Interview. Monica Mukuna : "Le projet Virunga permet aux jeunes créatifs de trouver un marché"

Jeudi 20 Février 2014 - 17:01

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Classé parmi les quinze produits les plus consommés à Kinshasa, l'Internet a connu une vraie percée ces dernières années. Ce franc succès recueilli notamment auprès des hommes âgés entre 12 et 34 ans a entraîné à son tour une montée des activités économiques d'un type assez nouveau. Monica Mukuna, une congolaise de la diaspora qui nous a permis cet entretien, a trouvé un moyen gratuit de faire accéder les jeunes désireux de monter un petit business à un vaste marché hétéroclite.

Les Dépêches de Brazzaville : Présentez-nous le projet Virunga ?

Monica MukunaMonica Mukuna : Virunga est composé d’un web site, et bientôt d’une radio. Pour le web site, il y a un côté commercial et un autre culturel. Nous voulons promouvoir le petit commerce chez les jeunes, et ceux qui recherchent la visibilité. Nous leur offrons la possibilité de promouvoir leur petit business, nous les aidons à se faire vendre gratuitement. Les utilisateurs doivent juste placer une photo du produit sur le web site, avec toutes les coordonnées pour les contacts. Nous leur donnons un point de marketing gratuit. Pour nous, nous gagnons à travers la publicité. Les grandes compagnies payeront pour ce projet. Entre-temps, nous donnons aux jeunes entrepreneurs un cadre d’offre et de demande des produits nouveaux ou d’occasion, notamment les sculptures, les vélos, les animaux domestiques, les livres, etc. Tout sera disponible sur www.virunga.com.

LDB: Est-ce que le projet a intéressé certaines entreprises ?

MM: Pour dire vrai, ce projet ne concerne pas directement les entreprises. Nous visons la personne individuellement. Au Congo, les gens ne font pas suffisamment de marketing pour un petit business. Pour eux, c'est l’apanage des grandes compagnies. Maintenant, ils peuvent continuer leur business avec une photo et une adresse. Je cible surtout les jeunes. Le fait d’être étudiant ou élève ne doit pas empêcher les jeunes du Kasaï, du Bandundu et d'ailleurs de se mettre en valeur, grâce à ce web site gratuit. Au-delà de la partie commerciale, il y a aussi un magazine mensuel "Kinabiso" qui amène le peuple congolais à s’interroger sur son histoire, son art, sa musique, sa cuisine et tant d’autres domaines.

LDB: Virunga fonctionne-t-il juste comme une plate-forme ?

MM: Oui, une plate-forme et carrefour de vente et achat. Le produit reste en ligne pendant deux semaines. Après, il faut refaire la même opération. Nous ne tenons pas compte de la valeur du produit.

LDB : Est-ce que votre cible a un profil particulier ?

MM: Pour moi, je serai contente si j’arrivais à pousser les jeunes dans leur ensemble à adopter ce projet. À l’Académie des beaux-arts, il y a des jeunes qui ont l’esprit créatif mais ne savent pas où exposer leur créativité. C’est l’occasion unique de trouver un marché.

LDB: Avez-vous une organisation ?

MM: Notre bureau est le site en question. Dans deux mois, nous espérons ouvrir la radio qui sera animée également par les jeunes. Les collégiens et universitaires vont animer les émissions à la radio, sous l’encadrement des professionnels. Nous exploiterons leur esprit créatif. Il y a tellement de sujets à aborder avec les spécialistes, notamment les psychologues, les gynécologues, etc. Les jeunes pourront directement poser leurs questions. Au lieu de rêver d’Europe, ils peuvent produire quelque chose sur place.

LDB: Est-ce que la qualité relativement bonne d’Internet, en attendant la fibre optique, ne sera-t-elle pas un handicap ?

MM: J’espère que non. Il y a tellement d’opérateurs des télécommunications au Congo. Il leur revient de promouvoir le secteur. Nous, nous nous contenterons juste de notre activité. Il appartient aux jeunes de trouver un fournisseur d’Internet plus rapide et plus efficace.

LDB : Quels seront les indicateurs qui vous permettront d’évaluer le succès du projet ?

MM: Mon indicateur principal sera le taux de participation. Mon but est de faire adhérer le plus de jeunes aux défis de développement du pays, car ils ont un rôle important à jouer.

LDB: Combien de personnes allez-vous employer ?

MM: Pour le web site, il y a trois ou quatre personnes dont les designers, les techniciens, et l’équipe qui a travaillé avec Kinabiso. À la radio, nous allons employer plus de personnes. L’objectif est même d’arriver à des échanges entre jeunes de différents coins du pays. J’ai deux filles, de 11 et 13 ans. Elles voient plus les grandes personnes divisées par le tribalisme. Nous voulons faire comprendre aux jeunes que la diversité culturelle congolaise est un atout. Cet échange va permettre de connaître les forces et faiblesses de chaque culture, mais surtout les solutions pour rectifier les choses et bâtir un futur meilleur.

LDB: Le web site et le magazine Kinabiso sont deux projets distincts ?

MM: Le magazine fait partie du web site. Il y a une page culturelle qui est dédiée au magazine.

LDB: Quelles sont les difficultés pour monter un tel projet ?

MM: La grande question est la manière d’atteindre tout le monde dans un aussi grand pays. Le projet ne s’arrête pas à Kinshasa. Les jeunes de toutes les provinces doivent savoir que Virunga est pour eux. Il y a un blog s'ils veulent faire des commentaires. Le challenge est à venir.

LDB: La grande aventure commence quand ?

MM: Fin février.

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Monica Mukuna