Francophonie : lancement des « Rendez-vous de l’OIF » à l’Université Paris Dauphine

Mardi 16 Décembre 2014 - 16:15

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L’organisation internationale de la Francophonie a tenu sa première édition des « Rendez-vous de l’OIF » le jeudi 11 décembre à Paris en partenariat avec l’Université Paris Dauphine, bien connue en France pour l'enseignement des sciences de gestion. Clément Duhaime, administrateur de l’OIF et Arnaud Raynouard, vice-président de l’Université, ont accueilli les hommes d’affaire Vérone Mankou, Jean Luc Koffi Vovor, Olivier Zegna Rata ainsi que l’éditrice Laure Pécher pour débattre de « la langue française, levier de développement économique »

A l’occasion de la publication du 2e rapport quadriennal sur l’état de la langue française dans le monde, l’administrateur Clément Duhaime a organisé une première rencontre autour des enjeux économiques de la francophonie, quelques jours après le sommet de Dakar et l’adoption d’une stratégie économique de l’organisation. Dans l’ancienne salle du commandement militaire de l’OTAN, représentants de l’OIF et du monde des affaires étaient assemblés pour débattre de comment faire de la langue française, commune à 57 pays membres et 23 observateurs répartis dans les zones de plus forte croissance mondiale, un levier de développement économique.

 « C’est le secret le mieux gardé que l’OIF fait de l’économie » a déclaré l’administrateur Duhaime, « 59% de la programmation et 15 des 26 programmes mis en œuvre par l’organisation intègrent la dimension économique. » L’Afrique, qui compte le plus grand nombre de locuteurs du français est , avec sa richesse matérielle et humaine, l’avenir de la francophonie pour Clément Duhaime mais cela est conditionné selon lui à la réussite de différents facteurs : la mise en place d’une éducation de qualité sur le continent, la constitution d’alliances industrielles et commerciales francophones, la création des conditions de prospérité économique permettant de faire du français une langue d’avenir et non une simple langue de traduction.

Pour l’entrepreneur congolais Vérone Mankou, la zone naturelle de vie de l’entrepreneuriat francophone est l’Afrique. Pour le PDG de VMK, le français appartient à tous ceux qui le parlent et la France, qui est aujourd’hui minoritaire dans la francophonie, ne peut seule se l'approprier : « le français appartient à l’Afrique ». Pour le jeune chef d’entreprise, il est  hors de question de laisser émerger un colonialisme économique par le truchement de l’OIF : « La francophonie ne doit pas être un réservoir de croissance pour la France en Afrique, ce continent doit être une terre de croissance pour les entreprises africaines ». En effet pour Vérone Mankou : « l’Afrique doit d’abord appartenir aux Africains comme la France appartient aux Français. »

Même son de cloche chez Jean-Luc Koffi-Vovor dont l’entreprise, Kusuntu, joue un rôle d’interface entre investisseurs institutionnels et entrepreneurs africains via des fonds d’investissement. Pour lui la francophonie économique ne doit pas se résumer à des échanges allant en sens unique de la France vers l’Afrique, mais elle doit être une zone de co-propriété francophone.

Olivier Zegna Rata, président du groupe Afrik.com s’est focalisé dans son intervention sur la situation des médias audiovisuels. Celle-ci est à un point de retournement : d’une part, la production n’est plus alimentée par les réseaux francophones tels que l’AITV dont la fermeture vient d'intervenir et d’autre part avec le passage à la TNT sur le continent prévue pour Juin 2015, dont les marchés sont souvent emportés par les entreprises chinoises, les francophones sont en train de perdre la maîtrise des réseaux. Cela pose deux enjeux majeurs, selon l’homme de média : il est urgent de développer une production africaine francophone, face aux productions anglophones peu chères provenant du Nigéria et de l’Afrique du Sud et d'avoir une maîtrise des réseaux de distribution. Pour Olivier Zegna-Rata, ces changements sont l’occasion pour les médias français d’être les financiers du décollage de la création de contenus africains, à l'inverse de la politique de marché de rente qu'ils pratiquaient jusqu'alors, avec pour conséquence de tuer l’émergence d’une production locale en abreuvant le marché gratuitement en productions subventionnées "Made in France".

Dans le domaine de la littérature, l’éditrice Laure Pécher, s’est réjouie d’entrevoir un léger frémissement en France : des départements d’étude francophone y sont créés, des auteurs francophones sont introduits dans les manuels scolaires à côté des auteurs français et la littérature francophone jouit d’un intérêt croissant à l’international. Cependant pour l’éditrice, alors que les acteurs du secteur du livre des Etats-Unis et d’Espagne ont réussi à créer un écosystème avec leurs pays de communauté linguistique en y installant des filiales, les échanges au sein de la zone francophone continuent à se limiter « à exporter des livres et à importer des auteurs ». Pour Laure Pécher il y aurait pourtant beaucoup de potentiel sur les échanges de droits au sein de la zone francophone.

Rose-Marie Bouboutou