Interview : Paul Marie Mpouélé « Depuis 20 ans, l'opposition congolaise est incapable d’assurer une alternance politique réelle dans ce pays »

Jeudi 16 Mars 2017 - 18:30

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Absent aux dialogues  précédents, le président du Parti des républicains (PR), qui a, cette fois, accepté de prendre part  à la concertation politique de Ouesso, se réjouit d’avoir contribué à la réussite de ces assises. Dans un entretien avec Les Dépêches de Brazzaville, Paul Marie Mpouélé, vice-président du Rassemblement de l’opposition congolaise (ROC) dit s'être démarqué des autres plateformes de l’opposition pour manque de sérieux dans le combat politique.  

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B): Vous avez participé à la concertation politique de Ouesso, quel sentiment vous anime ?

Paul Marie Mpouélé (P.M.M) : C’est pour la première fois que je participe à une quelconque concertation politique, c’est donc avec joie que je sors de là. J’y suis allé pour concilier les différents points de vue sur le processus électoral. Je pense qu’au terme de cette concertation, il y a eu quelques avancées significatives.

L. D.B : Vous soulignez les avancées, lesquelles peut-on retenir par rapport aux précédentes concertations politiques ?

P.M.M : Le découpage électoral a été pour nous une revendication majeure de la commission électorale indépendante. Nous avons obtenu qu’il y ait un redécoupage électoral, ceci fait que le nombre des députés va désormais passer de 139 à 151.

Mais ce qui est plus important, c’est que le gouvernement s’est engagé à effectuer un découpage électoral et administratif global, qui devra reprendre de fond en comble toutes les circonscriptions administratives et électorales dans les années à venir. Pour moi c’est une grande avancée pour l’histoire.

La deuxième avancée, c’est la loi qui va être prise pour plafonner les dépenses de campagne électorale. C’est important, parce que c’est souvent frustrant de se retrouver en campagne électorale en face d’un challenger qui a mis en jeu soit 100 millions Fcfa pour battre campagne, alors qu’on a peut-être à peine cinq millions seulement. Dans ses conditions, on a comme moins de chance sur le terrain. Sur la base de cette loi, l’Etat va certainement prendre des dispositions nécessaires afin de disqualifier ceux qui n’auront pas obéï à cette loi, et cela me réjouit.

Nous sommes aussi revenus sur la biométrie, bien que cela demande de gros moyens et l’expertise. Il faudrait bien aller au-delà, vous savez qu’au Congo on peut attraper un acte de naissance dans la rue pour se faire électeur, l’Etat doit donc prendre tout cela en compte afin  que ceux qui vont dans les urnes soient de vrais électeurs. C’est donc autant d’avancées que nous pensons être positives.

L. D.B : Aviez-vous évalué le taux d’exécution des recommandations prises lors des précédentes concertations ?

P.M.M : Je n’ai pas été à Sibiti, pendant cette période nous avons organisé notre dialogue alternatif à Diata. Mais d’après le rapport qui a été fait sur les différentes recommandations adoptées à Sibiti, il ressort que sur les douze recommandations adoptées dans le cadre électoral, neuf ont été exécutées. Les trois autres sont en cours d’exécution dont la biométrie. Je puis donc affirmer avec honnêteté que tout s’est bien passé.

L. D.B: Qu’est-ce qui vous a motivé de prendre part aux assises de Ouesso, alors que d’autres caciques de l’opposition se sont encore désistés ?

P.M.M : L’habitude est certes une seconde nature mais une nature qui doit être positive. Si ce n’est pas le cas, il est important de changer. Moi je prends la politique comme un sacerdoce, comme une mission pastorale. Nous ne devons pas être figés sur un objectif strictement personnel. Il faut savoir mettre en exergue l’intérêt général, c’est cela qui m’a poussé d’aller débattre avec les autres.

Je suis heureux que dans notre communiqué final, l’on ait retenu une de nos propositions, sur le découpage global et intégral. Donc si je n’étais pas parti, je suis sûr que cette disposition ne figurerait pas dans le communiqué final.

Ceux qui n’ont pas participé, sont dans leurs droits. Mais c’est dommage parce qu’il faut toujours aller confronter les idées, et c’est du choc des idées que jaillit la lumière.

L.D.B : Dans le déroulement de ces assises, aviez-vous constaté les dérapages ?

P.M.M : Dans une organisation comme celle-là, il y a forcément quelques petits soucis, notamment au plan organisationnel mais qui ne sont pas de nature à mettre en cause les conclusions combien intéressantes et importantes que nous sommes parvenus. Ce sont donc des manquements mineurs qui n’ont aucun impact réel.

L.D.B Paul Marie Mpouélé contestait toujours les dialogues politiques, en participant à celui de Ouesso, êtes-vous désormais inscrit sur la voie du dialogue et du consensus ?

P.M.M : Je ne pense pas que la politique en démocratie soit basée sur des discussions permanentes sur des questions connues. Si l’administration était impartiale, le problème ne se poserait pas. Ce qui fait que les politiques exigent les discutions préalables c’est parce qu’on soupçonne l’administration de faire la volonté de tel ou tel parti politique.

Moi je suis pour la diversité d’idées, la contradiction, le choc des idées. Si nous avons besoin du développement, il faut accepter la contradiction, le débat. Aussi longtemps que l’administration publique restera tributaire des partis politiques, nous aurons toujours besoin du consensus.

L.D.B: Paul Marie Mpouélé était toujours imperturbable dans ses prises de positions, on constate ces derniers temps que vous aviez fléchi. Dans certains milieux, on affirme que vous vous êtes désormais aligné, que dites-vous ?

P.M.M : Pendant vingt ans, nous avions joué à la contestation pour contester. Nous devons refuser d’admettre certaines choses. Aujourd’hui, on peut se dire qu’en discutant avec les autres, on les comprendrait mieux. En ce moment-là, on trouverait peut-être des passerelles qui permettent de privilégier l’intérêt général, au détriment de nos intérêts égoïstes. C’est ce que j’ai compris, et si cela signifie qu’on m’a acheté, je suis désolé.

Je suis à l’opposition depuis 1997 lorsque le président Pascal Lissouba perd le pouvoir, parce que je suis membre de l’Upads. Nous recevons tous ceux qui venaient à l’opposition, y  compris même ceux qui étaient avec le président Sassou.

Quand ils sont arrivés, ils nous ont parlé de tous les maux du président Sassou. Curieusement venus à l’opposition, ces derniers pensent encore que le même Sassou donne de l’argent, je voudrais bien comprendre si celui qu'ils ont côtoyé hier, distribue maintenant l’argent aux opposants aujourd’hui.

C’est un raisonnement totalement anachronique et décousu de vérité. Depuis vingt ans, nous étions incapables d’assumer une alternance réelle dans ce pays. Je lance un appel aux uns et aux autres de placer le Congo au-dessus de nos intérêts égoïstes. C’est à partir de cette considération que nous allons bâtir un Congo qui soit différent de celui d’aujourd’hui.  

Firmin Oyé

Légendes et crédits photo : 

Paul Marie Mpouélé (photo adiac)

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