Gouvernance forestière : encore des limites à franchir

Mardi 20 Novembre 2018 - 19:30

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Une évaluation récemment réalisée par le Groupe de travail juridique de la Plate-forme pour la gestion durable des forêts, avec l’accompagnement de l’ONG Comptoir juridique junior, révèle des contre-performances dans la gouvernance forestière au Congo et dresse une litanie de conseils pour parvenir à une gestion responsable des forêts et du commerce des produits forestiers.

Les résultats de cette évaluation « test de l’état de la gouvernance forestière au Congo », réalisée pendant trois mois avec l’appui technique et financier de World Wide Fund for Nature (WWF), ont été rendus publics lors d’une conférence de presse coanimée par Sylvie Mfoutou-Banga et Lilian Laurin Barros, respectivement coordonnatrice de la Plate-forme pour la gestion durable des forêts (PGDF) et secrétaire permanent du Comptoir juridique junior, responsable des programmes à la PGDF.

L’évaluation a eu pour but de mesurer la qualité de la gouvernance forestière au Congo et ce qui affecte la performance du secteur forestier. Pour Sylvie Mfoutou-Banga, l’objectif est de « contribuer à l’élaboration des stratégies transversales pour influencer les politiques et la gouvernance au-delà des forêts (politique d’investissement, énergétique, lutte contre la corruption), identifier des idées de projet ou programme et des actions de plaidoyer et lobbying à faire autour de la gouvernance forestière ».

Réalisées sur la base d’un outil d’évaluation et information rapide, les analyses ont montré un secteur forestier encore en proie à des dysfonctionnements. Le document prouve, par exemple, que les Accords de partenariat volontaires (APV), éléments-clés dans la gouvernance et aux échanges commerciaux (FLEGT), ne favorisent que le commerce des produits forestiers légalement et durablement produits vers l’Union européenne mais ne garantissent pas toujours présentement la traçabilité des produits forestiers dans les espaces d’autres pays, le cas de l’Asie. « On constate une insuffisance de collaboration entre agences gouvernementaux. De même, la coordination inter-gouvernementale n’est pas effective. D’où les problèmes récurrents de superposition d’usage dans le secteur forestier », souligne Lilian Laurin Barros. Selon lui, arborant le rapport, « Il n’existe pas de registre consultable sur les droits fonciers forestiers. Au Congo, le marché national des produits forestiers n’est pas encore bien structuré. Il faut donc prévoir des textes juridiques pour l’organiser durablement ».

Au nombre des limites de cette gouvernance forestière,  les faiblesses dans les mécanismes de suivi et de contrôle ainsi que des « interférences politiques dans le choix des responsables techniques des agences publiques ». Il ressort également le manque d’information chez les consommateurs sur l’origine et les sources d’approvisionnement des produits forestiers qu’ils achètent. Le document fustige, par ailleurs, le manque de moyens de fonctionnement de l’Institut de recherche forestier.

Des forces malgré des lacunes identifiées

La gouvernance des forêts, explique Sylvie Mfoutou-Banga, est la somme de toutes les forces sociales qui influent sur la façon dont les gens interagissent avec les forêts et les produits forestiers. Elle englobe, précise-t-elle, un large éventail de questions, de la qualité des réglementations forestières aux capacités d’applications, et implique plusieurs acteurs : les gouvernements, marchés, médias, le secteur privé, les organisations de la société civile, les communautés locales et populations autochtones.

Malgré des limites à surmonter, le Congo a, depuis, fait un grand pas dans l’économie forestière. Le pays possède  une politique en la matière depuis 2014, souligne le rapport, ainsi qu’un code forestier depuis 2000. L’APV/FLEGT est pris en compte pour lutter contre l’exploitation illégale du bois et des produits forestiers dès 2010. « Le Congo est aussi engagé dans la certification forestière qui contribue à la bonne performance dans le secteur forestier et à une gestion durable des forêts. La législation forestière et la loi des finances à partir de 2016 prévoient des incitations économiques pour éliminer les freins à la gestion durable des forêts », renchérit Lilian Laurin Barros. Il souligne, par ailleurs, l’existence d’un atlas forestier qui est rationnellement mis à jour ainsi que des textes qui prévoient la réalisation et le suivi des impacts socio-environnementaux.

Des pistes pour améliorer l’environnement propice à une gestion responsable des forêts

Les résultats des analyses issus de cette évaluation rapide recommandent de renforcer les accords commerciaux vers d’autres horizons, outre l’APV, en vue de garantir la traçabilité du bois dans les espaces d’autres pays. Pour cette étude, il est nécessaire d’affecter « réellement » les budgets prévus pour les agences intervenant dans le secteur forestier afin de faciliter leur fonctionnement et déploiement pour assurer le suivi et le contrôle et rendre publics les rapports produits. Le document appelle à renforcer le contrôle de l’État dans la collecte des recettes forestières et dans leur dépense et à appliquer régulièrement les sanctions.

En même temps qu’il recommande de réaliser des études d’impact social et environnemental transparentes avant la mise en œuvre de tout projet et programme gouvernemental, le rapport met un accent sur une meilleure convergence entre chaque ministère concerné par la chaîne d’approvisionnement en produit forestier. Il préconise, en effet, chacun à documenter la traçabilité de ses actions, puis de les centraliser auprès du ministère chargé des forêts afin que les fonctionnaires, entreprises et consommateurs s’informent sur la légalité des dits produits.

 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Sylvie Mfoutou-Banga et Lilian Laurin Barros

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