Interview. Le Dr Félix Kabange Numbi : « Seule l’approche communautaire peut vaincre Ébola »

Mardi 6 Août 2019 - 20:15

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De 1976 à 2019, la RDC a connu dix épisodes de la maladie à virus Ébola. Si les neuf précédentes épidémies ont vite été maitrisées et faisant moins de morts, l’actuelle est la plus longue et la plus meurtrière.  En une année du 1er aout 2018 au 1er aout 2019, Ébola qui sévit présentement dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri a fait plus de mille huit cents décès.  À en croire, le Dr Félix Kabange Numbi, qui a coordonné la riposte contre la 7e et la 8e épidémie  d’Ébola à Isiro et Djera, il faut en plus d’une coordination forte impliquer la communauté pour qu’elle s’approprie la lutte contre cette maladie mortelle.

 

Le Courrier de Kinshasa (LCK) : En tant que ministre de la Santé, vous avez eu à organiser la riposte contre la 7e  et 8e  épidémie d’Ébola. Quelle stratégie avez-vous utilisée pour contrer cette maladie avant même  la date butoir de quarante-cinq  jours qui vous a été  imposé à l’époque par le gouvernement ?

 

Félix Kabange Numbi (FKN) : Chaque épidémie d’Ébola est différente. Les habitudes sont différentes, la manière de riposter est aussi différente. Si nous considérons les dix épidémies que nous avons eues en RDC, aucune fois nous avons eu une épidémie qui se répète dans une même agglomération. Ce que je veux dire d’abord avant que je ne puisse donner mon expérience c’est de féliciter  tous les agents communautaires, les agents de santé, tout  le personnel multidisciplinaire qui œuvre dans la lutte depuis un an. Nous devons également présenter nos condoléances à toutes les familles qui ont perdu un des leurs. Il faut savoir qu’Ébola est une question de communauté, seule l’approche communautaire peut vaincre Ébola. Lorsque l’épidémie attaque une contrée tant que la population ne s’est pas rendu compte qu’Ebola existe et tue et que tout le monde doit participer à la lutte, il est très difficile quels que soient les moyens, le type d’experts qu’on peut déployer sur le terrain de pouvoir résoudre le problème.

 

Donc, il est important de dire ici que la plus grande chose que nous devons faire aujourd’hui, c’est d’impliquer les communautés locales pour qu’elles soient au centre de la lutte. Aujourd’hui, un an après, nous apprenons qu’il y a encore des contrées où on cache les malades, des personnes contacts qui ne sont pas suivies. C’est vrai que dans toutes les épidémies d’Ébola à traves le monde, nous avons la résistance de la population, voila pourquoi lors de la 7e  et 8e épidémie, nous avons introduit la place des psychologues cliniciens ainsi que des anthropologues pour étudier les habitudes de la société et la psychologie des communautés pour les impliquer davantage dans la lutte.

C’est ainsi que vous avez vu à Isiro et Djera, nous avons introduit cet aspect dans la lutte avec l’implication de la communauté en recourant aux enterrements sécurisés. Nous avons impliqué les membres des familles qui portaient avec les volontaires de la Croix-Rouge les mêmes habits pour enterrer les morts parce que la communauté locale pensait qu’Ébola était une maladie importée d’outre mer pour faire la vente des organes. Grâce aux psychologues cliniciens, on avait permis aux membres de famille de visiter au moins une fois par jour la personne qui est en isolement  pour qu’on sache qu’elle est bel et bien là, elle souffre et elle a des besoins.

LCB : Que faut-il exactement faire car aujourd’hui le pays a  dépassé le cap de mille cinq morts ?

FKN : Cette situation n’est jamais arrivée dans notre pays. Nous pensons donc qu’il est temps que tous ceux qui ont une expérience sur EÉola puissent être mis  à contribution. Je pense spécialement à tous les experts de la 4e  direction qui aujourd’hui ne sont pas sur Le terrain ou qui ont déjà quitté cette direction de lutte contre la maladie mais qui ont combattu plusieurs épidémie de pouvoir être  impliqués dans la lutte. Je pense aussi à la centaine de jeunes que nous avons envoyés en Guinée, Sierra-Leone et Libéria qui  avaient permis de mettre fin à cette épidémie qui avait sévi en Afrique de l’ouest. Il est important que tous les experts soient rappelés pour qu' ils puissent, avec  le ministère de la Santé et le comité technique qui est présidé par le Pr Muyembe au niveau  de la présidence, travailler ensemble.

 

 Blandine Lusimana

Blandine Lusimana

Légendes et crédits photo : 

Félix Kabange Numbi

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