Interview. Michel Dzombala : les banques congolaises ont rapatrié 100 milliards FCFA

Lundi 29 Juillet 2019 - 20:41

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Le directeur national de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) évoque dans cette entrevue avec Les Dépêches de Brazzaville la remontée du niveau des réserves de change communautaires, les nouvelles réglementations des changes et des paiements, ainsi que les raisons de rareté des devises dans les pays de la sous-région.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : La BEAC, la Cobac, les régulateurs des télécoms et les banques vont désormais travailler sur la base de nouvelles réglementations de changes et des services de paiement. Etes-vous optimiste sur cette nouvelle collaboration ?

Michel Dzombala (M.D) : Je suis plus qu’optimiste puisqu'en réalité toutes les institutions travaillent déjà depuis fort longtemps ensemble. Les nouvelles règlementations sont en fait des mises à jour des réglementations antérieures. Elles ne font que conforter, préciser et délimiter un certain nombre de pouvoirs. La BEAC et la Cobac travaillent en étroite collaboration dans le cadre de la réglementation bancaire, du contrôle des banques. En ce qui concerne la monnaie électronique, il y a une mission conjointe banque centrale-Cobac qui évalue les opérateurs devant recevoir les agréments. Dans le domaine de la règlementation des changes, l’Etat, la BEAC et la Cobac travaillent en synergie pour délivrer les agréments aux opérateurs de changes, contrôler les opérateurs de changes. C’est pour dire que cette collaboration existait déjà, mais elle va être encore approfondie dans le cadre des nouveaux règlements. Ceux-ci clarifient, spécifient les niveaux de compétences de chaque organisme pour faire en sorte que les dossiers soient mieux étudiés.

L.D.B : Les populations ne seront-elles pas victimes des conséquences de ces nouvelles réglementations ?

M.D : Contrairement à ce que vous pensez, ces réformes ne sont pas profitables qu’aux banques. Elles le sont aussi pour les consommateurs. Prenons l’exemple de l’inflation. Vous savez que la mission principale de la banque centrale est de veiller à la stabilité monétaire qui est définie à travers deux volets : la stabilité des prix aujourd’hui le seuil du taux d’inflation est fixé à 3%. La banque centrale à travers la politique monétaire dans le cadre de la gestion de la liquidité veille à ce que ce seuil ne soit pas franchi. Il y a par-dessus tout les préoccupations du pouvoir d’achat par rapport aux consommateurs.

S’agissant de la réglementation sur les paiements, le consommateur n’est pas laissé pour compte. Il y a des contrôles qui vont être faits, un ensemble d’autorisations qu’il va falloir obtenir avant d’ouvrir un établissement de paiement. Les banques sont constamment surveillées, les établissements de micro finances, les bureaux de changes le sont également. Toutes ces réglementations visent en fait à protéger également le consommateur.

L.D.B : Certains observateurs pensent que les programmes de coopération économique avec le FMI plongent les pays de la sous-région dans un cycle d’endettement. Que dites-vous à ce propos ?

M.D : Je voudrais d’abord vous faire remarquer que la plupart des pays se sont endettés avant même de recourir aux aides financières du FMI. Ce n’est donc pas le FMI qui contribue à l’endettement de nos pays. Si on prend l’exemple du Congo avec l’accord sur la facilité élargie de crédit qui vient d’être conclu, le montant global est de loin comparable aux besoins du pays. Mais, l’avantage c’est qu’il y a un effet catalyseur autour des prêts du FMI. Le fait que le pays soit en programme avec le fonds va amener d’autres bailleurs qui vont apporter des appuis budgétaires qui lui permettront de financer un certain nombre de projets. Pour le Congo, il s’agit des projets liés à la diversification de l’économie, de rendre viable son endettement, d’améliorer sa gouvernance. Dans cette facilité élargie pour le Congo, le taux d’intérêt est de 0%. Ce qui permettra d’amener l’économie sur une trajectoire de développement.

L.DB : La BEAC a enregistré ces derniers temps une remontée des réserves de changes. Les banques congolaises ont-elles participé à cette embellie ?

M.D : Dans le cadre des mesures qui ont récemment été adoptées par la banque centrale, le niveau des changes a substantiellement augmenté. C’est d’ailleurs cette remontée du niveau des réserves des changes qui participe à la hausse du taux de couverture et à l’amélioration du ratio des réserves sur les mois d’importations qui est aujourd’hui de 3,3 mois.

Dans l’ensemble pour la Cémac, les banques ont dû rapatrier à ce jour près de 1376 milliards de francs CFA contre 635 milliards de francs CFA en 2018. Dans ce bond, les banques congolaises ne sont pas étrangères. En 2018, elles avaient rapatrié autour de 18 milliards de francs CFA contre 100 milliards de francs CFA à fin juin 2019. Voilà, la contribution des banques congolaises à cet effort de remontée des réserves de changes.  

L.D.B : La rareté des devises dans les pays de la Cémac est-elle consécutive à la nouvelle réglementation des changes ?

M.D : La rareté des devises a été observée dans la plupart des pays de la Cémac. Je peux citer au moins trois causes : il y a le faible niveau des rapatriements. Parce que les opérateurs économiques effectuent les transferts en devises et non en franc CFA. Et, pendant longtemps, les devises que nous utilisons pour faire face à nos obligations extérieures sont issues des rapatriements par les Etats et les opérateurs économiques via leurs banques. Il se trouve qu’avec l’ancienne réglementation, les réserves de change de la sous-région cumulaient à près de 8000 milliards de francs CFA. Donc, on peut dire qu’il n’y avait pas un suivi rigoureux au niveau de la réglementation des  changes. Avec la crise économique, il y a eu une nouvelle réglementation des changes, donc un meilleur suivi des rapatriements. On pense que le faible niveau des rapatriements avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation des changes est une des causes de la rareté des devises.

On peut également citer la spéculation. Beaucoup d’opérateurs économiques, des privés, certaines banques même qui ont anticipé sur un ajustement monétaire de notre monnaie, avaient constitué des matelas de devises pour des besoins de spéculation. Ce retrait forcé des devises du marché a créé cette rareté. Bien au contraire, la réglementation des changes a permis en quelques mois depuis son entrée en vigueur de rapatrier beaucoup de devises. Celle-ci, avec toutes les mesures qui ont été prises, contribue beaucoup plus à améliorer la stabilité monétaire et la situation macroéconomique de nos pays. C’est une nouvelle réforme, au début les gens sont toujours réfractaires, il y a des résistances au changement. Mais, après plusieurs séances de vulgarisation, tout le monde commence à comprendre que cette réglementation est un instrument qui va permettre d’améliorer la situation macroéconomique, de ramener la croissance et faire en sorte que des devises soient disponibles. La situation est en train de s’améliorer et d’ici là, la rareté des devises va être un vieux souvenir.

Propos recueillis par Christian Brice Elion

Légendes et crédits photo : 

Michel Dzombala

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