Interview : François-Xavier Beltchika : « Le succès du dialogue est conditionné à certaines exigences impératives »

Samedi 27 Juin 2015 - 15:15

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Le président du Congrès pour la démocratie et le progrès social (Cdps)  et du Bureau exécutif de la Coalition des patriotes pour le République (CPR) aborde la question du dialogue en mettant un accent particulier sur les obstacles à franchir.

Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Une nouvelle fois, la question du dialogue s’impose comme une nécessité dans l’environnement socio-politique de la RDC. Comment le CDPS, votre parti politique, explique-t-il ce cycle de dialogues et  concertations depuis 1990 ?

François-Xavier Beltchika (FXB)  : Votre question appelle une réponse de principe et une réponse contextuelle. Du point de vue de principe, l’esprit du dialogue et de concertation procède des principes d’organisation et de fonctionnement d’un Etat Démocratique et Républicain. De plus, en ce qui nous concerne, - la RD-Congo -, il trouve ancrage dans l’organisation et le fonctionnement de nos sociétés traditionnelles, comme fondement de survie de celles-ci, dans le temps et l’espace, à travers les siècles. C’est toute la signification du concept de l’arbre à palabre africaine.

Dans les deux cas, il devrait permettre de prévenir et d’éviter – en société- aux relations entre divers partenaires, institutions et membres qui s’y meuvent d’éviter d’atteindre le point de blocage et/ou de rupture préjudiciable au bon fonctionnement de la société globale et de l’intérêt de la majorité de ses sujets par des remous et troubles que cela entraine. Cependant, il faut savoir que le dialogue n’est pas une panacée. Son succès est conditionné à certaines exigences impératives sans lesquelles le même dialogue conduit au résultat tout à fait inverse. Il cultive et entretient la méfiance entre les partenaires. Il conduit aux relations et solutions de blocage. Il laisse entiers les problèmes non résolus qui, cycliquement,  ressurgissent en lame de fond, avec plus d’acuité que confère la valence ajoutée,- dans la durée -, des frustrations et de l’absence de perspective d’espoir positif.

L.D.B. : Pouvez-vous mieux expliciter ?

F.X. B. : Le degré élevé de niveau de conscience politique des divers partenaires - classe politique en  général – et leur capacité à privilégier l’intérêt général : de la Nation collective et unie, de l’Etat républicain et du Peuple citoyen par rapport à celui personnel et/ou partisan, constituent, parmi  d’autres, desdites exigences impératives. Du point de vue de réponse contextuelle et particulière. Faute de répondre positivement à ces exigences impératives, les divers dialogues et concertations répétitifs dans le temps, en RD-Congo, accouchent d’une souris. Pire, ils placent globalement la Société, la Nation et l’Etat dans une posture de blocage permanent, fragilisant le fonctionnement normal des Institutions et perturbant continuellement tous les secteurs de la vie nationale. Ils éloignent la RD-Congo de la quête vers la marche qui lui donnerait les moyens effectifs de sa politique lui permettant d’améliorer les conditions d’existence d’une plus large couche de la population.

Aujourd’hui, ces conditions  projettent sur le terrain l’image d’une fracture sociale, d’un côté, d’une infime minorité solidaire des jouisseurs des rentes situationnistes politico-militaro-économiques et des privilèges carriéristes, garants du système du front de statu quo ; et d’un  autre côté, d’une majorité des exclus de la société, tenus en marge de distribution du revenu national du front implicite du changement.  

L.D.B. : Pouvons-nous donc en conclure que cela constitue des véritables obstacles aux dialogues et concertations en RDC ?

F.X.B. : La pléiade des dialogues et des concertations en RD-Congo bute à cette problématique. Sinon, comment expliquer, en effet que : L’ensemble des résolutions pertinentes de la Conférence Nationale Souveraine  soient restées sans lendemain, cas de la réforme de l’armée, de la police nationale et des services de sécurités, notamment, dont l’avènement de l’AFDL illustre les conséquences. Les consultations nationales du président Laurent Désiré Kabila n’aient pas eu des lendemains plus enchantés ?, illustrées par les rébellions du RCD et du MLC...Les résolutions du Dialogue Inter congolais de Sun City aient été appliquées d’une manière plutôt sélective privilégient les intérêts partisans au lieu de ceux consensuellement convenus dans l’Accord Global. (Cas notamment de recensement de la population, de son identification, et de non-respect des séquences électorales, pendant que l’on disposait de suffisamment de temps pour ce faire ? : Aujourd’hui leurs  conséquences nous attrapent  ...) Même le 100ème des plus de six cents recommandations des concertations nationales ne soit encore appliqué ? et qu’il ait fallu attendre plus de 14 mois pour voir la recommandation du Gouvernement de ‘’ cohésion nationale ‘’ être réalisée avec un remous le fragilisant ?  

L.D.B. : Selon vous, quels sont les problèmes non résolus par les dernières Concertations nationales et qui doivent absolument être  inscrits au programme du dialogue ?    

F.X.B. : Sans éluder votre question, souffrez que j’ordonnance différemment ma réponse par rapport à  cette dernière, en commençant par la deuxième partie de votre préoccupation. Le contexte et la clarification des idées,   justifient et expliquent ma démarche, compte tenu du débat que la question soulève dans l’opinion. Le dialogue devra répondre positivement aux exigences impératives ci-devant soulevées et soulignées, dans le chef des divers partenaires, pour garantir de sa bonne foi et de sa bonne fin dans la prise des décisions consensuelles conformes à l’intérêt général et dans leur mise en pratique sans violation de la constitution.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que nous venons d’une situation des élections de 2011 fortement contestées dont les remous n’ont pas fini de soulever des vagues jusqu’à ce jour. Depuis 2013, la majorité au pouvoir, à travers ses ténors et têtes pensantes s’appliquent, sans succès, à faire passer l’idée de la révision constitutionnelle visant, principalement, la remise en question des dispositions relatives à la durée et nombre des mandats du président de la République. Et pourtant, celles-ci sont verrouillées et déclarées non révisables par l’article 220 de la Constitution. Depuis un certain temps, le Front de rejet d’une telle initiative s’est élargi jusque dans certains rangs de la majorité au pouvoir. L’avant dernière tentative en date, celle de janvier 2015, de passer en force, par une disposition de la loi électorale créant de fait les conditions favorisant le prolongement du mandat du président de la République, en conditionnant l’organisation des élections au recensement général préalable de la population - dont la réalisation nécessite au moins trois à quatre ans,- plantait et organisait l’encadrement de cette prolongation, en violation de la Constitution.

L.D.B. : Et dans la suite de ces événements ?

F.X.B. : Tout le monde a en mémoire la réaction du peuple, souverain primaire, pour stopper nette cette démarche. Les 17, 18 et 19 janvier 2015, à Kinshasa comme à l’intérieur du pays, le peuple a fait la démonstration de sa souveraineté pour faire respecter sa volonté à tout le monde au prix du sacrifice suprême. Prenant acte de la détermination du peuple, le pouvoir a fait preuve d’une ‘’sagesse’’ tardive et s’est plié à la volonté du souverain primaire en déclarant ‘’ Peuple, nous vous avons compris ; nous ne pouvons pas aller à l’encontre de votre volonté, les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 8 de la loi électorale sont élaguées, calmez-vous ‘’ ! Cette déclaration fut traduite en quatre langues nationales répétées tout le long de la journée, à la chaîne de la radiotélévision nationale pour que nul n’en ignore le contenu.  A 16 mois de la date constitutionnellement buttoir pour l’organisation de l’élection présidentielle on remet sur le tapis la question du dialogue inclusif que nous avions proposée, bien avant, en 2011,  et plusieurs fois après 2011 sans être écouté ni par la majorité au pouvoir ni par une certaine opposition. En avril et juillet 2011 pour prévenir, éviter et redresser les faiblesses  constatées dans le calendrier présenté par la CENI du Pasteur Ngoie Mulunda, alors président, nous avons proposé un dialogue en vue de dégager un consensus sur le calendrier et organiser des élections crédibles transparentes et apaisées, appuyé par un contre-projet d’un calendrier global…

 

Jeannot Kayuba

Légendes et crédits photo : 

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