Immigration: les extrêmes vont faire jonction

Samedi 12 Avril 2014 - 17:06

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Les nouveaux afflux d’immigrés suscitent les réactions identitaires des mouvements d’extrême-droite en Europe

Prétexte ou pas, les flux de clandestins de nouveau à l’assaut des côtes maritimes de l’Europe sont du pain béni pour les mouvements d’extrême-droite. Alors que se profilent à l’horizon les élections européennes du 25 mai prochain, les partis et mouvements, qui ont décidé de noyer leurs xénophobies sous les étendards les plus divers, reprennent du poil de la bête. Le score du Front national français aux dernières élections municipales dans ce pays a revigoré pas mal de ces mouvements.

En Italie, la Ligue du Nord ne veut pas de « l’invasion » actuelle qui coûte cher au contribuable. « Je veux que l’État dépense jusqu’à 40 euros par jour pour ces gens, à condition que ce soit chez eux, pas chez nous », proclamait la semaine dernière un des leaders du mouvement extrémiste italien. Ces propos peuvent d’ailleurs sembler frappés du coin de bon sens, donnant à penser que l’hostilité manifestée contre les étrangers en Europe ne ferait pas obstacle à un quelconque plan d’aide au développement aux pays pauvres. Mais les faits ne vont pas vraiment pour soutenir une telle impression.

« Cher Alfano, on te paye un salaire pour défendre les frontières, pas pour nous faire envahir par des milliers de désespérés et de délinquants. La clandestinité est un délit : veux-tu parier avec nous que nous réunirons bien 500.000 signatures », pour réintroduire ce délit dans la législation ? C’est ainsi que le secrétaire du parti de la Ligue du Nord, Matteo Savini, interpellait le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, qui vient de passer un accord avec les préfets pour loger dans des structures désaffectées les immigrés qui viennent, avant de décider de leur sort.

Savini et la Ligue du Nord ont désormais choisi leur tête de turc en la matière après le départ de l’Italo-congolaise Cécile Kyenge, ministre de l’Intégration dans le gouvernement précédent en Italie. Ils estiment que le ministre de l’Intérieur actuel, qui n’est pourtant pas des plus tendres sur cette question, lui qui était, il y a quelques mois à peine le bras droit de Silvio Berlusconi qu’il a quitté avec fracas. « Alfano, affirme la Ligue, tu es le mauvais ministre, au mauvais endroit, au mauvais moment. Regarde ce que font tes collègues espagnols, français ou australiens. Toi, tu devrais soigner, aider, secourir et puis tourner la proue du navire (des clandestins) pour les réexpédier d’où ils viennent ! Tu dis qu’il y a 600.000 Nord-Africains sur les côtes prêts à prendre l’eau pour débarquer chez nous, où vas-tu les mettre ? Dans ta maison ? »

Cette logique est, à des nuances près, celle qui aujourd’hui anime tous les courants anti-immigrés d’Europe et d’Occident. Matteo Savini annonce que ce mardi, il va rencontrer Marine Le Pen, leader du Front national. « Tous les administrateurs membres de la Ligue du Nord se refusent à accueillir de nouveaux immigrés sur les territoires sous leur juridiction », affirme Savini. Cette fronde sera sans doute suivie d’effet. En tous les cas, les xénophobes surfent sur des courants porteurs aujourd’hui en Europe, ce qui promet sans doute de belles victoires électorales pour eux aux élections européennes.

 

Les immigrés sont peut-être utiles

 

Aux Pays-Bas, Geert Wilders du  Parti de la Liberté (PVV) souhaite qu’il y ait « moins de Marocains » dans son pays. En Autriche, un responsable du parti FPÖ  a mis en garde contre en voie de colonisation par les « Nègres » ; qui sera comparable au III e Reich à cause de l’Union européenne. En Belgique, le Vlaams Belang ; en Finlande le Parti des Finlandais ou encore le parti xénophobe hongrois Jobbik (20% des voix aux dernières élections législatives) poussent tous dans le sens d’une Europe qui se ferme totalement aux migrants, ou qui donne un tour de vis supplémentaire dans sa politique envers les minorités intérieures.

Les sondages prédisent que ces partis pourraient faire un tabac aux prochaines élections européennes et renforcer leur influence au sein des institutions continentales. Car, en plus, les mouvements qui faisaient contrepoids jusqu’ici, associations de militants et partis de gauche sont, à l’instar de ceux de France, dans des postures où leur voix est inaudible. L’Europe se barricade, mais les immigrés font le forcing : quatorze morts lorsqu’en février quelque trois cents d’entre eux sont partis à l’assaut des grillages de l’enclave espagnole de Melilla (Maroc) en février dernier. Un mort vendredi sur un bateau de clandestins au large des côtes italiennes…

 Il n’est pas sûr que la réponse soit dans le renfermement, les coups de menton ou les propos misérabilistes. Il n’est pas davantage dit que seul suffira le rappel de l’importance-clé que jouent de plus en plus ces immigrés dans les économies occidentales. Le géant suisse de l’alimentaire, Nestlé explique : « Avec les récentes politiques, notamment le plébiscite du 9 février sur l'immigration, nous sommes entrés dans une phase d'incertitude ».

Un référendum interdit désormais l’entrée massive des immigrés chez les Helvètes. En Italie, la région du Latium (Rome et son pourtour) indiquait la semaine dernière que les effets de la crise y ont été amortis par la création massive d’entreprises  d’étrangers fournissant du travail, y compris aux Italiens. Et aux États-Unis, une étude de la America's society a soutenu, toujours cette semaine, que les immigrants ont contribué à « la renaissance » d’une ville comme New York au cours des quarante dernières années. Des chiffres qui ne risquent pas d’émouvoir grand monde.

Lucien Mpama