Importations : diverses réactions au vent de protectionnisme en RDC

Lundi 28 Août 2017 - 19:09

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Vendredi 25 août, Jean Lucien Bussa Tongba, ministre du Commerce extérieur, a annoncé une batterie de mesures visant à interdire l'importation de certains produits de consommation courante dans toute la partie ouest du territoire national durant une période déterminée. Au-delà du ciment gris qui bénéficiait déjà d’une mesure similaire signée par l'ancien gouvernement Badibanga, il faut noter l'élargissement de la mesure à d’autres produits dont les barres de fer, les bières et les boissons gazeuses. Pour un expert interrogé par la rédaction, il est crucial de substituer les importations par des activités productives locales réelles. Ce qui n’est pas le cas aujourd'hui, du moins pour l’instant.

Concrètement, les arrêtés de Jean Lucien Bussa Tongba interdisent les importations du ciment gris et du clinker, des barres de fer, des bières et boissons gazeuses provenant des pays limitrophes. Premier constat : les mesures seront appliquées sur une période de six mois au niveau des postes frontaliers situés dans la partie ouest du territoire national. Dans l’une de nos dernières livraisons, nous faisions allusion justement de l’impact plutôt positif de la dernière interdiction de l’importation du ciment gris sur la cimenterie locale désormais plus compétitive. À travers ces nouvelles mesures, l’idée est certainement de renouveler l'exploit en ciblant d'autres secteurs menacés, dont les brasseries locales en perte de vitesse. Le ministère du Commerce extérieur est décidé à assainir et éradiquer l’entrée massive et frauduleuse de certains produits disponibles sur le territoire national.

D'autres produits désormais interdits d'importation

À cette liste, il faut ajouter l’interdiction d’importer des produits ayant trait à la violation des droits de propriété industrielle, intellectuelle ou du droit d’auteur, de faux billets et pièces de monnaies de contrefaçon, des véhicules d’occasion de plus de 20 ans ainsi que des produits alimentaires contenant la saccharine, du sel non iodé, des graines et semences génétiquement modifiées, des animaux et produits d’origine végétale ( perroquets rouges, pointes d'ivoire, peaux de léopards, écorces de quinquina, etc.) en provenance des zones affectées par des maladies épizootiques, des armes de chasse et des aéronefs. Toutefois, certains de ces produits, notamment les bières et boissons gazeuses, doivent impérativement bénéficier d'une autorisation préalable d'importation avant toute importation dans le pays. Il n'est plus question de faire entrer ces produits sans une contrevaleur au profit du Trésor public. Par ailleurs, un des arrêtés interdit cette fois l’exportation des mitrailles ferreux, des produits miniers autres que l’or et le diamant, les matières minérales à l’état brut, les bois, les grumes et dérivés, le charbon de bois et le tabac.

Scepticisme

Les mesures gouvernementales vont-elles contribuer à donner un second souffle à l’industrie locale ? C’est la grande question que nombre d’analystes se posent au regard des mesures passées infructueuses. Dans la ligne de mire des autorités congolaises, il y a bien entendu Lufu, un marché pirate qui s’est développé en pleine vitesse à la frontière angolaise. "Il s’agit des trafics commerciaux basés sur le taux de change. Par ailleurs, à Lufu comme dans d’autres marchés frontaliers du pays, il n’existe pas de guichets de banque et d’infrastructures appropriées. Un système de contrebande à grande échelle a vu le jour à Lufu et ailleurs. Parfois, les importations se font à dos d’hommes ou en traversant des rivières", déplore notre analyste.

Une mission gouvernementale a pu se rendre compte de l’ampleur de la fraude et de l’implication des différents services légaux commis aux frontières lors d’une tournée dans les espaces de marchés frontaliers. Depuis, il y a eu des mesures qui n’ont pas permis de stopper le phénomène de fraude. Beaucoup s’interrogent sur l’impact réel de cette nouvelle batterie de mesures si aucun suivi n’est effectué sur le terrain. En plus, il a été démontré que l’importation du ciment gris, du sucre ou du fer à béton a continué malgré l’interdiction du gouvernement. L’on a signalé la présence des marchandises interdites entreposées dans les dépôts, attendant d'éventuelles dérogations.

L’actuel ministre du Commerce extérieur sera évalué par sa détermination à faire appliquer effectivement ces mesures. Toutefois, les autorités congolaises devraient s’efforcer à réfléchir davantage sur une politique ou un programme à court terme pour répondre aux véritables défis de la stabilité du taux de change, de la relance de la production locale et de la reprise des exportations congolaises dominées à 95 % par les mines et le pétrole. Il faut rappeler aussi les 28 mesures urgentes du 26 janvier 2016 qui n’ont pas produit les effets escomptés. Comme la Fédération des entreprises du Congo le rappelle, ces mesures doivent s’inscrire dans le cadre d’une véritable politique nationale du gouvernement. Pour sa part, le patronat national invite ses membres à investir davantage dans les secteurs productifs, principalement l’agro-industrie.

Ralentissement des importations

Selon les statistiques de la Banque mondiale, les importations congolaises sont passées à environ 8 milliards de dollars USD en 2010 à 12,7 milliards en 2014. Ce chiffre est tombé à un peu moins de 11 milliards en 2015. Au premier semestre 2016, il a été constaté une baisse de 17 % du tonnage des biens importés par le port de Matadi, la plus grande infrastructure portuaire du pays. L’on estime la part des biens d’équipements à près de 59 % (BCC 2015). L’explication de cette forte part des biens d’équipements est liée justement au faible niveau d’industrialisation du pays, à la base d'ailleurs de la faiblesse de la part des produits semi-finis estimée à moins de 5 % des importations. Jean Lucien Bussa a promis d’aller jusqu’au bout. L’on parle des mesures d’accompagnement pour encourager les opérateurs concernés par les secteurs cités et veiller à une pratique des prix à la portée de toutes les bourses. Ce dernier point préoccupe au plus haut point nombre d’observateurs de la vie économique congolaise.

Laurent Essolomwa

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