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Feu le Royaume-Uni ?

Samedi 3 Août 2019 - 18:08

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En agissant à Londres comme Donald Trump le fait à Washington, c’est-à-dire avec autant de brutalité que d’absence de réflexion sur le long terme, le nouveau Premier ministre britannique, Boris Johnson, pense probablement qu'il assurera sur des bases solides et durables sa prééminence politique actuelle. Il fait, à grands coups de gueule, du Brexit, c'est-à-dire du retrait brutal de l'Union européenne, le moteur de son action à la tête du Royaume-Uni avec l'espoir manifeste que les Anglais le confirmeront à son poste lors des prochaines élections générales.

Mais en agissant ainsi, il commet deux erreurs majeures qui risquent de coûter cher aux Anglais à très brève échéance.

° La première est de croire que le Royaume-Uni tout entier se rangera derrière lui. Car ce Royaume est en fait composé de quatre pays - l'Angleterre, le Pays de Galles, l'Ecosse, l'Irlande du Nord - dont trois n'approuvent pas la sortie brutale de l'Union européenne figurant au cœur de la politique annoncée par Boris Johnson. Une telle action étant à coup sûr désastreuse sur le plan économique et financier les Gallois, les Ecossais et les Irlandais du Nord manifestent dès à présent de façon claire leur hostilité et envisagent, sans encore le dire ouvertement, de prendre leurs distances avec Londres. Une distorsion qui, soit dit en passant, pourrait conduire les deux Irlande à s'unir au grand dam des Anglais qui n'ont pas cessé, eux, de combattre une telle concordance, ce qui provoqua dans la dernière décennie du siècle précédent un terrible conflit entre catholiques et protestants. Il se pourrait bien, dans ces conditions, que la stratégie du « Brexit dur » prônée par le successeur de Theresa May génère à très court terme une crise interne au sein même du Royaume-Uni que la Reine Elizabeth II, aujourd'hui âgée de quatre-vingt-treize ans, n'aura évidemment pas la force de gérer.

° La deuxième erreur que commet Boris Johnson est de ne pas évaluer les conséquences négatives que la sortie brutale du Royaume-Uni de l'Union européenne aura sur le Commonwealth lui-même, c'est-à-dire sur la puissante communauté de nations constituée en 1949 lorsque l'Angleterre décida de nouer avec ses anciennes colonies des liens durables fondés sur des valeurs humaines communes. Comptant à ce jour cinquante-trois pays - dont dix-neuf sont situés sur le continent africain et trois seulement sur le territoire européen -, rassemblant deux milliards quatre cents millions d'êtres humains sur les cinq continents que compte la planète, le Commonwealth est un atout décisif pour le Royaume-Uni sur le plan stratégique et diplomatique. Mais les conséquences matérielles inévitables qui résulteront du « Brexit dur » prôné par le nouveau Premier ministre britannique fragilisent dès à présent cette communauté, ce que laissent entrevoir les critiques formulées de façon plus ou moins discrètes par ses dirigeants. S'il n'est pas certain que le Commonwealth volera en éclat dans les années à venir, il l'est en revanche qu'il franchira mal, probablement même très mal, cette passe.

Disons-le donc sans l'ombre d'un doute : si la stratégie conduite par Boris Johnson ne s'infléchit pas très vite vers le Brexit souple et progressif qu’avait négocié Theresa May, le statut de grande puissance du Royaume-Uni se trouvera fortement dégradé, voire même annihilé purement et simplement.

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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