Interview. Jean-Claude Gakosso : « La coopération sino-africaine va modifier le cours de l’histoire car son approche est inédite »

Mercredi 26 Juin 2019 - 16:00

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En marge de la réunion des coordonnateurs de la mise en œuvre des actions de suivi du Forum sur la coopération sino-africaine, tenue du 24 au 25 juin dans la capitale chinoise, le ministre des Affaires étrangères, de la coopération et des Congolais de l’étranger a évoqué avec Les Dépêches de Brazzaville l’avenir de la relation Chine-Afrique. Jean-Claude Gakosso souligne la convergence de vues entre les deux parties ainsi que l’approche dynamique de cette coopération inédite réciproquement avantageuse. Entretien.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Monsieur le ministre, vous venez de prendre part à la rencontre de Beijing sur la coopération sino-africaine. Quelle appréciation faites-vous des échanges qui viennent d’avoir lieu ?

Jean-Claude Gakosso (J.C.G.) : Il est  important de dire que nous sommes témoins d’un grand tournant dans l’histoire des relations internationales.  La Chine, un pays en développement avec un parti communiste unique et une population d’un milliard trois cents millions d’habitants, a par ses propres tactiques et ressorts réussi à se hisser au rang de deuxième puissance économique du monde. À la différence des puissances classiques ou occidentales, elle a décidé de partager ce parcours totalement inédit dans l’histoire des traités concernant les échanges internationaux. Voilà pourquoi cette approche est semblable à du pain béni pour nous les Africains.

Tenant compte de la vision et du discours du président chinois, Xi Jinping, sur la communauté de destin de l’humanité, nous nous apercevons effectivement qu’un tel objectif est difficile à atteindre dans un monde où les uns mangent et les autres assistent avec des gamelles vides. Cette vision des relations internationales est révolue, il est donc temps de réinventer un nouveau modèle de coopération gagnant-gagnant, pour que les gens prennent conscience qu’au fond, nous avons tous un destin commun. C’est important de le souligner car aujourd’hui, on voit des chefs d’Etat user de rapports de force dans les relations internationales, mettant ainsi en péril la vie de toute l’humanité.

L.D.B. : Que dites-vous à ceux qui pensent que l’investissement chinois dans les pays africains est un piège de la dette, qui pourrait empiéter sur la souveraineté des Etats ou déboucher sur le néocolonialisme chinois en Afrique ?

J.C.G. : C’est de la médisance ! L’Afrique et la Chine partagent un passé similaire. Elles ont été toutes les deux dominées par des puissances étrangères et ont milité pour leur affranchissement. Elles sont également liées par le souhait de se reconstruire dans la paix. Les réalisations de ce partenariat sont palpables. De la même façon que la Chine jouit des apports de cette coopération, c’est de la même manière que l’Afrique en jouit à travers des changements concrets. Le gagnant-gagnant est le principe de base de notre coopération avec la Chine. Ceux qui formulent ces allégations manquent d’arguments. La coopération sino-africaine est une chose totalement inédite. Elle va modifier le cours de l’histoire dans les prochaines années. Les deux parties se sont fixé des objectifs que rien ne pourra détourner.

L.D.B. : Dans son allocution, le président ougandais, Yoweri Museveni, a énuméré certains « goulots » d’étranglement qui entravent, à son avis, le développement de l’Afrique. Voyez-vous en la coopération Chine-Afrique un canal de résolution de cette situation ?

 J.C.G. : La coopération Chine-Afrique peut éventuellement aider. Parmi les « goulots » qu’il a cités, j’en ai retenu au moins un, notamment celui en lien avec la fragmentation de l’Afrique. Nous, Africains, continuons à perpétuer la balkanisation de notre continent, comme ce qu’il avait été décidé au 19e siècle par d’autres pour leurs intérêts égoïstes.  Le président Museveni a donc bien fait de souligner l’importance d’une Afrique unie, puisque l’avenir du monde appartient aux grands ensembles. La voie de l’Afrique ne pèsera sur le cours des évènements dans le monde que lorsque son unité sera inébranlable. L’Afrique devrait donc travailler à s’unir davantage, à commencer par les ensembles régionaux comme la Sadec, la Cédéao, la CEEAC, la Communauté des Etats de l’est, l’Union du Maghreb arabe, etc. Je suis optimiste à ce propos car l’adoption du traité de la Zone de libre-échange continentale est un pas important dans cette voie.

L.D.B. : Quels sont, à ce jour, les projets prioritaires de la coopération sino- congolaise sur le plan économique ?

J.C.G. : Nous envisageons de réhabiliter le Chemin de fer Congo-Océan qui est  non seulement l’épine dorsale de notre économie nationale mais aussi celle de la sous-région. L’autre projet qui nous tient à cœur, c’est celui des zones économiques spéciales, adossé au port de Pointe-Noire, qui est l’un des plus grands ports en eau profonde de tout le  golfe de Guinée. Nous travaillons également à intéresser les Chinois à la construction du barrage de Sounda (Kouilou), pour faire face à l’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, notamment notre déficit en énergie, afin de construire un développement véritable et durable de notre pays.

Propos recueillis par Durly Emilia Gankama

Légendes et crédits photo : 

Le ministre Jean-Claude Gakosso au sommet de Beijing sur la coopération sino-africaine

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