Interview. Fayelle Ouane : « Novartis Access est une nouvelle manière de considérer l’accès aux médicaments »

Samedi 16 Décembre 2017 - 15:35

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

La directrice de Norvatis Access pour l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale explique les avancées du programme en cours initié par la multinationale pharmaceutique Novartis dont l’objectif est de rendre accessibles, au prix d'un dollar, quinze médicaments pour traiter les maladies non transmissibles dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Les huit pays ciblés prioritairement en Afrique sont le Sénégal, le Burkina Faso, le Togo, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria, le Cameroun et la République démocratique du Congo (RDC).

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Où en est-on avec l’implémentation du programme Novartis Acces en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale ?

Fayelle Ouane (F.O.) : Depuis l’année dernière, nous avons réalisé des progrès considérables. Les premiers médicaments sont arrivés au Cameroun, avec nos partenaires de la Convention camerounaise des Baptistes. C’est un réseau de quatre-vingt-huit centres de santé à travers principalement la zone ouest du Cameroun. Depuis le mois de juin, nous avons commencé à expédier les traitements qui sont maintenant pris par les patients. En marge de cela, nous avons pu signer un protocole d’accord avec le ministre de la Santé du Cameroun, en septembre 2017. Nous avons organisé une cérémonie officielle de lancement de Novartis Acces avec l’aval du gouvernement qui nous invite donc à discuter du programme avec la centrale d’achat, pour faire venir les produits à travers la structure publique et pouvoir toucher encore un grand nombre de patients dans le pays. En parallèle, nous avons avancé dans nos négociations avec d’autres gouvernements de la sous-région.

L.C.K .: C’est depuis une année que vous avez lancé le programme pour les huit pays concernés, parmi lesquels la RDC. Qu’est ce qui bloque ?

F.O. : Novartis Access est une nouvelle manière de considérer l’accès aux médicaments. Un des piliers du programme est l’approche portefeuille. Contrairement à l’approche traditionnelle, où l'on fait des appels d’offres molécule par molécule, nous sommes maintenant en train de négocier un portefeuille de quinze médicaments. Il n’y a aucune obligation à prendre les quinze médicaments mais cela demeure quand même un portefeuille avec plusieurs médicaments à la fois que nous vendons aux gouvernements, aux ONG et aux structures confessionnelles au prix d'un dollar par traitement par mois. Cela demande une nouvelle manière de voir les choses, une certaine innovation et une ouverture d’esprit qui n’est pas toujours facile à négocier et à expliquer. Nous avions effectué notre première visite au Cameroun en juin 2016 et la signature du protocole a eu lieu en septembre dernier. Cela prend quand même du temps et nécessite plusieurs visites, un suivi, beaucoup d’explications, des échanges qui permettent de réaliser, des deux côtés, les gains à tirer du programme. C’est pour cette raison que cela prend du temps, mais nous travaillons d’arrache-pied pour accélérer le plus possible les négociations dans tous les pays de la sous-région.

L.C.K.: Avez-vous un délai pour le lancement définitif ? Les négociations ne seront pas éternelles…

F.O. : Nous essayons de travailler avec une multitude de partenaires dans chaque pays. Il y a les centrales d’achat, dont les processus de décision sont un peu plus longs que dans d’autres types de structures. Mais nous réfléchissons également à la façon de pouvoir  travailler avec des ONG et des structures confessionnelles qui sont habilitées à prendre ce type de décisions de manière un peu plus rapide. Nous n’avons pas de délai mais notre stratégie est d’approcher tous les partenaires appropriés, en touchant à tous ces différents domaines. Cela peut permettre d’accélérer les choses et c’est le processus qui est en train de se faire actuellement. Nous avons bon espoir que l’année prochaine, nous aurons de nouvelles avancées.

L.C.K. : Au Cameroun, quels sont les médicaments qui ont été commandés et où seront-ils acheminés ?

F.O. : Pour l’instant, huit médicaments du portefeuille ont été commandés pour tester le concept. Cinq à six médicaments sont déjà arrivés et le reste va être expédié d’ici à la fin de l’année. C’est principalement des traitements contre l’hypertension et le diabète de type 2. Ils ont commencé à arriver en juin 2017, principalement dans l’ouest du pays, parce que c’est vraiment la zone privilégiée des activités de la convention camerounaise des Baptistes. Maintenant que nous sommes en discussion avec la centrale d’achat, nous sommes en train de voir comment rendre disponibles ces traitements à toute la population camerounaise qui peut en bénéficier.

L.C.K. : Quelles sont les mesures de sécurité mises en place pour que les médicaments à un dollar ne se retrouvent pas sur le marché vendus à des prix plus élevés ?

F.O. : Pour l’instant, nous avons l’avantage de travailler au Cameroun avec un seul partenaire. Les médicaments qui quittent nos sites vont directement chez la Convention camerounaise des Baptistes. Ce sont eux qui les font sortir de la douane et les acheminent vers leurs centres de santé à travers le pays. Ce que nous avons décidé de faire avec Novartis Acces est de supprimer l’idée d’avoir un premier distributeur, un sous-distributeur et un grossiste. C’est là qu’il peut y avoir un risque. Mais, dans le cas présent, nous travaillons avec un partenaire qui a une bonne réputation au Cameroun et qui a aussi la volonté d’augmenter la qualité des médicaments qu’il offre à ses patients et qui est également dans un souci d’accessibilité. C’est vraiment le partenaire idéal pour réduire au strict minimum ce risque de contrefaçon et d’intervention dans la chaîne de distribution. Pour l’instant, cela a bien marché et nous continuons à suivre et à travailler de très près avec la CBC pour nous assurer que la qualité du médicament puisse être maintenue jusqu’au patient.

L.C.K. : Ciblez-vous d’autres pays, en dehors des huit prioritaires ?

F.O. : La stratégie de Novartis Acces est de répondre à la demande. Nous ne sommes pas fermés. La liste des huit pays était un début. Si nous sommes sollicités par un gouvernement dans un des pays qui n’a pas été ciblé, nous sommes extrêmement ouverts et prêts à aller exposer le programme et voir comment le mettre rapidement en place.

L.C.K. : Pourquoi avoir prioritairement ciblé les huit pays ?

F.O. : Il faut bien commencer quelque part. On a identifié une méthodologie qui nous permette de cibler les pays dans lesquels la chance de succès de Novartis Access est la plus élevée. On a pris en compte des facteurs comme les pays qui ont une infrastructure de santé suffisante (réseau d’ONG et de structures confessionnelles) pour que nous puissions trouver des partenaires avec lesquels travailler sur le renforcement des capacités. On s’est aussi focalisé sur les pays dans lesquels les besoins sont importants, à savoir des pays à revenu faible ou intermédiaires. Nous avons également identifié les pays où Novartis ou Sandoz dispose déjà d’une structure locale. Avoir ce relais local permet de bien communiquer avec le ministère de la Santé ou encore les autres partenaires.

L.C.K.: Quand pensez-vous finalement être opérationnel dans tous ces huit pays ?

F.O. : Étant donné qu’il existe différentes priorités et que la sensibilisation aux maladies non transmissibles n’est pas encore très développée et très avancée dans tous les pays, cela peut prendre quand même un certain temps pour que le programme soit lancé dans les huit pays. Mais je dirai peut-être dans deux ou trois ans.

Propos recueillis par Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Fayelle Ouane

Notification: 

Non