Interview. Madimba Kadima-Nzuji : « Des interactions sociales positives favoriseront l’émergence d’une Afrique nouvelle»

Mercredi 17 Juillet 2013 - 18:15

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Congolais de la RDC, le juriste et analyste économique, Madimba Kadima-Nzuji, exposant au Symposium international, a reçu la lourde mission de circonscrire la notion d’émergence. Il a opposé ainsi de manière discursive l’émergence – projet politique à l’émergence – complexité. Le concept « émergence » a évolué sur le plan étymologique, a reconnu l’expert dans son exposé intitulé « Les musiques africaines comme facteur d’émergence mais de quelle émergence parle-ton ».

Les Dépêches de Brazzaville : Qu’est-ce qui font des musiques africaines des facteurs d’émergence, peut-on les considérer comme des pools de croissance économique insoupçonnés ?

Madimba Kadima Nzuji : Le salut de l’Afrique comme continent et des pays africains comme Nations passe par la création de singularités, d’histoires particulières qui contribuent à vivifier l’histoire universelle. Si nous considérons l’émergence comme un projet politique, les musiques africaines peuvent créer de véritables pôles de croissance économique. Dans le cas où nous prenons pour acception l’émergence comme complexité, les musiques africaines renforcent l’identité des peuples africains.

 

LDB : D’autres diront que la musique contribue à la décadence des mœurs. La musique de la RDC a bien reculé par rapport aux années 60 et 70 au niveau des thèmes, de la recherche et des sonorités. Est-ce que cette pauvreté ne constitue pas un obstacle à l’émergence ?

MKN : Ces propos n’engagent que vous (rires). Pour être pauvre, il faudrait comparer à la richesse. Mais qui établit les critères de la richesse ? Ce sont soit les académiciens de la musique, ceux qui pensent la musique comme objet de science, soit les mélomanes qui dansent et qui chantent. Et souvent qui l’emporte, ce sont les mélomanes. Ceci pour dire que la musique que nous écoutons, la musique qui marche, est une musique qui nous ressemble. La musique d’aujourd’hui est sûrement différente de celles des années 60 et 70, mais je me garderai bien de la décrier.

 

LDB : Comment alors analysez-vous le phénomène dédicace dans la musique de la RDC et même africaine, l’âme de notre musique n’est-elle pas tout simplement bradée ?

MKN : J’aime beaucoup ce phénomène parce qu’il est à mon sens révélateur des enjeux de la musique actuelle, à la fois de ses travers et de sa créativité. La dédicace, ou le libanga, dans les chansons congolaises est avant tout un moyen pour l’artiste de tirer des revenus. Ces louanges souvent fictives et parfois ne reposant sur rien contribuent à augmenter le crédit des bénéficiaires et relèvent de manière effective de l’identité des bénéficiaires. Combien d’élus politiques des différents hémicycles ne doivent pas leur succès électoral à des chansons de circonstance ? Ils sont d’excellents mécènes pour les artistes. Cela souligne à souhait la paupérisation des musiciens qui ne dépendent pas des ventes de leurs disques ou des droits d’auteur, mais plutôt de leur habileté à flatter. Il est clair qu’il n’existe pas d’économie de la musique viable en RDC. Par contre, cette contrainte du libanga n’a pas bridé la créativité.

LDB : Y a-t-il des préalables pour espérer engager les musiques africaines dans la voie de l’émergence, comment atteindre celle-ci sans une véritable industrie de la musique ?

MKN : Pour citer Vidal Sassoon, « le seul endroit où le succès vient avant le travail, c’est dans le dictionnaire ». Ceci pour dire qu’il n’y a pas d’autres préalables que le travail aussi bien au niveau des artistes que des autorités publiques.

LDB : Qui sera l’acteur de cette émergence ?  Les gouvernants ou les artistes eux-mêmes ?

MKN: Les deux sans conteste. L’État par des politiques publiques doit permettre l’augmentation des interactions au sein de la société. Les artistes doivent sans cesse remettre en question leur art pour en tirer la substantifique moelle.

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Madimba Kadima Nzuji