Francis N'Ganga: " Je n’arrive toujours pas à digérer notre élimination en quart de finale face à la RDC"

Jeudi 19 Mars 2020 - 21:32

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Le rendez-vous téléphonique avait été pris la semaine dernière, avant que la pandémie du Covid-19 ne paralyse la planète. Parce que la vie doit malgré tout continuer, il a été choisi de l'honorer. L'occasion pour Francis N'Ganga de faire le point sur sa saison et d'officialiser sa retraite internationale. L'auteur du but historique de Karthoum, qui envoya le Congo à la CAN 2015 un soir de novembre 2014, évoque aussi la blessure encore vive que représente l'élimination face à la RDC lors de la compétition équato-guinéenne.

Les Dépêches de Brazzaville(LDB) : Bonjour Francis. Avant tout, en cette période si particulière, comment vas-tu ? Et ta famille ?

Francis N’Ganga (FN) : Bonjour Camille. Nous allons bien, tout le monde est en bonne santé. Grâce aux moyens de communication, on peut avoir et prendre des nouvelles de la famille, en France et au Congo. C’est important de pouvoir garder le contact.

LDB : Après la France hier, la Belgique passe en confinement total ce mercredi. Le pays est prêt ?

F.N : Oui, nous sommes prêts. Les magasins d’alimentation restent ouverts. Après, il va falloir être patient, changer quelques habitudes, profiter de la famille.

LDB : Comment vas-tu faire pour garder la forme, toi qui es sportif professionnel ?

F.N : Je vais faire du footing, qui est autorisé. Et j’ai quelques équipements dans ma maison pour faire du cardio, de la boxe.

LDB : Il y a quelques jours, tu m’as contacté car tu souhaitais passer un message. Depuis, cette crise sanitaire mondiale s’est amplifiée et le football devient vraiment secondaire. Cela-dit, comme la vie doit continuer, quel est ce message ?

F.N : Je voulais m’adresser à tous ceux qui me suivent depuis le début de ma carrière pour annoncer la fin de ma carrière internationale. Pendant la campagne des éliminatoires de la CAN 2019 j’avais encore quelques espoirs de venir apporter mon vécu au groupe, mais ensuite, j’ai pris cette décision. J’ai été fier et heureux d'être un Diable rouge pendant près d'une décénnie. J’ai toujours eu une relation privilégiée avec le public congolais et je veux l’en remercier.

LDB : Lorsque tu m’as contacté, tu m’as expliqué que tu recevais encore régulièrement des messages de supporteurs qui souhaitaient ton retour en sélection. Et que c’est ce qui a motivé cette annonce…

F.N : Sur les réseaux sociaux, dès que je poste une photo ou une publication, j’ai beaucoup de supporteurs qui me demandent de revenir. Cela m’a fait prendre conscience que si la situation est claire pour moi, je ne l’ai jamais annoncé publiquement. Par respect pour eux, il me semble nécessaire de clarifier la situation.

LDB : Donc place aux jeunes, la page est tournée pour toi

F.N : Place aux jeunes, à eux d’écrire leur histoire. La mienne a débuté en 2008 et a été faite de hauts et de bas. J’y ai connu beaucoup de bonheur, quelques déceptions, dont cette CAN 2015 qui a été  le sommet et la plus grande déception.

LDB : C’est cette déception que tu voulais effacer en allant à la CAN 2019 ?

F.N : Oui, j’aurais aimé que le Congo participe à cette compétition pour faire passer le goût amer qui nous restait de 2015. La qualification en 2015, c’était l’accomplissement d’une génération, celle des Delvin Ndinga, Prince Oniangué, Chancel Massa, Igor Nganga. Mais je n’arrive toujours pas à digérer notre élimination en quart de finale face à la RDC. Avec de meilleurs choix tactiques et techniques, on aurait dû aller plus loin, et je pense même jusqu’en finale. Et que l'on y aurait eu notre chance…

LDB : On sent en effet que l’amertume est encore vive

F.N : Vraiment. Je repense souvent à ce match contre la RDC, que l’on menait 2-0 jusqu’à vingt minutes de la fin. Ça aurait dû se passer autrement. Après le match, Claude Le Roy et son staff avaient reconnu qu’il y avait d’autres choix à faire en termes de coaching. Cette CAN aurait pu être la nôtre, mais ce qui est fait est fait. J’en garde aussi de bons souvenirs, car c’était l’histoire humaine d’un groupe, de ceux que j’ai cités, mais aussi Chris Malonga, Ladislas Douniama… Un noyau dur qui a su apprendre de ces échecs passés pour se qualifier en 2015.

LDB : Cette pandémie du coronavirus a interrompu toutes les compétitions, dont la Proximus belge. A titre personnel, tu as peu joué cette saison (5 matches, 4 comme titulaire, aucun en 2020). Comment l’expliques-tu ?

F.N : J’étais titulaire en début de saison, puis je me suis blessé pendant un mois, l’équipe a fait quelques résultats sans moi, ensuite l’entraîneur a été remplacé (ndlr : Glen DeBoeck a été limogé le 17 novembre 2019 et remplacé par Stijn Vreven). Depuis je n’ai plus joué. Il a probablement ses raisons, je respecte ses choix, mais j’ai du mal à l’accepter, vu la situation du club (nldr : le SK Lokeren, dernier du classement, doit disputer les play-down face à Roulers). Donc, depuis quelques mois, je m’entraîne dur et j’essaie de prendre un peu de plaisir là où il y en a.

LDB : Cela peut influencer la suite de ta carrière : à 34 ans, tu souhaites continuer ou débuter une reconversion ?

F.N : Je ne sais pas. Je n’ai pas envie de finir sur une mauvaise expérience. J’aime trop le foot pour ça. Donc la tentation d’un dernier défi, qui m’apporterait du plaisir, est présente. Mais je ne veux pas faire la saison de trop non plus. Je me dis aussi qu’il est peut-être temps de me lancer dans un autre projet. Aujourd’hui, je ne sais pas, mais j’aimerais finir sur une dernière belle aventure.

LDB : Et à court ou moyen terme, cette reconversion, la vois-tu dans le foot ou dans un autre domaine ?

F.N : Le football, c’est toute ma vie, je lui dois tout et c’est ma passion. Consultant, entraîneur ou agent, il faudra que je trouve ma voie. Et puis, j’ai envie d’apporter encore à mon équipe nationale. Ça reste à définir, mais un jour je voudrais aider le Congo à devenir une grande nation. Je voudrais aider les petits frères qui ont repris le flambeau en leur apportant mon expérience.

LDB : Finalement, ça serait aider les suivants à « finir le travail de 2015 » ?

F.N : Oui, c’est un peu ça. Nous avons joué dans des championnats de qualité, en France, en Belgique, en Turquie, et on a emmagasiné de l’expérience, avec des hauts et des bas. On se doit de transmettre ça à nos successeurs pour les aider à faire des phases finales de la CAN, à faire du Congo une place forte du football africain. Nous, nous n’avons pas vraiment bénéficié de l’expérience des générations précédentes. Nous avons dû apprendre seuls et ça a pris le temps qu’il a fallu pour nous qualifier enfin à une Coupe d’Afrique, en 2015. Peut-être qu’avec plus d’accompagnement de nos grands-frères, nous aurions pu faire mieux.

LDB : Alors que le continent africain semblait épargné, des cas de Covid-19 sont déclarés dans plusieurs pays dont le Congo. Un mot à l’attention des Congolais ?

F.N : Faites attention à vous, respectez les consignes sanitaires nécessaires comme l’isolement et l’hygiène, pour empêcher la propagation du virus, même si ce n’est pas facile à appliquer au quotidien. Je suis de tout cœur avec vous tous.

 

 

 

Ton plus beau souvenir: mon but contre le Soudan, qui envoie le Congo à la CAN, 15 ans après la dernière participation. Magnifique

Le pire: Le quart de finale de 2015 face à la RDC. Et la non qualification pour un but de moins au goal-average pour la CAN 2010 (le Congo termine 3e du groupe avec 1 but de moins que le Soudan)

Ton sélectionneur préféré: j'en ai trois, Ivica Todorov et Jean-Guy Wallemme, deux bons techniciens qui géraient humainement très bien leur groupe. Et Claude Le Roy, avec qui nous avons eu des résultats, même si c'était moins fluide humainement.

Le coéquipier qui t'a le plus impressionné: Thievy Bifouma, il fait des choses extraordinaires sur un terrain. Un top player

L'adversaire qui t'a le plus impressionné: Mo Salah et Kwadwo Asamoah, quand il jouait au milieu de terrain. Salah, que j'ai croisé alors qu'il était encore jeune, possédait une incroyable capacité d'accélération et un super pied gauche. Asamoah créait le jeu du Ghana avec une telle facilité. Chaque geste était juste. Il ne perdait aucun ballon. Vous remarquez que j'ai choisi deux gauchers, comme moi...

La meilleure équipe que tu as affronté: Le Ghana, la génération demi-finaliste du Mondial 2010. Une équipe très rodée avec beaucoup d’expérience, à la fois dure dans les duels, très physique mais aussi très technique. Une très belle équipe.

Ton meilleur match: J'en ai deux: ma première sélection face au grand Mali de Sissoko, Diarra et Keita en 2008 (éliminatoires du Mondial 2010, victoire 1-0) et le succès à Calabar contre le Nigeria (éliminatoires CAN 2015, victoire 4-2)

Ton pire match: Le Kenya (défaite 1-2 à  Nairobi en juin 2016)

Le plus beau stade dans lequel tu as joué à l'étranger: En Afrique du Sud à Polokwane en 2014: Quelle ambiance. Le stade était plein une heure avant le match avec de la musique très forte. Un vrai stade de football 

Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Francis N'Ganga, en octobre 2014 à Polokwane, en Afrique du Sud durant la campagne qualificative pour la CAN 2015 (CD/ADIAC) Photo 2: Concentration absolue avant le match d'ouverture de la CAN 2015, qui rimera pour sa génération avec consécration et frustration (CD/ADIAC) Photo 3: Francis N'Ganga derrière son premier sélectionneur chez les Diables rouges, Ivica Todorov lors d'un match amical, en France, face au Burkina en 2009 (CD/ADIAC)

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