Interview. Vivien Manangou : « Il faut humaniser l’activité politique »

Jeudi 2 Août 2018 - 20:02

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Dans une interview exclusive accordée aux Dépêches de Brazzaville, l’enseignant de droit à l’Université Marien-Ngouabi de Brazzaville et homme politique a annoncé la création, dans les tout prochains jours, d’un Club des citoyens autour du barbecue.  Abordant l’actualité politique nationale, il a invité les Congolais à humaniser l’activité politique.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Pouvez-vous nous parler du projet de création de votre club politique ?

 Vivien Manangou (V.M.) : Nous sommes en voie de créer un espace d’échanges autour des questions politiques, économiques et sociales. Nous avons déjà amorcé des contacts dans ce sens à Pointe-Noire et Brazzaville. Le 11 août, une équipe sera à Nkayi et à la rentrée des classes, nous irons à Ouesso et à Owando.

L’idée est de créer un club politique qui puisse répondre aux vraies aspirations de la population congolaise. Nous envisageons de réunir des citoyens autour d’un repas pour débattre des problèmes fondamentaux que nous vivons au quotidien en vue d’en proposer des pistes de solutions.

L.D.Bs. : Qu’est ce qui fera la spécificité de votre club par rapport aux autres organisations du même type ?

V. M. :  Il y a deux choses que vous devez savoir. La première est notre démarche qui est participative. À ce jour, ce club n’a pas de nom parce que nous voulons que sa dénomination vienne de ceux qui participeront aux échanges.

La seconde chose, c’est le contenu que nous voulons donner à nos débats qui se rapporteront sur les interrogations que formulent quotidiennement les Congolais. Nous n’allons pas concentrer nos efforts sur les problématiques liées uniquement aux élections ou aux autres volets politiques.

L.D.B. : Quel commentaire faites-vous de la levée de mandat d’arrêt de Ntoumi ?

V.M. : Je pense qu’il est plus difficile de gagner la paix que de gagner la guerre. Pour gagner la paix, il faut prendre des mesures qui peuvent être choquantes, qui ne plaisent pas à tout le monde ; mais il faut les prendre.

 Il y a eu un abandon des charges contre Ntoumi qui a été un belligérant dans la crise du Pool. Cependant, il n’est pas bon de relativiser la puissance judiciaire par des accords politiques. Je crois qu’il faut faire attention à ce qu’on se dit, que l’on peut s’exonérer de sa responsabilité pénale sous prétexte qu’il y a eu un accord politique.

 Et si on part du principe qu’on peut exonérer de leur responsabilité pénale les belligérants, je m’interroge pourquoi on ne prend pas cette mesure pour tout le monde. Je pense au général Jean-Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa et les autres… Ainsi, on aurait gagné dans cette dynamique du pardon ou d’absolution de tout le monde.

L.D.B. : Quelle sera, selon vous, la solution de sortie de crise pour le Congo s’il ne parvenait pas à signer un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) ?

V.M. :  Permettez que je vous rappelle que 559 milliards FCFA de crédit dans le budget exercice 2018 sont attendus à l’issue des négociations avec le FMI.  Nous sommes déjà au mois d’août, au milieu de l’exercice budgétaire. Si ces accords n’aboutissent pas, où trouvera-t-on cet argent pour financer ce gap ?

Ce chiffre donne le tournis mais également  une idée précise de l’importance de ces négociations. Nous avons deux problèmes. Le premier est celui de la trésorerie : les entrées d’argent ne sont plus effectives. Le second est relatif à la gestion des recettes : comment peut- on faire qu’il n’y ait pas autant de fuite dans la récolte des finances de l’Etat, comment faire que les finances récoltées soient redistribuées dans le circuit économique?

La première chose à faire est la lutte sans merci contre la corruption. Si notre fiscalité est bien traitée, dans le cas des retraités, par exemple, on peut un mois sur deux pouvoir les payer. Le Congo a besoin des solutions innovantes de financement.  

L.D.B. : De nombreux économistes pensent qu’il faut aligner le Plan national de développement (PND) 2018-2022 au budget de l’Etat de 2019. Etes-vous de cet avis ?

V.M.:  Il faut être réaliste. Dans la situation actuelle, aucun PND n’est utile. Le développement passe par les investissements or, on constate que dans le budget de l’Etat de 2018, il y a plus de 70% de réduction des investissements. Comment voulez-vous avoir un PND sans investissements ?

 Je crois que pendant cette période exceptionnelle, nous devons faire un moratoire sur le PND.  On doit élaborer un plan de redressement des finances publiques et non un PND. Si nous redressons nos finances publiques pendant un ou deux ans, à ce moment-là, nous pouvons nous projeter dans le développement. 

L.D.B. : Quel est votre regard sur la situation des entreprises étatiques et paraétatiques qui battent de l’aile ?

V.M. : Au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville, par exemple, et dans bien d’autres entreprises étatiques et paraétatiques, l’Etat doit tout faire pour protéger les salariés. On constate que dans notre pays, il n’y a aucune loi de protection des salariés pendant des périodes de crise comme actuellement en faisant en sorte que les entreprises procèdent à des licenciements obéissant à la loi, et que le motif économique soit justifié et prouvé.

 La seconde chose est que l’Etat doit s’efforcer de rendre autonomes les entreprises étatiques et paraétatiques. On constate un écroulement de plusieurs d'entre elles. C’est le cas d’Ecair qui a fermé ses portes, la Société nationale d’électricité et la Société nationale de distribution d’eau sont dans un coma. Au CFCO et à la Sopeco, la situation est presque la même. Il se pose dans notre pays un problème à la fois de management et du rôle de l’Etat dans l’économie nationale.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Propos recueillis par Roger Ngombé

Légendes et crédits photo : 

Vivien Manangou

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