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Gestion optimale des régimes fiscaux pétroliers : un impératif national

Lundi 16 Janvier 2017 - 14:57

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Les régimes fiscaux pétroliers sont des dispositifs légaux et conventionnels qui organisent et régulent les relations fiscales entre l’Etat et les compagnies pétrolières. Ils rapportent plus de 75 % des recettes au budget du Congo. Mais cette rente expose la trésorerie publique à un manque à gagner, lié au risque systémique, et au risque opérationnel, faisant de la maîtrise de la trésorerie un impératif national.

I- Le risque systémique résulte de la volatilité des prix et des variations des quantités de pétrole sur les marchés. De moins d’un million de barils dans les années 60, la production pétrolière congolaise a atteint les 100 millions de Barils en 2000 pour chuter à 85 millions en 2015. Cette baisse affecte les recettes de l’Etat qui avaient augmenté de 13 % en moyenne entre 2011 et 2013, pour baisser de 26 % en 2014-2015, à cause de la chute du prix de 125 à 53,60 $/baril sur le marché international, contre 94,66 en 2014 et 47,96 $/baril en 2015 sur le marché national. Le déficit budgétaire de l’Etat s’est aggravé en passant de 5,2 % du PIB en 2014 à 10 % en 2015. L’Etat l’a couvert par 40% de ses réserves déposées à la BEAC et par 50% de ses actifs déposés en Chine.

Mais, depuis l’incident de paiement de la dette de 478 millions $ de l'Euroband 2007-2029, arrivée à échéance le 30 juin 2016, l’agence de notation Standard & Poor’s estime le déficit budgétaire du Congo à 15 % du PIB entre 2016 et 2019. L’Etat le couvre par un emprunt obligataire de 150 milliards FCFA à 6,5% l’an en 5 ans, tiré sur la Bourse des Valeurs de la CEMAC, qui augmentera à terme son déficit budgétaire.

II- Le risque opérationnel est dû à l’asymétrie des contrats pétroliers et aux comportements opportunistes des agents. Plus de 22 entreprises ont signé 20 contrats avec l’Etat dont : la française Total E&P Congo (38% de la production totale du Congo), l’italienne ENI-Congo (22,45%), l’américaine Chevron Overseas Limited (12,5%) et la Société nationale des pétroles du Congo (10,66%). Deux types de régimes fiscaux s’en distinguent :

- la concession (26,67% des contrats) régime par lequel l’Etat cède depuis 1960, pour 30 ans au moins, ses droits d’exploration à une compagnie pétrolière qui conduit et finance l’exploration à ses propres risques. En cas de découverte, le concessionnaire exploite le pétrole, supporte toutes les dépenses et dispose des productions lui revenant, qu’il récupère après paiement de la redevance et de l’impôt sur les sociétés ;

- le partage de la production (73,33% des contrats) par lequel, l’Etat partage depuis 1994, la production nette (Profil-oil) avec plusieurs entreprises dénommées Contracteur qui explorent et exploitent le pétrole à leurs risques. Le Profit-oil s’obtient en déduisant de la production brute, les coûts engagés par le Contracteur (Cost-oil). Il est partagé à part égale, à partir du prix fiscal inférieur à 22$/baril, et à 66% pour l’Etat et 34% pour le Contracteur pour la part du prix fiscal supérieur à 22$.

Le prix fiscal est négocié entre l’Etat et le Contracteur, réunis en Comité de Gestion. C’est le rapport du Cost-oil par le montant des réserves de pétrole prouvées restant à produire dans un champ pétrolier l’année suivante. Exprimé en dollar, il est indexé sur l’indice pétrolier mensuel des USA. Le Cost-oil est alors remboursé à 7/10° du prix du baril, lorsque le prix fiscal est inférieur ou égal à 10$, à 7$/baril quand ce prix est compris entre 10 et 14 $, et à 50% quand ce prix est supérieur à 14$/baril.

III- Le déficit de trésorerie : Le prix fiscal est toujours inférieur au prix du marché international, et le prix de vente de la part de l’Etat se situe en dessous du prix fiscal. Il en résulte mécaniquement, un manque à gagner pour l’Etat estimé à 3,9 millions $/an par concession et à 3 millions $/an par contrat de partage de production. Ces pertes sont majorées par les coûts d’opportunisme des agents, liés à la faible formalisation du reporting comptable et financier entre les entreprises pétrolières et les services de l’Etat, entraînant une évaluation tardive des écarts entre les prévisions et les réalisations des prix et des recettes, et de leur couverture. Les incidents de trésorerie qui en résultent donnent un mauvais signal aux marchés et conduisent les agences de notation à dégrader la note du pays et à renchérir ses emprunts.

Ainsi, les risques systémique et opérationnel qui frappent la rente pétrolière fragilisent la trésorerie publique, dont la maîtrise nécessite une gestion optimale des contrats et de l’information par des agents responsables, formés aux techniques de gestion et du pilotage de la trésorerie en situation de crise.

 

Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestio

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