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Gestion de la diversité sociale : participation de la femme à la gouvernance de la Cité

Jeudi 5 Mai 2016 - 14:45

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L’adoption en 2008 d’une politique nationale du genre, assortie d’un Plan d’Action 2009-2013, visait à corriger les inégalités sociales entre les hommes et les femmes au Congo. L’article 17 de la Constitution du 6 novembre 2015, renforce cette volonté par l’instauration du principe de la parité entre les hommes et les femmes dans la gouvernance de la Cité. Cette disposition qui adapte la résolution 47/135 du 18 décembre 1992, des Nations unies exigeant des Etats membres, de prendre en compte les intérêts des minorités (raciales, religieuses, linguistiques, genres, handicapes,…) dans la gestion de l’Etat, tend à valoriser le statut de la femme dans la société congolaise, sans être une panacée.

En effet, sur 3,6 millions d’habitants en 2005, le Congo comptait 51,7% des femmes. En 2016, cette proportion est passée à 49,90% sur une population de 4,8 millions d’habitants. Cette faible disparité naturelle au profit des hommes s’accompagne des inégalités sociales liées à la faible participation des femmes à la gouvernance de la Cité, notamment dans les fonctions :

1) électives : de 14% des sièges occupés par les femmes au Parlement en 1990, cette proportion est passée à 12%, en 2005 pour chuter à 6% dans l’actuel Parlement. Sur les 60 sénateurs en 2005, 13,33% sont des femmes, contre 11,11% en 2010 sur les 72 membres. Parmi les 499 Conseillers départementaux, 6,01% seulement sont des femmes en 2005 contre 13,95% en 2010 sur 731 Conseillers. Quant aux 296 Conseillers municipaux, les femmes représentent 12,84% en 2005 contre 16,89% en 2010. Parmi ces Conseillers, les femmes conseillères communales représentent 15,88% des effectifs en 2005 contre 16,55% en 2010. La représentation de la femme augmente au niveau local et régresse au niveau national, à cause sans doute de l’affaiblissement de son engagement politique depuis la disparition, en 1992, de l’Union révolutionnaire des femmes du Congo et la création de l’Organisation des femmes du Congo, qui mobilise faiblement la femme sur l’étendue du territoire ;

2) nominatives : sur les 35 membres du gouvernement en 2005, 14,29% sont des femmes. En 2010, les femmes ne représentent plus que 12,82% sur les 39 ministres contre 15,38% en 2016. À la Cour suprême, sur 21 membres, seulement 9,5% sont des femmes. À la Haute cour de justice, sur 36 membres, 16,7% sont des femmes, alors que sur les 9 membres de la Cour constitutionnelle, on compte qu’une seule femme. À l’université, sur 568 enseignants titulaires, les femmes ne représentent que 7,5% en 2005 contre 9,63% en 2010 sur 592 enseignants ;

3) entrepreneuriales : parmi les 1037 entreprises créées au Congo en 2010, seulement 27,58% ont été l’œuvre des femmes. La femme congolaise entreprend essentiellement dans le Commerce, avec 120 créations d’entreprises (18,02% du total), l’Immobilier et la location, 28 entreprises (18,91%), et la Construction, 19 entreprises (22,62%) ;

4) d’employabilité : la division traditionnelle du travail entre les hommes et les femmes est masculine. Les femmes occupent majoritairement les métiers de l’agriculture avec près de 70% des actifs agricoles et de la pêche avec plus de 60% des actifs. Sur 14487 demandeurs d’emplois inscrits à l’Office national pour l’emploi et de la main d’œuvre en 2005, 9,92% sont des femmes contre 14,96% en 2010 sur un effectif total de demandeurs d’emplois de 26848. Le chômage touche la population active féminine à 20,5 % et à 18,2 % les hommes.

Les inégalités sociales liées au genre sont les produits des échecs des politiques de formation et d’émancipation de la femme entreprises durant ces dernières décennies. La proportion des filles formées par le système éducatif est plus forte que celle des garçons dans les cycles fondamentaux que dans les cycles supérieurs. Sur 100 élèves formés en 2005/2006, les filles représentent 51,53% en préscolaire, 45,54% en primaire, 43,41% au collège, 33,69% au lycée et 7,70% à l’université. Ces taux sont en hausse en 2010, en passant respectivement à 51,30%, 48,33%, 46,47%, 45,36% et 7,98%. Ils chutent dans l’enseignement professionnel, où la part des filles en 2005/2006 est de 44,97% dans les collèges, 50,17% dans les lycées et 47% dans les écoles, contre respectivement 39,43%, 37,11% et 30,68% en 2009/2010. Le budget de l’éducation qui représentait 2,65% du total du budget de l’Etat en 2002 chute à 0,34% en 2010.

Ainsi, la parité est un levier efficace de la cohésion sociale, lorsqu’elle s’accompagne de la formation et de l’intégration rationnelle des minorités dans la gouvernance de la Cité, de la division émancipatrice du travail et de la répartition équitable des ressources rares.

 

Par Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de G

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