Interview. Annie Mutamba : « Les pays africains pourraient mieux défendre leurs intérêts au niveau des institutions de l’UE »

Samedi 28 Mai 2016 - 14:00

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La congolaise (RDC) Annie Mutamba a fondé et dirige Meridia Partners, première agence de conseil à Bruxelles, spécialisée dans les relations institutionnelles entre l’Europe et l’Afrique. Le 26 mai, l’agence a organisé la première édition de l'EU-Africa advocady Day (Journée de Plaidoyer UE-Afrique) qui a réuni experts européens et africains sur les relations entre l’Europe et l’Afrique. Une partie de la journée a été consacrée à l’apprentissage des techniques de plaidoyer efficaces afin de défendre les intérêts des entreprises africaines au sein de l’Union européenne (UE). Ces techniques seront également enseignées lors de l'EU-Africa advocacy labs qu’envisage d’organiser Meridia Partners.

Les Dépêches de Brazzaville : Qu’est-ce qui a motivé l’organisation de cette première édition de l'EU-Africa Advocacy Day ?

Annie Mutamba : Nous recevions beaucoup de demandes d’informations et de formation sur la compréhension du fonctionnement des institutions européennes, les informations qu’elles diffusent ainsi que l’accès à certains décideurs et à certains services. Au lieu de diffuser ces informations de manière sporadique, nous avons décidé d’organiser une journée de formation et d’information sur l’impact de certaines politiques européennes sur des intérêts africains. En même temps, on proposerait des formations de base en plaidoyer. Nous souhaitions également mettre en avant des experts africains et européens dans différents domaines (commerce, migrations, affaires européennes, etc.) afin d’avoir un événement inclusif. L’avant-midi, la commission européenne a donné son point de vue en tant qu’institution et cela a été contrebalancé par une perspective africaine. L’après-midi a été consacré à l’apprentissage des techniques de défense des intérêts africains au sein de l’UE sachant que c’est un système extrêmement complexe.

LDB : De qui proviennent les demandes ?

AM : Elles proviennent des associations de la diaspora ainsi que des entrepreneurs qui ont des projets en Afrique et qui ne savent pas comment faire la jonction notamment financière et de connexion au réseau. Ils sentent qu’il existe un potentiel au niveau européen qui n’est pas utilisé. Nous facilitons cet accès aux informations notamment en matière de financement mais aussi simplement en termes de contact au sein des institutions.

LDB : Pensez-vous organiser ce type d’événement régulièrement ?

AM : Ce sera un événement annuel, voire bisannuel. Nous allons sans doute en organiser un autre à Bruxelles au mois de décembre. Nous avons également été contactés au niveau de l’Afrique par des personnes intéressées de recueillir ce type d’informations non seulement en étant sur le continent mais aussi en venant à Bruxelles afin d’expérimenter le fait de travailler avec les institutions européennes. C’est pour cela que nous avons organisé l’activité le matin au sein même de la Commission. Nous souhaitions que ceux qui ne connaissent pas l’Europe, qui n’ont jamais vu quelqu’un de la Commission de près ou qui ne connaissent pas le langage ou le jargon utilisé au sein de l’UE puissent se familiariser et savoir comment s’adresser aux Institutions.

LDB : Comptez-vous également organiser ce type d’événement en Afrique ?  

AM : Ce sera sous un autre format. Cela se fera en Afrique car nous avons des demandes dans ce sens. Mais, à Bruxelles, nous proposons une proximité avec les institutions. Ainsi, l’objet de la deuxième édition de l’EU-Africa Advocacy day sera axé sur une visite des institutions soit du Parlement soit de la Commission, de manière à ce que ça soit plus concret et que ces lieux ne demeurent pas que des bâtiments dans lesquels on n’entre jamais et dont on ignore le langage, les rouages et les mécanismes.

Vous avez déclaré que la définition de l’advocacy, c’est d’être en amont des décisions afin de savoir les influencer. Les pays africains font-ils ce travail au niveau des institutions européennes ? 

AM : Ils sont très rarement en amont des décisions de certaines politiques économiques. C’est difficile de généraliser avec les 54 pays que compte l’Afrique, Cela dépend du pays et de la thématique en question. Mais, de manière générale, il manque un travail de veille stratégique. Il peut être fait mais on n’en ressent pas les effets. Mais, dans la plupart des cas, il n’est pas fait. Cela peut se comprendre car les pays africains ont aussi d’autres préoccupations. D’autres puissances étrangères sont également dignes d’intérêt et on ne peut pas mobiliser toutes les ressources sur l’Europe. Mais les pays africains pourraient mieux défendre leurs intérêts au niveau européen, en faisant un réel travail de veille, en décidant d’allouer des ressources humaines ou en ayant un système décentralisé et qui fonctionne de manière à faire remonter rapidement certaines informations. Ils devraient surtout faire confiance à la diaspora qui connaît les réalités ainsi que les rouages d’ici et qui peut aussi jouer un rôle d’ambassadeur à côté de la diplomatie classique. C’est vraiment cela l’objet de cette journée. À côté de la diplomatie classique, l’Afrique peut se doter d’un système pour faire remonter la voix de la société civile et de la diaspora. On aura fait un pas en avant en termes de lobbying en amont.    

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Annie Mutamba Photo 2 : Une vue des participants

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