Inerview. Can Incesu : « La Turquie est le premier pourvoyeur d’aide humanitaire dans le monde »

Vendredi 26 Octobre 2018 - 20:00

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Le pays fondé sous l'impulsion de Mustafa Kemal Atatürk en 1923 célèbre, le 29 octobre de chaque année, la fête de la République et 2018 marque l’année du renouveau politique. En prélude à ces festivités, son ambassadeur au Congo revient, dans une interview exclusive aux "Dépêches de Brazzaville", sur les modifications constitutionnelles ayant abouti à un régime présidentiel ainsi que sur la politique étrangère entreprenante d'Ankara.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : La Turquie célèbre, le 29 octobre de chaque année, la fête de la République. Pour ces 95 ans, quel va être le fait marquant ?

Can Incesu  (C.I.): Cette année, la Turquie a opéré la transition d’un régime parlementaire à un régime présidentiel. C’est la conséquence des modifications constitutionnelles adoptées par référendum le 16 avril 2017. Ces modifications sont entrées en vigueur suite aux élections, présidentielle et parlementaires, du 24 juin 2018. Ce nouveau régime doit permettre au pouvoir exécutif de prendre et de mettre en œuvre plus rapidement ses décisions, y compris dans le domaine de la politique étrangère. Le principe de cette politique, défini par le père fondateur de notre République, Mustafa Kemal Atatürk, est « Paix dans la patrie, paix dans le monde ». Pour suivre ce principe fondamental dans le contexte international actuel, la Turquie continuera à mener une politique entreprenante et humanitaire.

Entreprenante car elle poursuivra ses actions constructives visant à créer un environnement de sécurité, de stabilité et de bien-être dans sa région et à l’échelle internationale. Humanitaire, puisque la Turquie est le premier pourvoyeur d’aide humanitaire dans le monde à la fois en valeur absolue et en proportion de son revenu national.

L.D.B. : Au cours d’une conférence de presse, en juillet dernier, vous affirmiez que la coopération gouvernementale de votre pays progressait. À quel niveau se situe-t-elle  avec le financement, par la Banque turque, du crédit à l’exportation à hauteur de 197,5 millions d’euros de la construction des bâtiments de la cité gouvernementale au Congo ?

C.I. : Ce crédit, accordé en avril 2016 au gouvernement congolais, concernait majoritairement le Centre de conférences internationales de Kintélé, qui a été achevé, et n’allait financer que partiellement la cité gouvernementale qui est un projet plus vaste. Je crois que ce dossier représente un excellent exemple de notre politique étrangère entreprenante. La décision de financement a été prise en tenant compte de nos relations en développement avec la République du Congo et de la demande exprimée par le gouvernement congolais. Le résultat actuel est que le Congo s’est doté très rapidement d’un centre de conférences internationales de très grande qualité et d’une capacité d’accueil importante, que le gouvernement utilise pleinement pour contribuer au rayonnement du pays. Nous souhaitons toujours que la Banque turque de crédit à l’exportation puisse aussi financer la construction de la cité gouvernementale. C’est un dossier complexe, dépendant en premier lieu des prochaines décisions que prendra le Congo sur ses dettes actuelles, ses investissements futurs et ses contraintes budgétaires, avec ou sans l’intervention du Fonds monétaire international. Personnellement, je suis convaincu que la construction de la cité gouvernementale se fera tôt ou tard dans le cadre de notre coopération.

L.D.B. : Le Congo est l’un des premiers partenaires commerciaux turcs en Afrique centrale. Quelles sont les perspectives  concernant l’accord commercial de coopération économique et technique, entre les deux pays, signé en septembre 2000 ?

C.I. : Cet accord offre un excellent cadre d’échanges entre les gouvernements des deux pays. C’est sur la base de celui-ci que se réunit la Commission conjointe au niveau ministériel qui évalue et oriente la coopération bilatérale. Deux réunions de cette commission se sont tenues jusqu’à présent, l’une à Brazzaville, en juin 2013, et l’autre à Ankara, en avril 2015. La prochaine réunion devrait se tenir en 2019. Nous avons déjà une proposition du gouvernement congolais quant à la date. Ceci dit, cet accord est loin d’être un instrument suffisant pour la réalisation du potentiel économique commun des deux pays. Les opérateurs privés attendent des gouvernements la signature de deux accords bilatéraux essentiels, l’un sur la promotion et la protection réciproque des investissements, l’autre sur la prévention de la double taxation. Pour les sociétés turques, l’existence de ces accords représente une case à cocher avant toute décision d’investissement à l’étranger. Ces accords sont en négociation depuis déjà un certain temps entre nos deux pays. J’espère de tout cœur que ces négociations seront finalisées au plus vite pour ouvrir la voie aux investissements bilatéraux.

L.D.B. : Une nouvelle phase dans les relations bilatérales a été amorcée lors de la visite officielle du président Denis Sassou N’Guesso en Turquie, en novembre 2012. Depuis, quels sont les progrès enregistrés ?

C.I. :En un mot, nous avons des relations beaucoup plus denses. Durant toute cette période, nous avons taché d’être entreprenants dans nos relations bilatérales, en créant un maximum de possibilités d’échange et de coopération entre les deux pays. Il est dès lors difficile de faire brièvement un état des lieux complet de cette coopération. A titre d’exemple, le nombre de nouveaux bénéficiaires congolais des bourses d’études de Turquie est passé de trois à vingt-six en cinq ans. Nous sommes particulièrement fiers d’avoir pour la première fois une boursière qui fera des études de médecine dans une des meilleures universités turques. Par ailleurs, un programme régulier de formation existe pour les policiers congolais, dans le cadre de notre accord bilatéral dans le domaine de la sécurité. De jeunes diplomates congolais bénéficient aussi de plusieurs canaux de formation. Les anciens élèves des universités turques viennent, d’ailleurs, de se doter d'une association. Une nouveauté importante est la présence de l’école turco-congolaise Maarif à Brazzaville. Maarif est une fondation de l’Etat turc. L’école enseigne actuellement de la maternelle à la seconde et travaille en étroite collaboration avec l’ambassade. Par ailleurs, nous avons créé des opportunités pour les opérateurs privés. Le Conseil d’affaires Turquie-Congo a été fondé en 2015. Dernièrement, une délégation congolaise, conduite par le ministre de la Construction, de l'urbanisme et de l'habitat, Josué Rodrigue Ngouonimba, a participé au deuxième Forum économique et d’affaires Turquie-Afrique qui s’est tenu les 10 et 11 octobre 2018 à Istanbul. Des hommes et femmes d’affaires congolais faisaient partie de la délégation.

Ces dernières années, l’Agence turque de coopération et de développement, la Tika, a apporté des aides au développement visant plusieurs départements congolais. Cette année, nous avons aussi contribué à l’aide humanitaire au département du Pool, en amenant trente tonnes de vivres à Mayama.

 

Propos recueillis par Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo: Can Incesu, ambassadeur de la République de Turquie au Congo

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