Interview. Armand Claude Mvila : « Nous utilisons la lutte biologique pour remédier à la mosaïque »

Lundi 29 Août 2016 - 14:20

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Ingénieur en développement rural, le Dr Armand Claude Mvila, spécialisé dans la lutte contre les maladies des plantes, nous explique à travers son expérience l’impact de la mosaïque du manioc sur l’économie congolaise.

Les Dépêches de Brazzaville : Quelles études aviez-vous menées durant votre vie professionnelle ?

Armand Claude Mvila : Dès mon intégration à la Fonction publique, en qualité de chercheur en 1984, j’ai été orienté dans les travaux de lutte contre la mosaïque du manioc. C’est depuis là que les problèmes ont commencé à se poser sur le manioc. Au niveau de la recherche agronomique, on avait décidé de mettre en place des projets de recherche. Intéressé, en 1990, j’ai bénéficié d’une formation de protection des végétaux.

L.D.B. : Les pesticides ne sont-ils pas néfastes pour la santé ?

A.C.M. : Justement. Dans notre pays, nous mettons peu l’accent sur les produits chimiques parce que nous connaissons leurs effets néfastes sur l’environnement. L’utilisation des traitements pesticides a un coût et demande des méthodes de traitement. Aujourd’hui, même les pays développés, qui ont eu recours à ces produits, sont en train de les éliminer petit à petit. Cet aspect est presque écarté au Congo.

L.D.B. : Concrètement, à quoi les recherches sur la mosaïque du manioc ont abouti ?

A.C.M. : Ces travaux ont abouti à des résultats fiables. Il fut un temps, à l’intérieur du pays, où les populations avaient connu la baisse de production du manioc. Les populations de Lékana, par exemple, à cette époque étaient obligées de venir à Brazzaville pour s’approvisionner en manioc. C’était dû à la mosaïque du manioc. Cette maladie lorsqu’elle attaque le manioc, et que la maladie n’est pas traitée, si les plants du manioc sont sensibles, cela ne donnera pas de tubercules. Grâce aux travaux que nous faisons avec l’aide de la communauté internationale, nous avons mené des études pour connaître ce qui était à l’origine de cette improductivité.

LDB : Quelles sont les causes de la mosaïque ?

A.C.M. : C’est une maladie virale. Le virus de la mosaïque du manioc agit exactement comme le VIH sur l’homme. Lorsque la plante de manioc est attaquée vous n’avez pas de production, car ce virus circule sur toute la plante, donc dans la bouture.

L.D.B. : Comment se propage-t-elle ?

A.C.M. : Ce virus se propage grâce aux boutures infectées. La plante qui sort de la bouture infectée est déjà malade. Ces particules détruisent le métabolisme de la plante et finalement la plante ne produit plus. Le virus du manioc est aussi transmis par un insecte appelé « aleurode » ou « mouche blanche ». Mais sur le deuxième cas, beaucoup d’agriculteurs sont ignorants de ce que cet insecte peut causer. Cette mouche ne vient pas pour transmettre le virus mais pour s’alimenter, si elle s’alimente sur une plante malade, elle va prélever des particules virales. Et lorsqu’elle ira s’alimenter sur une plante saine, elle va transférer ces particules et la maladie va se propager d’une plante malade à une plante saine. En effet, la mosaïque est une vieille maladie qui n’attaque pas qu’au Congo. Il a sévi dans d’autres pays producteurs de manioc. L’une des solutions est d’utiliser des variétés résistantes. Dans la nature, vous avez ce qu’on appelle les croisements, du fait de la pollinisation. Cela donne de nouvelles variétés. Il existe des variétés résistantes et des variétés tolérantes. Avec les agriculteurs, nous faisons des évaluations phytosanitaires, en suivant leur comportement sur le champ. Aujourd’hui, même si le manioc peut coûter cher mais il n’en manque plus.

L.D.B. : Quelles solutions pour pallier la mosaïque ?

A.C.M. : Nous utilisons les méthodes de technique culturales pour éviter d’utiliser les boutures qui sont prélevées sur des plantes malades. Prendre des variétés résistantes, c’est aussi une technique. On a une grande technique effectivement de laboratoire. C’est aussi pouvoir éliminer le virus dans une plante qui est malade. Grâce à la science, nous pouvons obtenir une plante saine à partir d’une plante malade, grâce aux techniques de laboratoire de culture in vitro. Les travaux de recherche ont montré que le petit bourgeon, même si la plante est malade, les particules virales n’arrivent jamais sur ce bourgeon ou « méristème apical ». Toutes ces plantes que nous sortons du laboratoire sont saines. Mis sur un champ, nous faisons en sorte que ceux qui produisent protègent ces plantes des infections qui viennent de l’extérieur. Donc, lutter contre les vecteurs qui ne sont autres que les insectes. La technique la plus simple est de pulvériser des insecticides, mais les produits chimiques sont nocifs pour l’environnement. Nous utilisons la lutte biologique pour lutter contre la mosaïque.

Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Armand Claude Mvila

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