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Fracture sociale: vers un partage équitable de la richesse nationale?

Lundi 4 Juillet 2016 - 11:56

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Suivant la loi des inégalités de Pareto qui explique les stratégies d’anticipation des agents économiques et la formation des crises sociales dans un pays, la distribution directe de la richesse nationale par l’augmentation homogène des revenus du travail, entretient la pauvreté et fragmente la population en deux groupes hétérogènes. Le premier groupe représente 20% de la population qui bénéficient de 80% de la richesse nationale. Il est possible d’améliorer uniformément le bien-être de certains individus sans réduire celui des autres. Le deuxième groupe représente 80% de la population qui ne bénéficient que de 20% de la richesse nationale. L'augmentation uniforme du bien-être de certains individus de ce sous groupe, implique la réduction du bien-être d'au moins un autre individu qui risque de sombrer dans la pauvreté. Lorsque la richesse nationale tarie, les stratégies de satisfaction des besoins primordiaux de ces groupes, provoquent des crises sociales, et nécessitent des mesures anticipatrices ciblées et efficientes.

Au Congo, les enquêtes du CNSEE (ECOM 2005 et 2013), indiquent  que 25% des ménages les plus aisés gagnent un revenu moyen 6 fois supérieur à la moyenne des revenus perçus par les 25% des ménages les plus pauvres. Pour réduire ces écarts de revenus, un accord de rattrapage salarial a été conclu entre l’Etat et les partenaires sociaux en 2013. Il a conduit au relèvement progressif du point de l’indice salarial de 250 à 300 jusqu’en 2017, moyennant une augmentation généralisée des salaires de 12,5% l’an.

1) De la distribution de la richesse nationale: En fin janvier 2016, le point d'indice salarial est passé de 250 à 275 pour partager uniformément la richesse nationale entre les travailleurs, de telle manière que le Salaire Minimum Interprofessionnelle Garantie (SMIG) mensuel qui était de 29.580 FCFA en 1996 atteint 120.825 FCFA en 2016. Cette mesure fait du Congo, le deuxième pays d’Afrique Centrale ayant le SMIG mensuel le plus élevé, après la Guinée Equatoriale (128.000 FCFA); alors que dans les 18 pays francophones d’Afrique, ce salaire n’est que de 62.358 FCFA. La masse salariale du Congo est passée de 270 milliards de FCFA en 2013 à 485 milliards en 2015, alors que la pauvreté persiste.

2) A la fracture sociale: Selon le FMI (2015), la pauvreté et l'inégalité sont relativement élevées au Congo comparativement aux pays d'Afrique Subsaharienne (AS) ayant un revenu nettement inférieur. En AS, la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, a reculé en passant de 56,8 % en 1990 à 35,2 % en 2015. Ces proportions sont respectivement de 54,1% et de 46,5% au Congo.  Avec un PIB de 3.600 USD par habitant, le citoyen congolais est moins riche que celui de la Guinée Equatoriale (14.320 USD/habitant). L’indice d’inégalité de Gini du Congo, reste fort à 0,47 (PNUD, 2013) et le PNUD classe le Congo au 140ème rang mondial sur 187 pays de l’échelle du Développement humain.

3) La fin de l’Etat providence: La croissance économique du Congo n’a été que de 4 % en moyenne entre 2011 et 2015, bien inférieure aux 8,5 % prévus dans le Plan National de Développement. L’inflation a chuté en passant de 4,6% en 2013 à 2,4% en 2015, et se situe en dessous du plafond de 3 % fixé par la CEMAC. Mais les recettes de l’État, qui avaient augmenté de 13 % en moyenne entre 2011 et 2013, ont baissé de 26 % entre 2014 et 2015, à cause de la chute du prix du baril de pétrole qui est passé de 125 à 50 dollars en un an, alors que l’indice de perception de la corruption du Congo évolue, en passant du 142e rang mondial en 2006 au 152e rang en 2015 (Transparency International). Le déficit de la balance courante s’établit à 17 %.

Dans ces conditions, l’Etat s’est désengagé en limitant la gratuité des services de santé, d’éducation, de prévoyance sociale et le subventionnement de l’énergie, du transport, de la formation, de l’emploi et des produits de première nécessité, au profit des augmentations homogènes et périodiques des revenus qui ne profitent qu’aux tranches nanties de la population. La crise financière qui s’annonce, risque d’amplifier les inégalités sociales et de développer davantage la pauvreté.

Ainsi, l’augmentation homogène des salaires développe la fracture sociale sans résorber la pauvreté. Une distribution différenciée de la richesse nationale, fondée sur un salaire minimum interprofessionnel de croissance indexé sur le taux de croissance économique du pays, soutenu par une couverture universelle des services sociaux de base, pourra atténuer les inégalités et anticiper les crises sociales.

Par Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de

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