Interview. Cathy Okuka : « La culture gériatrique permet de bien cerner et comprendre la personne du troisième âge »

Jeudi 5 Juillet 2018 - 15:45

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La présidente de l'association Colibri Kimia est infirmière depuis vingt ans au service des soins intensifs du Centre hospitalier universitaire Brugmann à Bruxelles, où elle s'occupe spécialement des personnes du troisième âge. Son objectif est d'amener la culture gériatrique en République démocratique du Congo (RDC) via l'ouverture une maison de repos à Kinshasa, où les personnes âgées seront prises en charge de manière professionnelle.

 

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : En quoi consistent les activités de votre association

Cathy Okuka (C.O.) : L'association Colibri Kimia a été créée en février 2017 et a pour objectif de s'occuper des personnes âgées vulnérables en RDC. Là où je travaille, je suis la référente en ce qui concerne les personnes âgées aux soins intensifs et j'ai constaté qu'à Kinshasa, beaucoup d'entre elles sont abandonnées. J'ai donc trouvé nécessaire de m'occuper d'elles, de transmettre l'information et de former des gens qui sachent qu'il existe des maladies spécifiques aux personnes du troisième âge et que leur comportement n'est pas lié à la sorcellerie comme on le pense souvent. Mon but est de donner des formations et de protéger ces personnes du mieux que je peux.

L.C.K. : Depuis sa création, quelles sont les activités que Colibri Kimia a déjà menées ?

C.O. :Avant même la création de l'association, nous avons apporté notre soutien à une partenaire qui s'occupe des personnes du troisième âge dans la commune de Masina à Kinshasa. Nous avons apporté du matériel et un peu d'argent. La même année, nous avons visité un home de vieillards qui appartient à l'Etat, dans la commune de Ngiri-Ngiri. Nous y sommes encore retournés en 2017. Nous avons également effectué des dons en faveur de certaines personnes dans la commune de Mont Ngafula. Notre objectif est de créer une maison de repos pour les personnes âgées vulnérables. Nous avons effectué des démarches au niveau du ministère provincial et nous sommes dans l'attente d'un bâtiment. Nous avons également acheté un terrain à Kimwenza pour construire une maison de repos. Mais avant de démarrer la construction, nous allons d'abord effectuer un forage afin que la population qui vit dans ce coin puisse bénéficier de l'eau potable car, pour l'instant, elle en est dépourvue. L'eau potable est utile à la santé, notamment des personnes âgées qui seront pensionnaires de la maison de repos parce qu'elles sont déjà fragilisées par l'âge.

L.C.K. : Il existe déjà des maisons de repos en RDC, quelle sera la particularité de la vôtre ? 

C.O. : Il n'existe pas beaucoup de maisons de repos à Kinshasa. Il en existe sans doute dix. Huit sont privées et les deux autres, situées à Kintambo et à Ngiri-Ngiri en face de la RTNC, appartiennent à l’État. Nous allons apporter une innovation : la culture gériatrique. Soigner la personne âgée dans sa globalité : ses pathologies, son environnement, le dialogue et le contact avec la famille. Nous allons également apporter la formation et l'information personnelle aux soignants afin qu'ils maîtrisent la culture gériatrique. Comment soigner les personnes âgées et les aider à rester indépendantes car si elles ne sont pas indépendantes, cela devient un poids pour la famille et c'est ce qui crée beaucoup de problèmes. Nous allons aussi apporter du matériel en bon état ainsi que des vêtements. Nous allons utiliser du matériel utile et nécessaire.

L.C.K. : En quoi consiste cette culture gériatrique ?

C.O. : La culture gériatrique concerne tout ce qui est lié à la personne âgée : environnement, maladies, traitement, comportement, tout ce qui est lié au vieillissement. Pour mieux comprendre la personne âgée, il est donc important d'avoir cette culture. C'est comme pour les enfants avec tout ce qui est lié à la maternité, à la pédiatrie pour suivre leur évolution. La culture gériatrique permet donc de bien cerner et comprendre la personne âgée.

L.C.K. : Quelles seront les conditions pour être reçues dans ce centre de repos ?

C.O. : Nous allons conclure un partenariat public-privé avec l’État. Un centre privé nécessite beaucoup de fonds et nous serons obligés de faire payer des personnes qui sont déjà vulnérables. Nous comptons également sur l'assistance de personnes de bonne volonté en RDC et en Belgique.

L.C.K. : Le Congo n'a pas cette culture de placer les personnes âgées dans des maisons de repos. Qu'est ce qui pourrait pousser une famille à entreprendre cette démarche ?

C.O. : Placer une personne âgée dans un centre de repos permet déjà de l'aider à sortir de différents types de fragilités. Pour une personne qui ne sait plus marcher, une équipe dédiée sera présente pour l'aider à réapprendre à marcher. Cela va permettre à la famille de la récupérer et de pouvoir vivre de nouveau en communauté. Et ce n'est pas une obligation que la personne séjourne dans la maison de repos. D'autres peuvent venir juste pour bénéficier de soins appropriés. Cela permet de décharger la famille car il existe des familles ou des couples qui se brisent juste parce qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe avec la personne âgée.

L.C.K. : Dans combien de temps cette maison de repos pourra-t-elle être opérationnelle ?

C.O. : Au mois d'octobre, nous serons à Kinshasa pour poser la première pierre des travaux et nous devons effectuer le forage avant de poser cette première pierre. Nous devrions déjà avoir de l'eau potable au mois d'août.

L.C.K. : Quels sont les autres projets ?

C.O. : J'envisage d'organiser un défilé de mode avec les personnes âgées afin de les honorer et les valoriser.

 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 Cathy Okuka Photo 2 Cathy Okuka et sa soeur Photo 3 Vue d'une activité organisée par l'ASBL Colibri Kimia

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