Interview. Peter Komondua : « Arriver à se libérer de son égo pour laisser l’autre s’exprimer aussi »

Samedi 19 Août 2017 - 15:51

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Dans cet entretien exclusif accordée au Courrier de Kinshasa, le slameur parle de sa nouvelle expérience de travail en compagnie de la réalisatrice Anny Tshonga. De leur collaboration est sorti le court-métrage Poulet mayo, la vidéo présentée en avant-première le samedi 11 août à Bandal a été réalisée dans le cadre des deux semaines de l’atelier de dramaturgie urbaine organisé par la Plate-forme contemporaine (PC) de Kinshasa, un projet issu d’un partenariat avec le Théâtre royal flamand (KVS), qui a réuni six slameurs et six vidéastes.

Peter KomonduaLe Courrier de Kinshasa : Comment devrait-on vous présenter à nos lecteurs ?

Peter Komondua  : Je suis Peter Komondua, poète et slameur.

LCK : Le slam est encore assez mal connu des Kinois. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à travers la définition que vous en donnez personnellement ?

PK  : Au-delà de la définition traditionnelle du slam qui parle de la poésie à l’oral, moi, personnellement, je définis le slam comme étant une fenêtre de mon âme que j’ouvre à l’âme de l’humanité. Ce sont ce moment d’échange entre le moi intérieur et l’humanité extérieure, cette rencontre où je m’ouvre à l’humanité et je prends ce qu’elle a de mieux à me donner. Cet échange-là, c’est cela le slam pour moi.

LCK : Vous aviez jusque-là, coutume de choisir vous-même le sujet de vos textes mais vous deviez, pour une première fois, le faire sur commande dans le cadre de l’atelier de dramaturgie urbaine. Comment s’est passé l’exercice ?

PK  : Oui, j’avoue que cette première n’était pas facile à la base. Mais je pense que le goût du risque a été plus fort, prendre le risque en tant qu’artiste d’aller dans une zone moins confortable. L’effort était de quitter sa zone de confort pour aller vers la « créa ». C’est vraiment ce que le projet était à mes yeux, parce qu’en tant qu’artiste, j’ai toujours fait en sorte de respecter ma propre méthode de travail mais là il fallait plutôt répondre aux attentes. Il y avait une pression exercée sur moi parce que je devais faire ce que l’on attendait de moi en fonction d’un délai, mais aussi produire quelque chose qui devrait coller aux attentes de ma partenaire de travail. Ce n’était pas facile mais il fallait prendre le risque d’aller en terre inconnue et créer. Ce projet je l’appelle particulièrement du vomi. Je le conçois ainsi parce que, pour moi, le réaliser équivalait à se lâcher, cracher, se libérer, vomir en quelque sorte.

LCK : Combien de temps vous a-t-il fallu pour vomir ? Qu’est-ce qui a été le plus dur à faire, vous a donné matière à réflexion avant d’y parvenir ?

PK  : Aboutir avec ce projet c’était partir beaucoup plus sur un processus d’échange. Car il en fallait un constant avec ma partenaire de travail vu que je n’avais encore jamais travaillé sur ce genre de projet. Mais, en tant que slameur, j’avais mes exigences, je savais ce que je voulais en termes d’images. Cependant, il fallait, en même temps, arriver à se libérer de son égo pour laisser l’autre s’exprimer aussi. Car, autant que moi, j’avais besoin de communiquer quelque chose au travers de mon texte, elle avait, elle aussi de son côté, besoin de communiquer quelque chose au travers de sa vidéo. Il fallait donc créer une symbiose entre les deux ne pas rester figé chacun sur ce que l’on voulait.

LCK : Le poulet à la mayonnaise, on le voit dans votre vidéo Poulet Mayo, a servi de prétexte pour aborder plusieurs thématiques. Pourquoi avoir choisi celui-là particulièrement pour parler de la crise sociopolitique, par exemple ?

PK : En fait, lorsque nous avons été placés en équipe, je me suis retrouvée avec une coéquipière qui avait à l’esprit de parler du « Poulet mayo » qui est un plat plutôt à la mode actuellement à Kinshasa. Et, de mon côté, je tenais à parler du vide qui se créait dans les espaces littéraires, les bibliothèques, etc. Il fallait trouver un lien entre le poulet à la mayonnaise et le fait que moi je voulais parler de la lecture. En fait, dans les moments de rencontre où régnait la bonne ambiance les gens se plaisaient à se réunir autour d’un poulet mayo. J’ai compris que c’était bon pour le corps et qu’il avait sa place dans un moment de divertissement mais qu’en restait-il le lendemain de ce poulet mayo ? Pour ma part, j’ai fait une analogie avec la lecture qui est, elle, le poulet mayo de l’esprit, quitte à ramener les gens vers la lecture, le goût des livres. J’ai donc voulu en même temps passer mon message en faisant correspondre la bibliothèque à un bistrot où l’on va prendre un verre et manger du poulet mayo à la cité. J’ai juste essayé d’établir un rapport entre les deux.

Propos recueillis par

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Peter Komondua

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