Imaginons …

Oui, imaginons que la France et de façon plus générale, d’ailleurs, l’Europe comprennent enfin qu’elles font fausse route en prêchant aux pays africains une forme de gouvernance qui est tout sauf un modèle comme le démontrent de façon accablante leurs propres dérives internes, leur rejet criminel des migrants, leur irresponsabilité face aux atteintes que leurs industries portent à l’environnement. Oui, imaginons qu’au lieu de donner des leçons au reste du monde, les puissances qui s’érigent présentement en juges universels osent se regarder de face dans le miroir de la réalité, puis fassent publiquement amende honorable. Que devraient-elles entreprendre pour réparer leurs erreurs ?

Une telle question peut sembler farfelue, voire même déplacée aux dirigeants du Vieux continent et pourtant elle se posera très vite de façon cruciale. Le temps n’est plus, en effet, où l’Europe pouvait se comporter comme au temps de la colonisation en usant de la force pour obliger les peuples du tiers-monde à copier leurs comportements. Face à la Chine, aux Etats-Unis, à l’Inde, à la Russie, qui ont pris la pleine mesure de ses contradictions et de son impuissance, elle voit son influence décliner au point que ses intellectuels commencent à tirer la sonnette d’alarme. A terme plus ou moins rapproché, donc, l’on peut tenir pour certain qu’elle se réveillera et se demandera comment réparer les erreurs commises dans les dernières décennies. D’où l’idée qui inspire cet éditorial : « Imaginons …».

Lorsque le réalisme aura imposé sa loi d’airain, ce qui ne tardera pas, une seule voie sera ouverte aux Français comme aux Européens : celle du respect. Respect des us et coutumes de l’Afrique, respect de ses dirigeants, respect de l’Histoire qu’il faudra tôt ou tard réécrire, respect des modes de gouvernance traditionnels qui fondent les sociétés africaines, respect de l’indépendance des nations qui furent si longtemps asservies, respect de la nature et de l’environnement qui sont la véritable richesse de l’Afrique, respect aussi d’une vision du monde qui n’est assurément pas celle du Vieux continent.

De deux choses l’une alors : ou bien ce respect de l’autre l’emportera sur l’orgueil, sur la suffisance, sur l’égoïsme des puissants et la voie sera ouverte pour de nouvelles formes de coopération Sud-Nord, ou bien il ne l’emportera pas et l’Europe perdra le peu d’influence qui lui reste aujourd'hui.