Italie : dans l’attente du nouveau président

Mercredi 28 Janvier 2015 - 10:46

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C’est à partir de samedi 29 janvier que l’Italie devrait connaître la nouvelle personnalité succédant à Giorgio Napolitano comme chef de l’État.

En Italie, le président de la République a des pouvoirs limités. Mais son élection par les Grands électeurs est toujours synonyme d’ébullition dans la classe politique, de manœuvres de couloir pour arrêter le choix sur la personne la plus consensuelle. Gauche et droite sont rompues au jeu des oukases l’une contre l’autre et se tiennent littéralement par la barbichette : « tu ne veux pas de mon candidat ? Alors je vais couler le tien ».

La fonction est devenue encore plus prisée depuis la démission de M. Giorgio Napolitano. Ancien communiste, l’homme a su rallier tous les commentaires élogieux de la majorité et de l’opposition en quittant volontairement le pouvoir le mercredi 14 janvier dernier. Une élégance qui, à 89 ans, a su redonner confiance aux Italiens dans une fonction qui tenait beaucoup jusqu’ici d’une entente en foire. M. Napolitano avait été élu une première fois en 2006.

Au bout de ses premières sept année, au moment de remettre son tablier, il avait accepté « pour une durée limitée et par esprit de service », de rester au palais en attendant que la classe politique qui s’entre-déchirait se mette d’accord sur les principaux points de chamaillerie. Cette période absolument inédite dans l’histoire de l’Italie a vu la venue à la primature (février 2014) d’un jeune homme impétueux, Matteo Renzi. Avec une douceur de bulldozer, il a mis sur la touche les vieux caciques de son propre parti, le Parti démocratique (PD), et imposer un rythme de travail de marathonien, justifiant son surnom de « rottamatore » (celui qui envoie les vieilles pièces à la casse).

Les Italiens qui devaient le gratifier d’un score époustouflant de 40% de suffrages aux élections européennes de mai 2014 ont été séduits par le volontarisme de celui qui fut maire de Florence. D’autant que, contre toutes analyses, il a su gagner à son projet de réformes tous azimuts la droite de Silvio Berlusconi devenue, bien malgré elle, son alliée de fait. Ce volontarisme a bousculé les us et les coutumes politiques dans la péninsule ; plaçant la droite sous l’étouffoir. Mais il a également permis au président Giorgio Napolitano de pouvoir se retirer pour, enfin, faire valoir son droit à une retraite méritée estimant que la maison est désormais « en de bonnes mains ».

Matteo Renzi à la manœuvre

Le scénario de normalisation apaisée sera complété à partir de samedi avec l’élection d’un nouveau président de la République. La droite consulte, dresse des listes de noms, barre ceux qui lui semblent les plus problématiques, lorgne sur les listes de la concurrence et fait savoir qu’elle n’accepterait pas telle ou telle autre personne proposée par la gauche. Dans un contexte d’alliance de fait, elle sait qu’elle ne peut proposer un seul nom qui ne soit pas jugé moins urticant par la gauche. Mais celle-ci est elle-même attendue au tournant dans la même logique.

D’autant qu’au sein même du parti PD, une frange de bougons a déjà fait savoir qu’elle ne voterait pas pour des personnalités, même les plus en vue dans son sein,  comme un Romano Prodi ou un Walter Veltroni. L’ancien président de la Commission européenne qui fut grillé une première fois par les siens, a fait savoir qu’il n’entendait plus venir se placer dans une course où ses propres camarades de parti risquent de lui faire subir l’humiliation de l’échec. Quant à l’ancien maire populaire de Rome, Walter Veltroni, la poignée de ceux qui le soutiennent n’arrive pas à s’imposer dans le chorus.

Alors, qui ? La réponse sera connue samedi ou un peu plus tard. Car tout dépendra de la manière de manœuvrer de M. Matteo Renzi, qui a aussi la casquette de secrétéaire général du PD. Il a déjà su faire taire une bonne partie des sénateurs de son parti pour les ranger à ses vues. Reste le gros morceau de la droite, elle aussi fragmentée en autant de courants tirant à hue et à dia. La Maison des Libertés, le parti de Silvio Berlusconi, a déjà éclaté l’homme qui passait pour son dauphin, Angelino Alfano, ayant choisi de rallier le gouvernement (il est ministre de l’Intérieur) lorsque Berlusconi se contente de soutenir Matteo Renzi à minima et de l’extérieur.

En Italie, le président de la République est choisi par l'assemblée des Grands électeurs. Il s’agit de députés, de sénateurs et de 58 représentants des régions : en tout 1009 votants. Une majorité des deux tiers est requise lors des trois premiers tours, puis la majorité simple à partir du 4ème tour. Le PD dispose en principe d'un minimum de 415 sénateurs et députés, auxquels s'ajoutent plusieurs dizaines d'alliés. Mais en 2013, plus d'une centaine de membres du PD avaient refusé de voter pour Romano Prodi, un scénario dont tous redoutent la répétition à gauche et à droite dans un scrutin à bulletin secret.

Lucien Mpama