Imbroglio dans les cimetières : embarrassés, certains parents indexent les autorités municipales

Samedi 2 Novembre 2019 - 15:15

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La tâche n’a pas été aisée, le 1er novembre, fête de Toussaint, pour de nombreuses familles qui ont eu du mal à retrouver les tombes de leurs proches disparus à Itatolo ou à Moukoundzi-Ngouaka, à Brazzaville, à cause de la forêt qui a envahi les lieux ou la profanation.

Qui de la mairie ou des parents devrait assainir les cimetières ? En tout cas, cette question vaut la peine d’être posée au regard du visage peu reluisant que présentent les cimetières de Brazzaville, notamment ceux de la partie nord. En effet, que ce soit le public ou le privé, les problèmes d’entretien et de protection de ces lieux sacrés se posent avec acuité.

Fermé il y a plusieurs années à cause du manque d’espace, le cimetière public d’Itatolo, situé dans le neuvième arrondissement de Brazzaville, Djiri, est devenu un véritable casse-tête pour les pouvoirs publics et les parents. Le ministre des Postes, des télécommunications et de l’économie numérique, Léon Juste Ibombo, qui a représenté le gouvernement le 1er novembre, s’est fait, sans nul doute, une idée des difficultés des familles à y accéder.

« Le but de notre venue ici, c’est pour dire que le gouvernement pense toujours à toutes ces personnes. Je suis venu les honorer et dire que la nation ne les oublie pas », a souligné le ministre.

Le ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation a déposé la gerbe de fleurs à Moukoundzi-Ngouaka, dans le premier arrondissement, Makélékélé. Il a rappelé que la vraie fonction du cimetière était le souvenir et la mémoire. Selon Anatole Collinet Makosso, le cimetière est un élément fondateur de la mémoire d’une nation. Interrogé sur les actes inciviques observés dans certains sites, il pense qu’il s’agit d’une question d’éducation qui doit partir de la maison.

« La profanation des tombes est un sérieux problème d’éducation et nous en appelons à la responsabilité des chefs de famille ainsi que des leaders religieux. (…) Dans un pays où près de 90% de la population fréquentent les lieux de culte, il faut que les leaders religieux prennent la mesure du problème pour mettre à la conscience des Congolais la nécessité pour chacun de nous de respecter nos morts et nos cimetières », a rappelé le ministre.

Au cimetière de la Tsiémé, le gouvernement a été représenté par le ministre de la Justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones, Ange Aimé Wilfried Bininga. Après le dépôt de la gerbe de fleurs, il a déclaré:  « Disons que c’est d’abord une tradition. Le 1er novembre dans notre pays, nous célébrons la journée de la Toussaint. Pour nous, il s’agit d’une journée chargée tout à fait d’émotion ; elle nous rappelle des souvenirs qui nous amènent au plus profond de nous-mêmes ».

Bannir les antivaleurs

Venu se recueillir devant les tombes des siens partis depuis plusieurs décennies à Itatolo, Brice Boukongo s’est confronté aux aléas de la nature. « Je pensais qu’à mon retour, j’allais voir des cimetières qui sont au milieu de la ville propre, malheureusement je les ai trouvés dans la forêt. Je donne tort aux pouvoirs publics parce que lorsque nous allons à la mairie, nous payons des droits y compris ceux concernant l’assainissement », a-t-il déploré, s’interrogeant pourquoi continuer de payer autant d’argent à la mairie.

Même s’il a retrouvé la tombe de son oncle situé à quelques mètres du site officiel de recueillement, Aimé Florent Tsiadiambou pense que la responsabilité incombe aux parents et à la mairie qui doivent travailler la main dans la main. « Nous ne devons pas attendre seulement le 1er novembre pour venir nettoyer les cimetières. L’Etat doit prendre soin sinon protéger ces endroits qui sont sacrés afin de barrer la voie aux bandits de grands chemins », a-t-il plaidé.

Interrogé par la presse, le secrétaire général de la mairie de Djiri, Guy Rocher Embongo, a reconnu que la responsabilité de nettoyer les cimetières revenait tout d’abord aux autorités municipales. Mais la situation économique actuelle ne permet pas d’entretenir correctement le site. « La mairie n’a pas failli parce que d’habitude, elle a toujours pris le soin d’aménager le site officiel. Il faut que l’Etat trouve un autre site parce qu'Itatolo est rempli, il y a certaines familles qui ne retrouvent plus les tombes de leurs parents, elles voulaient venir déposer les gerbes de fleurs sur le site officiel. De plus, le site se trouve maintenant dans la forêt, servant de refuge aux inciviques. On enterre parfois des gens sur des tombes des autres, ce sont des antivaleurs », a-t-il dénoncé.

Depuis la fermeture du cimetière public d’Itatolo, des parents déboursent d’énormes sommes d’argent dans le privé pour enterrer leurs proches. Ces sommes sont destinées, entre autres, à la construction immédiate des caveaux. Mais, par manque d’espaces dans les cimetières, certains propriétaires des lieux déterrent des tombes pour en remplacer par d’autres. « Mon fils de 12 ans a été enterré ici, voici les photos. Chose curieuse, aujourd’hui, c’est une autre tombe qui est placée, je vais porter plainte contre le propriétaire de ce site », a menacé un parent.

Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

1-Anatole Collinet Makosso déposant la gerbe de fleurs au cimetière de Moukoundzi-Ngouaka 2- une vue du cimetière d’Itatolo/ Adiac

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