Interview. Stéphane Kitutu O’leontwa : « Nous devons aller vers le terroir et produire congolais »

Mercredi 3 Décembre 2014 - 17:05

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En marge des festivités de leur dixième anniversaire d’existence, Canal Congo télévision (CCTV) et Radio Liberté Kinshasa ont  organisé une conférence débat, la semaine dernière, à Africana palace sur le thème « Quels programmes pour l’audiovisuel congolais à l’avènement de la télévision numérique terrestre (TNT). Le directeur général de ces deux médias Kitutu O’leontwa Stéphane s’est, en marge desdites festivités, confié aux Dépêches de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville : CCTV vient de célébrer ses dix ans d’existence six mois avant le basculement de l’audiovisuel congolais de l’analogie au numérique. Comment préparez-vous cette mutation ?

Stéphane Kitutu : Une façon de bien se préparer est de mener une réflexion d’ensemble. Canal Congo télévision n’est qu’une petite structure dans l’ensemble des entreprises audiovisuelles de la RDC. Le basculement dans le numérique pose un problème d’ensemble, de législation et de structure au niveau de l’État.  La préparation à notre niveau est multisectorielle. Mais pour le moment, la réflexion est plutôt de voir comment acquérir les moyens techniques pour pouvoir disposer des équipements numériques qu’exige la TNT.

LDB : Est-ce que les médias congolais seront prêts à faire face à la rude concurrence que va amener la TNT ?

SK : C’est une question de prise de conscience. Si nous tous, les opérateurs audiovisuels congolais, nous prenons conscience de la rude concurrence que va nous amener la TNT, nous devrions nous mettre ensemble dès à présent pour examiner nos possibilités afin d' affronter ensemble la concurrence qui s’annonce. Car c’est l’ensemble des télévisions qui vont véhiculer l’image des chaînes congolaises par rapport à la concurrence extérieure.

LDB : Quels peuvent être les avantages et les dangers de la TNT sur l’audiovisuel congolais ?

SK : Il y a certainement plus d’avantages que des désavantages. L’avantage, c’est certainement l’apport d’une nouvelle technologie. Mais il faudrait que nous puissions nous l’approprier. L’autre avantage, c’est qu’avec l’avènement de la TNT, il nous faudra aussi former les gens. Toute formation procure un avantage. Pour ce qui est des inconvénients, ça ne sera pas facile pour nous de concurrencer des chaînes qui disposent de beaucoup plus des moyens par rapport à nous.

LDB : En tant que professionnel de l’audiovisuel, quel regard critique portez-vous sur la plupart des programmes des chaînes locales ?

SK : D’abord si vous regardez nos télévisions, d’une façon générale, vous allez remarquer que nous passons beaucoup plus de temps avec le direct. Tout simplement parce que nous manquons les moyens pour produire des émissions véritablement élaborées comme des reportages, des documentaires, c’est-à-dire des choses qui demanderont une mise à disposition des techniques et des moyens humains assez importants.  Grosso modo, la faiblesse de nos chaînes de télévision, c’est le manque des moyens dont ces programmes peu élaborés du point de vue des normes de la production en sont le reflet.

LDB : Quels programmes alors pour l’audiovisuel congolais à l’avènement de la TNT ?

SK : Nous devrions essayer d’aller vers le terroir et produire congolais. Sélectionner tous les domaines de la vie nationale, économique qui ont un impact et dont l’intérêt est certain pour le public congolais. Face à ce qui va venir de l’extérieur, nous devons leur imposer nos réalités locales car les Congolais sont d’abord intéressés par ce qui se passe chez eux. Et ce qui vient de l’extérieur comme le cinéma ou le reportage journalistique, ce sera juste pour leur information complémentaire. Donc, si nous prenons la TNT comme prétexte pour mieux informer les Congolais et informer l’extérieur sur ce qu’est réellement la RDC, je pense que nous gagnerons le pari.  

LDB : Qu’est-ce qui empêche l’audiovisuel congolais à développer des programmes de qualité ?

SK : Ceci est une question fondamentale. Dans un pays comme la RDC, que doit faire la législation pour permettre à l’audiovisuel congolais d’être véritablement le ciment de la société nationale ? Que doit prévoir la législation pour aider l’audiovisuel congolais à produire ? Dans des pays comme la France et la Belgique, il y a un apport de l’État pour le développement de ce qui est considéré comme le secteur culturel. La culture congolaise est ce qui cimentera l’âme congolaise. La priorité, c’est d’améliorer l’encadrement juridique pour permettre à la production cinématographique et autres de la RDC d’avoir les moyens de leur politique. Et les aides du type assistance financière et tant d’autres pourront venir. S’il y a un encadrement bien défini permettant  chacun d’être au courant de ce que prévoit la législation pour produire, par exemple, un documentaire sur le parc des Virunga, je pense que ce sera déjà un grand pas dans la bonne direction.

Propos recueillis par Alain Diasso         

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    

 

 

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Stéphane Kitutu