Football : après la rencontre perdue contre l’Uruguay, les Italiens refont le match

Mercredi 25 Juin 2014 - 16:30

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L’élimination de l’Italie de la Coupe du Monde de football au Brésil a fait se délier les langues au bistrot, mais pas seulement. La faute à Balotelli ?

Comme toujours après un match particulièrement riche en émotions, c’est après la rencontre que les meilleurs coaches et les sélectionneurs les plus malins se découvrent. Autour d’une bière fraîche dans un bistrot ou depuis son fauteuil avec des amis ou sans, on est toujours plus génial. Untel a tiré à gauche ? Ah ! le maladroit : que n’eût-il essayé l’angle droit comme je l’aurais fait, moi, à sa place ! Il y a eu coup franc ? L’arbitre est un taré de première qui n’a potassé son manuel d’arbitrage que la veille, dans l’avion. Et ainsi de suite.

La règle est d’or et mardi soir, alors que le pays était arrêté pour suivre la décisive rencontre Italie-Uruguay de Natal, au Brésil, l’Italie s’est découvert une génération spontanée d’entraîneurs brillants et de sélectionneurs jamais trouvés par les recruteurs les plus aguerris. Et pourtant, il n’y avait qu’à tourner le bouton d’une radio, zapper sur le satellite ou la TNT pour découvrir ces prix Nobel du ballon rond méconnus. Les bistrots de Rome avaient pour l’occasion mis à la disposition du public les écrans plasma dont chacun s’est doté en prévision de l’événement. Ça fait marcher les affaires !

Naturellement, sur les chaînes de radio qui accueillaient les commentaires des auditeurs à chaud, il y avait de tout ; du bon et du moins bon, à la limite de l’abject. La défaite italienne ? Pourquoi a-t-on permis à ces fainéants de joueurs de partir tous frais payés au Brésil avec leurs épouses, demande l’un. Mario Balotelli ? Moi, j’estime que ce petit gars n’a jamais su taper dans un ballon, sinon par chance ou par hasard, soutient un autre. Dans tous les cas, même certains joueurs n’ont pas hésité à souligner que dans les trois matchs joués par la sélection italienne au Brésil (une victoire et deux défaites), seuls les anciens se sont distingués à l’instar de Buffon. Pas les jeunes, à l’instar de… suivez mon regard.

Au parti xénophobe de la Ligue du Nord, où on ne fait généralement pas dans la dentelle, la défaite a été d’autant plus inacceptable qu’elle s’est consommée alors que le Premier ministre Matteo Renzi était attendu au Parlement. Un crime grave, peut-être même passible d’un jugement à la Cour pénale internationale ! « Renzi est absent le jour où il devait prononcer son discours à la Chambre ! Quelqu’un pourrait-il lui dire que le pays est en train de s’effondrer alors que lui est sans doute parti attendre, pour exulter avec son amie Cécile Kyenge, devant le but de Balotelli ? »

Ces propos de Gian Marco Centinaio, membre éminent de la Ligue du Nord, un mouvement dont il ne faut pas gratter profond pour découvrir le vernis qui cache un racisme éclatant. Surtout lorsqu’il est question de ces deux noms, Balotelli et Kyenge, symboles d’une intégration que la ligue (mais pas seulement) tient en sainte horreur : « L’Italie multiculturelle et multiraciale de Kyenge ne doit jamais se réaliser. »

« Surtout, veuillez dire à Renzi que les problèmes du pays ne se résolvent pas par un but. » Et cela d’autant moins que ce but n’est jamais arrivé ; que le Premier ministre est bien venu à la Chambre pour y prononcer un vigoureux discours-programme pour la présidence italienne de l’Union européenne à partir du mois prochain. Un discours acclamé par de nombreux leaders de partis politiques de l’opposition qui, eux aussi, s’étaient accordé le temps d’aller regarder Balotelli (jouer pendant une mi-temps), Marchisio recevoir un carton rouge, et Giorgio Chiellini se faire mordre par l’attaquant uruguayen Luis Suarez, dit « le cannibale ».

Lucien Mpama