Interview. Baudouin Mayo : « L’opposition n'ira pas en ordre dispersé en 2016 »

Lundi 3 Février 2014 - 15:30

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Président interfédéral de l’Union pour la nation congolaise (UNC)/ville de Kinshasa, le député national Baudouin Mayo Mambeke décrypte l’actualité politique en RDC avec un accent appuyé sur la loi portant amnistie générale en cours de discussion à la chambre basse du Parlement.      

-Les Dépêches de Brazzaville : Comment expliquez-vous le blocage actuel à l’Assemblée nationale entre l’opposition et la majorité au sujet de la loi portant amnistie ?

-Baudouin Mayo Mambeke : Il faut d’abord préciser que cette loi d’amnistie a deux sources : primo, l’Accord-cadre d’Addis-Abeba auquel on peut ajouter la résolution 2098 du Conseil de sécurité de l’ONU. Et secondo, les concertations politiques qui se sont tenues dernièrement au Palais du peuple et auquel l’UNC n’a pas pris part. Par rapport à l’Accord-cadre, il fait obligation à la RDC de voter une loi d’amnistie. Et lors des concertations nationales, les concertateurs avaient également pris une résolution prévoyant une amnistie à accorder aux frères et sœurs qui se trouvent en prison pour délits d’opinion et autres infractions politiques. Aujourd’hui, le gouvernement a fait parvenir au Parlement un projet de loi d’amnistie couvrant les faits commis à partir de 2009. Le Sénat qui l’a examiné en première lecture a reculé cette échéance à 2003 pour permettre à un plus grand nombre des compatriotes de bénéficier de cette amnistie afin de renforcer la cohésion nationale. L’objectif ultime étant l’implication du plus grand nombre des Congolais à cette dynamique. Le projet de loi est arrivé à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture. Et une commission mixte PAJ-Défense et sécurité a été chargée de l’examiner. Malheureusement au niveau de l’Assemblée nationale, la majorité a reçu des mots d’ordre pour revenir à l’échéance fixée par le gouvernement. Or, nous députés de l’opposition, membres de la chambre basse, nous avions même estimé que l’échéance de 2003 ne nous convenait pas parce qu’elle laisse pas mal de compatriotes en dehors du cadre de l’amnistie. Et nous avons proposé que l’on recule même jusqu’en 2001. Nos collègues de la majorité eux s’en tiennent, pour leur part, à l’échéance de 2009 proposée par le gouvernement.

-LDB : Où se situe alors la pomme de discorde ?

-BMM : La pomme de discorde, c’est la volonté de la majorité présidentielle de passer en force en imposant son point de vue. Les dessous des cartes, c’est qu’on ne veut pas que certains compatriotes, comme Faustin Munene, les ex-militaires de Jean Pierre Bemba et les personnes emprisonnées dans le cadre du procès de l’assassinat de Mzee Laurent Désiré-Kabila recouvrent la liberté.  

-LDB : Comment dès lors sortir du blocage ?

-BMM : Déjà, le président de l’Assemblée nationale avait consulté les quatre groupes parlementaires de l’opposition pour qu’un consensus soit trouvé afin que cette loi d’amnistie soit votée ensemble par les députés de la majorité et de l’opposition. Nous espérons que le chef de l’État qui est l’autorité morale de cette majorité va soutenir la démarche d’Aubin Minaku et aider en même temps le pays à s’en sortir de sorte à éviter que cette loi ne jette de l’huile sur le feu en créant d’autres frustrations.

-LDB : Les députés de l’opposition ont dernièrement quitté la séance plénière consacrée à l’audition de la feuille de route électorale présentée par l’abbé Malu Malu. Pourquoi avoir affiché un tel comportement ?

-BMM : Nous avons quitté la plénière parce que l’Abbé Malu Malu nous a présenté une feuille de route électorale qui violait la Constitution. On ne peut pas discuter d’un texte en marge de la loi fondamentale du pays. Tout ce qu’on attendait du président de la Céni, c’était une feuille de route conforme au contexte légal et constitutionnel. Au lieu de cela, il nous a amené des hypothèses de travail en violation de la Constitution. La bonne attitude pour l’Assemblée nationale aurait été de lui demander de refaire sa feuille de route pour la conformer à la Constitution. On ne devait même pas la soumettre à discussion en plénière si nous étions respectueux des textes.  

-LDB : Le péché de l’abbé, n’est-ce pas le fait d’avoir proposé l’élection des députés provinciaux au suffrage indirect contrairement aux prescrits de la Constitution ?   

-BMM : Il est inadmissible pour nous que le président de la Céni vienne avec des hypothèses qui ouvrent la voie à la révision constitutionnelle dont personne ne parle aujourd’hui. Ce que nous lui demandons, c’est de rendre le tablier et partir parce qu’il a suffisamment donné les preuves de sa partialité et qu’il n’est plus l’arbitre au milieu du terrain. Il a déjà planté les germes de la fraude avec une mise en place discrétionnaire au sein de la Céni en lieu et place d’un appel à candidature tel que prévu par la loi.

-LDB : L’envoyé spécial des États-Unis dans les Grands lacs avait dernièrement recommandé aux dirigeants africains de ne pas modifier la Constitution de leur pays et de s’en tenir à leurs mandats. Une telle prise de position appelle quelle lecture de votre part ?  

-BMM : Je crois que la communauté internationale est en train de changer d’attitude. Il faut savoir anticiper sur les évènements, d’autant plus que pas mal des conflits en Afrique ont comme soubassement l’envie de s’éterniser au pouvoir qui caractérise nombre des dirigeants. Ils organisent les élections pour les gagner et le tripatouillage des dispositions constitutionnelles fait partie du jeu. Les grandes puissances ont donc compris qu’il faut agir en amont pour prévenir les troubles qui résultent des scrutins truqués. Il s’agit là d’une politique de prévention des conflits en Afrique qu’applique aujourd’hui la communauté des Nations laquelle passe par le respect de la Constitution qui demeure la voie obligée pour assurer l’alternance.  

-LDB : Comment l’opposition envisage-t-elle l’échéance de 2016 ?

-BMM : Maintenant qu’au niveau de l’UNC, nous avons approfondi nos racines et avec le contact que nous prenons avec les amis qui comptent dans l’opposition, nous sommes convaincus qu’avec le système d’élections à un tour, l’opposition présentera un candidat unique. En 2011, nous n’avions pas eu le temps nécessaire pour sceller les alliances. Cette fois-ci, les partis significatifs de l’opposition n’iront pas en ordre dispersé. Nous y travaillons fortement.  

-LDB : Votre dernier mot.

-BMM : L’UNC est un parti de l’opposition et il n’y a aucune accointance avec l’actuel pouvoir. Après la nomination des présidents fédéraux qui se déploient déjà à travers la ville, il sera procédé prochainement à Kinshasa à la mise en place des comités de base du parti. J’invite nos militants et militantes de se mobiliser, de se tenir prêts. Nous sommes en train d’huiler la machine du parti.  

Propos recueillis par Alain Diasso    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Le député UNC Jean Baudouin Mayo Mambeke