France : un rapport du Sénat appelle à une redéfinition de la stratégie de la France en perte de vitesse en Afrique

Jeudi 31 Octobre 2013 - 13:15

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À quelques semaines du Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, le groupe de travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a fait le bilan de la présence française sur le continent. L’ancien secrétaire d'État à la Coopération Jean-Marie Bockel, aujourd’hui sénateur, et le sénateur Jeanny Lorgeoux ont présenté, le 30 octobre, les conclusions de ce rapport d’information, adopté à l’unanimité

Intitulé « L’Afrique est notre avenir », le rapport établit un diagnostic des mutations en cours dans le continent, notamment l’explosion démographique, qui nécessite un réel accompagnement sur le plan alimentaire, la formation, l’habitat, la santé et l’emploi pour « plus d’un milliard de nouveaux habitants d’ici quarante ans ». Jean-Marie Bockel a souligné la croissance constante de l’Afrique depuis dix ans (5%), preuve de son dynamisme, « qui peut être pour [la France] un formidable réservoir de croissance ».

Le rapport fait un tour d’horizon des relations franco-africaines et souligne le paradoxe d’une France qui, après avoir été l’un des seuls pays à poursuivre, après les indépendances, une politique africaine, manque aujourd’hui de stratégie, au moment où les pays émergents investissent massivement dans le continent, avec des stratégies qu’ils mettent méthodiquement en œuvre. Il appelle à une mise en chantier d’une « définition stratégique à long terme - sur ce continent aujourd’hui convoité-, dans un partenariat d’égal à égal, fondé sur des intérêts communs », dans une Afrique qui n’attend plus.

Pour Jeanny Lorgeoux, « l’intervention de la France au Mali ne doit pas faire illusion. Alors qu’une partie de l’Afrique subsaharienne connaît une croissance et une transformation sans précédent et que l’autre sombre dans le sous-développement, la présence de la France est en recul, alors qu’elle a une relation sans équivalent avec le continent. »

Pour Jean-Marie Bockel, « une Afrique de deux milliards d’habitants à quatorze kilomètres du sud de l’Europe avec autant d’opportunités et de risques devrait être une préoccupation. »

L’Afrique de demain est unanimement considérée comme le moteur de croissance pour l’Europe, et son  échec pourrait être un cauchemar, d’après le rapport, qui définit dix priorités  et soixante-dix mesures pour relancer les relations franco-africaines. Les domaines retenus sont économiques, militaires, culturels et de développement. Le rapport propose une stratégie à la fois « ambitieuse et cohérente », un live blanc sur l’Afrique, la création d’un ministère de la Coopération internationale de plein exercice, une structuration régionale du dispositif diplomatique français sur le continent, et une meilleure association de l’Agence française de développement (AFD) à la défense des intérêts français.

Le rapport prend également en compte les enjeux de sécurité et souligne la nécessité de donner une dimension africaine à la présence militaire française de manière à accompagner les efforts du continent pour assurer sa propre sécurité. Il propose de maintenir des points d’appui, mais d’adapter le dispositif « afin de disposer des capacités réactives et flexibles en fonction de l’évolution des besoins, notamment au Sahel ».

Sur le plan culturel, le rapport tire la sonnette d’alarme sur les difficultés que rencontre la francophonie, et plaide pour un assouplissement des conditions d’entrée et de séjour en France afin que « la France redevienne une terre d’accueil privilégiée des étudiants, des artistes et des chefs d’entreprises africains ». Il propose entre autres la création d’une université francophone pilote à Dakar (Sénégal), « à l’image de l’université Paris-Sorbonne-Abou Dhabi », ainsi que le développement de l’enseignement universitaire numérique à distance.

Ce rapport oublie la place de la diaspora africaine sur l’échiquier économique d’une Afrique en pleine mutation, ses ressources humaines, les difficultés qu’elle rencontre à s’insérer dans le paysage français. Il n’évoque pas la place désormais quasi acquise par l’Union européenne en matière de diplomatie étrangère, au détriment des États, et demain, celle d’une politique de défense commune européenne, léguant à Bruxelles une partie de la souveraineté des États. Une évolution qui réduit les relations privilégiées, historiques que la France entretient avec l’Afrique, parfois décriées, jugées « condescendantes et de paternalistes ». 

Noël Ndong