Interview. Betty Kusuamina : « Notre objectif est de labelliser les cafés produits en RDC »

Samedi 24 Novembre 2018 - 14:41

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Betty Kusuamina est la CEO du Cabinet Stone &Associate dont l'encadrement et l'expertise ont permis aux produits caféiers de la Fondation  d’appui intégral pour la promotion agricole (Fapa ASBL) d'être primés le 23 octobre 2018 en recevant le  « « Gourmet or » et le « Gourmet argent ». La remise des prix est prévue à Kinshasa pour le 1er décembre prochain.

Le Courrier de Kinshasa : En quoi consiste l'activité du cabinet Stone &  Associates dans la promotion des produits caféiers de la Fondation  d’appui intégral pour 
la promotion agricole (Fapa ASBL) ?

Betty Kusuamina : L’activité du cabinet Stone &Associate consiste en une collaboration avec Fapa sur la base d’un contrat mandat spécial- d’assistance en appel des ressources extérieurs en vue de la mobilisation des ressources institutionnelles, bancaires et/ou non bancaires au profit des projets dans la filière café visant à une véritable renaissance des cafés congolais. Ainsi, pour Fapa et Stone& Associate la réussite de cette mission nous conduira vers nos objectifs ultimes qui consistent en la labellisation des cafés des différentes régions productrices de cafés en RD Congo pour leurs traçabilités à l’international par voie de certifications référentielles.

LCK : Le café Ntaga du  Nord-Kivu et le café Lacus  du Sud-Kivu ont respectivement obtenu deux médailles, en date du 23 octobre 2018 à  Paris, à savoir le  « Gourmet or et le  Gourmet argent. Quelles sont les spécificités de ces deux marques  ?

BK : Ces deux marques proposent des cafés arabica produits par des coopératives agricoles congolaises qui sont ensuite traités dans une usine de traitement et enfin dans une usine de torréfaction, tous implantés dans le pays et dont nous garantissons la traçabilité des cafés. Notre objectif est de valoriser les productions agricoles en générale, et celle des produits de la filière café en particulier pour une véritable régénération des producteurs d’excellence en RD Congo sur toute la chaîne de valeur.

LCK : Qu'est-ce qui leur a valu l'obtention de ces prix  ?

BK : Le jury technique du concours AVPA est composé d'un groupe culturel et linguistique homogène. Dans sa pluralité, le jury regroupe en son sein des professionnels du café, du goût et des amateurs éclairés. Les principes généraux qui président à ce concours se résument comme suit  : Il n’existe pas un goût universel et il serait illusoire de parler d’un meilleur café du monde. Par contre, il existe des catégories homogènes de café et il est alors possible dans chaque catégorie de déterminer le ou les cafés qui expriment le mieux des qualités. Le café Ntaga a obtenu une médaille Gourmet or  dans la catégorie «  Puissant Aromatique  acidulé » café au caractère puissant, aromatique et acidulé, tandis que le café Lacus a obtenu une médaille Gourmet d’argent dans la catégorie «  Rond équilibré « café possédant tous ses éléments de saveurs et d’arôme.

LCK : Qui sont les créateurs de ces deux marques  ?

BK : La Fondation d’appui intégral et de promotion agricole, Fapa en sigle, est une association sans but lucratif constituée en 2012 dont la mission principale est d’encadrer les différentes communautés paysannes et de vulgariser auprès des populations rurales les avantages d’une agriculture soignée ainsi que les méthodes plus simples de production. Cette mission contribue à améliorer les performances sur toute la chaîne de valeur agricole, celle de la filière café en particulier. Cette fondation est animée par un groupe de producteurs ayant une expérience avérée depuis les années 70 dans la culture caféière en RDC.

LCK : Comment est organisé cette filière et quelle pourrait être sa contribution dans l'économie congolaise  ?

BK : Avant la fin du monopole que détenait l’ONC (Office national du café) depuis sa création en 1972, la production de café en RDC s’élevait à environ 60 000 tonnes en 1976 et à plus 120000 tonnes dans les années 1989. Malheureusement, les statistiques observées ces vingt dernières années accusent une baisse continue de la production tombée jusqu’à 32 329 tonnes en 2006, soit une perte de ±70%, Ceci constitue chaque année une perte de revenus d’environ 235 millions de US$ pour l’économie congolaise. Les conflits armés récurrents, l’incidence de la trachéomycose, le délabrement très avancé des voies de communication et des infrastructures sont quelques exemples qui ont contribué à une baisse continue de la production et des exportations principalement destinées aux marchés européen et américain. Pour ce qui est de la consommation domestique, ces dernières années, beaucoup de Congolais consomment du café au fur et à mesure qu’ils découvrent ses vertus intrinsèques. C'est ainsi qu'il y a eu une forte augmentation de café importé et notamment de cafés solubles qui sont consommés par beaucoup de Congolais, surtout à Kinshasa. Il provient essentiellement d’Afrique du Sud, de Belgique, d’Italie ou de France. Une partie de la consommation domestique concerne le café torréfié et moulu localement. En effet, la torréfaction, qui est une activité de transformation, se pratique presque partout en RDC, essentiellement de manière artisanale. Il existe un problème important de formation et d’encadrement des torréfacteurs artisanaux. On observe néanmoins une tendance croissante à la consommation locale ces dix dernières années.

LCK : Comment l'économie congolaise peut-elle bénéficier des opportunités offertes par cette filière ?

BK : il est estimé que la mise en œuvre de la stratégie nationale de relance de la filière café permettra de générer à terme un redressement de l’économie nationale d’environ 150 millions de dollars US annuellement. L’échéance de cette relance devra s’effectuer sur un plan quinquennal sur les objectifs quantifiés suivants : augmentation de la production annuelle au niveau de 70 000 tonnes ; augmentation des exportations annuelles au niveau de 60 000 T et consommation locale annuelle jusqu'à 10 000 T de café vert.

La stratégie de relance de la filière café en RDC couvre l’ensemble des composantes de la chaîne de valeur : la recherche, la vulgarisation, l’encadrement, la production, la transformation, l’usinage, la commercialisation interne, la torréfaction et l’exportation. Les bénéficiaires de la présente stratégie sont naturellement l’État, le secteur privé ainsi que tous les acteurs de cette chaîne de valeur, particulièrement les cultivateurs de café. Ainsi, la relance touchera directement ou indirectement environ 400 000 ménages agricoles soit environ 2.400.000 personnes vivant du café en milieu rural.

LCK : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez et quelle est l'importance de ce prix pour la relance de la filière?

BK : L’insuffisance d’encadrement des planteurs, l’enclavement de certaines zones de production de café, l’insécurité généralisée ou la faible taille des exploitations constituent autant de facteurs déterminants de cette chute de la production les structures de Fapa qui ont tourné à 10 % de sa capacité. Les exportations suivent presque fidèlement les évolutions de la production. Elles restent toutefois en sus influencées par les considérations de politique économique mondiale.

Les longues années d'expérience des membres constituant la Fapa dans le domaine de l'exportation du café vert ont permis de fournir des sources d’approvisionnement garanties à travers les meilleures plantations d'Arabica et de Robusta. Ainsi, aujourd’hui, Fapa travail directement avec les coopératives agricoles, des particuliers de plantations d’arabica et de robusta bien choisies, en suivant de près toutes les étapes de la récolte, ainsi que leur transport jusqu’à l’usine de traitement afin d’offrir les meilleurs cafés. Notre objectif est de promouvoir et d'acheter du café vert 100% Congo, de l'exporter ainsi que de le transformer en plusieurs étapes, de la cerise à la tasse.

La qualité des cafés de Fapa est assurée par un travail d'accompagnement de nos coopératives paysannes qui est la source de la récolte jusqu’à la tasse du consommateur. Grace aux prix remportés au concours AVPA 2018 et l’engouement des amateurs de cafés, La Fapa en association avec Stonnes&Associates négocient actuellement avec de nombreux potentiels acheteurs dans le marché domestique et également à l’international.

 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photos Betty Kusuamina

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