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Fonds d’investissement souverain : une question stratégique

Mardi 11 Avril 2017 - 17:16

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La loi n°1-2014 du 6 janvier 2014 a créé le Fonds congolais d’investissement de 3.000 milliards $ sous la forme d’une Entreprise publique industrielle et commerciale qui fructifie les excédents budgétaires et les liquidités des prises des participations de l’Etat dans les entreprises étrangères, afin de stabiliser les recettes pétrolières, d’améliorer la diversification de l’économie et de constituer une épargne pour les générations futures. Mais, la baisse de 65% des recettes pétrolières et de 43% de l’ensemble des recettes publiques, consécutive à l’effondrement du prix du baril de pétrole de 125 $ en 2015 à moins de 50 $ en 2016, réduisent les excédents et fragilisent ce Fonds à trois niveaux :

1) Du marché : Dans le monde, ces Fonds faiblement spéculatifs suscitent crainte et suspicion à cause de la domination que peuvent exercer les Etats pourvoyeurs sur leurs utilisateurs, de l’opacité qui entoure leur gestion et de la recherche de rendements élevés qui déséquilibre le marché financier.

Selon le SWF Institute (2017), leur valeur est passée de 3.628 milliards $ en 2009 à 7.500 milliards $ en 2016. Le Moyen-Orient en pourvoie 40,24%, l’Asie (39,74%), l’Europe (13,11%), l’Amérique (2,80%), l’Afrique (2,70%) et autres (1,40%). La Norvège offre (11,73%), la Chine (10,85%), Abu-Dhabi (10,56%), l’Arabie Saoudite (7,68%) et le Koweït (7,83%). Les Etats-Unis en demandent (26 %), l'Inde (25 %), la Chine (17 %), l’Europe (17%), la Grande Bretagne (7 %) et autres (8%). Ils sont investis dans les finances (75,8%), l’immobilier (7,2%), les télécommunications (4,1%), les technologies (3,8%), les services professionnels (2,7%), les métaux et acier (2%), la chimie (2%), la défense (1,4%) et autres secteurs (0,9%).

Dix Fonds sont matures en Afrique: le Fonds de régulation des recettes algérien  de 77,2 milliards $, le Libyan Investment Authority (66 milliards $), du Fula Fund de Botswana (6,9), du Fundo Soberano angolais (4,6), du Nigeria Sovereign Investment Authority (1,4), du Fonds d’Investissement Stratégique du Sénégal (1), du Fonds de Générations Futures de la Guinée Equatoriale (0,08), du Fonds de Pétrole ghanéen (0,45), du Fonds Souverain du Gabon (0,4) et du Fonds National des Réserves pour les Hydrocarbures de Mauritanie (0,3).

Ces Fonds sont financés par les réserves des banques centrales pour optimiser les liquidités (Chine, Sénégal), par les réserves pour les retraites (Norvège), les excédents des matières premières (Botswana) ou des hydrocarbures (Norvège, Russie, Qatar, pays pétroliers d’Afrique) représentant les deux-tiers des Fonds souverains du monde ;

3) Du rendement : Sur les 75 Fonds répertoriés par le Sovereign Wealth Fund Institute (2014), 64% datent de l’après 2000 contre 36% d’avant 2000. Les plus anciens sont le Koweit Investment Board (1953) qui gère l’épargne intergénérationnelle de 250 milliards $ d'excédents pétroliers, et le Kiribati Revenue Equalisation Reserve Fund (1956), gérant 630 millions $ des réserves du Koweit.

Le Fonds norvégien (1996), modèle du genre, avec ses 886 milliards $ en 2016, est composé à 62,5% des actions pour un rendement de 7,9%, à 34,30% des titres à revenu fixe avec 6,9% de rendement et à 3,2% de l'immobilier pour 10,4% de rendement.  Investi dans 9000 entreprises du monde, il offre à l’Etat 4% de revenus annuels pour équilibrer son budget. Le Fonds algérien a permis de baisser la dette de ce pays de plus de 30 milliards $ des réserves de change depuis 2014.

Mais, le Fonds nigérian (2012) n’a pu résorber le déficit budgétaire de 11 milliards $ de l’Etat. Celui de l’Angola (2012) n’a pu empêcher de recourir au FMI. Au Congo, l’Etat a dû utiliser 40% de ses réserves à la BEAC, 50% de ses actifs en Chine et lancer un emprunt obligataire de 229 millions € à 6,5% par an sur 5 ans pour réguler le déficit budgétaire équivalent à 10% du PIB en 2016 ;

3) Ethique, où le respect du code de bonne conduite du FMI, regroupant 24 Principes et Pratiques généralement acceptées ou principes de Santiago est nécessaire.  Le SWF Institute (2017) qui évalue ces Fonds, indique que 24% d’entre eux sont parfaitement conformes (A), 28% partiellement conformes (B), 6,33% plutôt conformes (C) et 41,67% non conformes (D). En Afrique, quatre Fonds sur dix sont les mieux notés, notamment ceux du Botswana (1994) et du Nigeria (B+), d'Angola (B-), et de Libye (2006) noté C.

Ainsi, le rendement et la pérennité des Fonds faiblement spéculatifs sont menacés par la faible diversification du portefeuille et des sources de financement. La prise des participations dans le capital des entreprises étrangères performantes, améliore leurs performances, s’ils sont éthiquement responsables.

Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gesti

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