Interview. Kaba Ndudi Kabass : « J’ai été émerveillé par le public brazzavillois pour l’intérêt qu’il accorde à la comédie »

Lundi 28 Octobre 2019 - 19:30

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Leader de la Compagnie Ifissa en hommage à papa Ifissa, Kaba Ndudi « Kabass », de son vrai nom Rufin Boulou Tevot, a séjourné du 24 au 28 octobre à Brazzaville, où il a participé à la quinzième édition du festival du rire TuSéo. Avant de regagner la ville de Pointe-Noire où il réside, il a accordé une interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.). : Depuis quand êtes-vous dans le monde du théâtre ?

Kaba Ndudi Kabass (K.N.K). : Ma venue dans le monde du théâtre remonte dans mes années de collège, voire au lycée Karl-Marx redevenu aujourd’hui Victor- Augagneur, où je fréquentais. Là-bas, je faisais du théâtre, j’interprétais des pièces d’auteurs et animais les avant premières. J’étais initié au théâtre par feu le ministre Jean Dello, à l’époque enseignant. Je suis largement écouté dans le pays. Je serai professionnel du théâtre lorsque je vais dépendre entièrement de cet art ; lorsque je trouverai les moyens de ma subsistance dans le théâtre; que je produise les œuvres qui se vendent et me font vivre. Or, actuellement, mon emploi du temps au travail (puisque je suis brasseur dans une brasserie à Pointe-Noire) ne me permet pas d’être au four et au moulin. Ma société ne va pas me laisser aller faire le théâtre alors que les gens attendent la bière. Par contre, lorsque je vais valoir mes droits à la retraite, je vais entièrement me jeter au théâtre, parce que je ne sais pas faire autre chose que le théâtre.

L.D.B. : A partir de quel moment êtes-vous devenu célèbre ?

K.N.K. : A partir du moment où j’avais sorti mon premier album. Albin Lebanda, me demandant des petits numéros à faire passer dans sa tranche d’animation à Radio Congo et constatant que ceux-ci étaient très intéressants, a pensé que je pouvais les produire pour que les gens les écoutent à la maison, au lieu d’attendre seulement l’émission. C’est ainsi qu’il a contacté le directeur commercial de l’Industrie africaine de disque qui a accepté d’enregistrer, pour la première fois, un comédien. Il y avait des titres comme “Docteur vétérinaire”, “La course des verres”, “La conférence de presse avec le ministre”, … Les gens se sont appropriés cette œuvre qui a été beaucoup vendue. Et puis, j’ai accompagné Casimir Zoba Zao au studio dans sa chanson “Football ”.  

Après le premier album, s’en est suivi un autre, produit par Disco Mabelé. Il y a eu des titres comme “Radio rurale ”, “La grossesse de Gina”, … Après il y a eu une longue période de trêve, due par ma paresse, bien que les occupations professionnelles sont à prendre en ligne de compte aussi. J’ai rebondi plus tard avec le volume "Laisser le marigot aux canards", dans lequel il y a eu des titres comme “Mission d’État”, “Les rabotteuses”, “Bakala mindondo”, “Le test d’embauche”, etc.  

L.D.B. : Avez-vous déjà pu obtenir quelques contrats à l’international ?

K.N.K. : Je suis beaucoup sollicité mais comme je l’ai dit, mon travail à la brasserie ne me permet pas de répondre à toutes ces invitations. Maintenant, je crois que j’ai des pistes devant moi qui vont être exploitées avec ardeur, parce que je vais à la retraite dans trois mois.  

L.D.B. : Comment aviez-vous rencontré Germaine Ololo ?

K.N.K. : J’ai rencontré Germaine Ololo lorsque j’ai été appelé par la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC) à Pointe-Noire. J’ai été invité à donner un spectacle pour la décoration des travailleurs de cette banque. Le spectacle devait avoir lieu dans quatre jours, mais j’étais loin de mes compagnons de scène habituels, notamment Misère, Servais Moukala, feu papa Ifissa (que nous avions perdu et qui constitue un grand choc pour moi et pour tout le groupe, au-delà, un grand choc pour tous ceux qui nous écoutent et nous suivent). Je ne voulais pas rater cette occasion ni non plus aller faire piètre figure devant le personnel de la BEAC. C’est ainsi que je suis allé dans toute la ville à la recherche d’un ou d’une actrice qui a des compétences, afin de l’associer à mon spectacle. On m’a orienté à Loandjili, et c’est là-bas que j’ai rencontré Germaine Ololo. J’ai écrit quelques numéros devant elle et lui ai donné le rôle à jouer. Le lendemain, on a commencé les répétitions et au bout de deux jours, elle m’a émerveillé. Je me suis dit, celle-là est faite pour la comédie, pour le théâtre, surtout qu’elle s’exprimait bien en français. Et depuis lors, je l’ai gardée près de moi. Quand je crée un personnage, très vite je pense à ses aptitudes à l'incarner.

L.D.B.: Quelles sont les leçons à tirer dans vos différentes comédies telles que dans “Mission d’État ” ?

K.N.K. : Dans “Mission d’État” j’ai voulu mettre en scène l’homme politique face aux citoyens. L’homme politique pense toujours qu’il peut aller vers la base avec un discours, mais un discours qui est toujours revenu. Le changement qu’annonce ce discours-là tarde toujours à se réaliser sur le terrain. La misère du peuple est toujours la même et le discours de l’homme politique reste le même. Chacun promet mais ne réalise pas. C’est ce que j’ai voulu faire ressortir dans “Mission d’État”. On parle d’école à travers des enfants qui sont assis à même le sol ; on parle de ceux qui n’ont pas mangésmême un bout de pain dans la journée ; on parle des routes qui se dégradent. C’est cette léthargie, cette indifférence de l’État que j’ai voulu mettre en exergue dans “Mission d’État”. C’est pourquoi on n’a dit que c’est à nous la population de toucher du doigt les problèmes du gouvernement, parce qu’ils disent qu’ils viennent toucher la misère du peuple et quand ils repartent, ils ne réalisent pas. Et donc, nous avons inversé les choses en touchant du doigt les problèmes du gouvernement.

L.D.B. : Et dans “Les rabotteuses” ?

K.N.K. : Dans “Les rabotteuses”, nous parlons du retraité qui, après avoir perçu sa pension, n’a pas montré le bon exemple à ceux qui vont être retraités après lui. Quand il sort de la Caisse nationale de sécurité sociale et se fait aborder par des jeunes filles, il accepte d’aller dans un resto dont il ne connaît pas le standing. Il laisse là-bas une bonne partie de sa pension à travers les notes de ce qu’ils ont mangé. Ce n’est pas un bon exemple, c’est de l’imprudence. C’est pour montrer aussi que lorsque vous allez quelque part, renseignez-vous d’abord, parce que si le retraité s’était renseigné sur la valeur des mets servis dans ce restaurant, je crois qu’il n’aurait pas commis la maladresse de tirer une chaise et de s’asseoir avec ces filles.

D.B. : Vous aviez été les invités d’honneur du festival Tuséo, qu’aviez-vous montré au public et quelles sont les retombées de ce festival pour vous ?

K.N.K. : Au festival Tuséo, nous avions joué deux titres, “Bakala ya mindondo” que le public appelle “Mon Sénégalais”, puis “Caniche”. Cela a été bien. A l’issue de ce festival, nous avons eu des contacts importants et pensons qu' ils accoucheront de bonnes choses. J’ai été émerveillé par l’enthousiasme du public Brazzavillois pour l’intérêt qu’il accorde à la comédie. Je crois que je n’hésiterai pas à accepter une invitation venant de n’importe quel producteur pour ce public qui, d’ailleurs, est resté sur sa soif. Pour tous ceux qui veulent me contacter : +242.05.568.77.22.

L.D.B. : Quelles sont vos perspectives dans les six mois à venir ?

K.N.K : D’abord, je finis ma carrière de brasseur dans trois mois, après je vais au studio, parce que j’ai un travail en chantier. Aussi, on me reproche de trop faire l’audio au lieu du visuel. C’est pourquoi nous allons nous atteler à réaliser quelque chose que les gens peuvent voir sur leurs écrans dans un avenir très proche. Cela fait partie des contacts évoqués tout à l’heure que j’ai eus à TuSéo. Je ne les ai pas commencés qu' à ce festival. J’en avais aussi qui attendent que je sois libre pour être réalisés.       

Propos recueillis par Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

L’artiste comédien Kaba Ndudi « Kabass »

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