l’Afrique quitter cette institution.

 

Une telle anticipation, contrairement aux apparences, ne doit rien à  l'imagination ni à la spéculation. Elle est, en effet, fondée sur les données suivantes.

 

  1. La CPI, qui est basée en Europe,  à  La Haye  précisément, n'a pas cessé tout au long des dernières années de faire apparaître des failles dans son fonctionnement. En témoignent de façon accablante les péripéties du procès engagé contre l'ancien président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, qui traîne en longueur depuis des années et relève plus de la pression politique que de la recherche de la vérité. Concentrant ses actions sur le continent africain, la CPI projette l'image d'une justice coloniale qui ne dit pas son nom et ne contribue en rien à la défense des droits de l'Homme sur le continent.

 

 2. Plus le temps passe et plus les langues se délient à son propos au plus haut niveau des Etats africains comme le montre l'interview du président en exercice de l'Union africaine que publie cette semaine "Jeune Afrique". Ne mâchant pas les mots Alpha Condé plaide de façon claire et sans ambiguïté pour que les dirigeants africains coupables, ou supposés coupables de crimes contre l'humanité, soient jugés en Afrique même par une Cour de justice composée de juges africains qui ferait partie des institutions de l'Union africaine et qui, de ce fait, serait indépendante.

 

 3. S'il est vrai que tous les pays du continent ne sont pas d'accord sur le fait de créer cette Cour de justice, il l'est tout autant, pour ne pas dire plus, que la majorité des Etats est prête en réalité à franchir le pas. La preuve en est qu'un projet de sortie collective de la CPI a été acté par la majorité d'entre eux en juillet dernier et qu'un débat musclé se déroule en sous-main, dans les couloirs de l'Union, entre les partisans et les adversaires de la future Cour de justice africaine. Certes, pour l'instant un seul Etat, le Burundi, a franchi le pas du retrait de la CPI, mais tout indique qu'il sera vite rejoint par la plupart, sinon même la totalité des autres Etats africains.

 

 4. Ceci est d'autant plus probable que le futur  président de l'Union africaine, le Rwandais Paul Kagame, est lui-même convaincu que les jours de la CPI sont comptés et qu'il faut donc jouer résolument la carte de la Cour de justice de l’Union africaine. Appuyé par la majorité des chefs d'Etat du continent, dont certains comme le Kenya et l'Afrique du Sud ne cachent pas leur volonté de quitter la Cour de La Haye, il n'aura aucun mal à convaincre ses pairs de prendre cette décision historique lorsqu’il accèdera à ses fonctions le 1er janvier 2018. Ce qui aura comme conséquence immédiate de placer cette même cour dans une position difficile puisque trente-quatre pays la quitteront en bloc.

 

La sagesse voudrait, dans un tel contexte, que la CPI batte enfin sa coulpe et reconnaisse ses manquements, mais l’orgueil des juges et des magistrats qui la composent est tel que ce mea culpa n’a aucune chance de se produire. Feu donc la CPI !

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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