Justice : quel sort attend le colonel Marcel Ntsourou ?

Jeudi 19 Décembre 2013 - 16:25

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L’arrestation, le 16 décembre, du colonel Marcel Ntsourou, à l’issue d’une épreuve de force engagée par l’armée et ses partisans à son domicile du grand quartier général des Forces armées congolaises, à Brazzaville, laisse la porte ouverte à plusieurs procédures le concernant

La toute première, dont on pourrait avoir la suite dans les heures ou les jours qui viennent, sera sans doute sa présentation devant le juge, après la garde-à-vue passée à la direction générale de la surveillance du territoire. Dans une déclaration datant du jour des événements, la police notait précisément un cas de flagrance résultant de la farouche résistance opposée par les hommes de l’ancien secrétaire général adjoint du Conseil national de sécurité aux forces régulières requises par le Procureur de la République, aux fins d’une perquisition chez lui. S’en était suivi, comme on avait pu le constater, de longues heures d’échanges de tirs, qui se sont soldés par des pertes en vies humaines des deux côtés. À ce jour, le bilan exact de ces affrontements n’est pas connu, l’armée ayant pour sa part déploré deux tués. Des sources non officielles ont en revanche fait état d’une vingtaine de personnes qui auraient trouvé la mort dans le camp de l’officier.

Dans cette procédure donc, le colonel Marcel Ntsourou pourrait être interrogé sur le statut des éléments armés qui ont tenu tête à la force publique à son domicile. Étaient-ce essentiellement des militaires affectés à sa garde ? Ces derniers ont-ils été rejoints par d’autres militaires, policiers ou gendarmes en rupture de ban avec leurs unités respectives ? Quelques informations non authentifiées ont, en effet, laissé entendre qu’un certain nombre d’éléments de la force publique dont les salaires avaient été suspendus pour désertion de leurs postes de travail, auraient rallié ce dernier.

Toujours à propos des proches du colonel Ntsourou vus au combat le 16 décembre, il y aurait des civils parmi eux. Ici la question pourrait être de savoir s’il s’agissait de parents venus spontanément assister le leur « traqué par le pouvoir » comme lui-même le disait, ou alors des individus régulièrement entretenus par le mis en cause, dans une entreprise de désobéissance ou de résistance prévue sur un long terme. Si tel est le cas, était-ce dans le but de nuire à la sûreté intérieure de l’État ou seulement un comportement dicté par la peur et le désarroi ? Dans le cas d’une intention supposée de déstabilisation des institutions publiques, il importera à ceux qui mèneront l’enquête, d’en réunir des preuves irréfutables, d’en établir d’éventuelles complicités. Certaines personnes qui se battaient aux côtés du colonel Ntsourou ont sans doute été arrêtées à l’issue de l’opération du 16 décembre. Elles pourront se mettre à parler dans le cadre de cette procédure.

Mais il se pourrait de toutes les manières que l’on se trouve en présence d’un homme solitaire, en difficulté et en désespoir de cause, qui a tenté de se faire justice. Les chefs d’accusation pourraient abandonner la qualification, plus grave, du complot contre l’État pour celles non moins délicates, là aussi, d’entretien de milices et de détention illégale d’armes de guerre. Sa position d’officier supérieur de l’armée agira bien évidemment contre lui. Depuis sa condamnation à 5 ans de travaux forcés avec sursis dans l’affaire des explosions du 4 mars 2012, dont il se dit étranger, le colonel Marcel Ntsourou avait entrepris de dénoncer dans la presse, à intervalles réguliers, des tentatives d’atteintes présumées à son intégrité physique. Pourrait-il, peut-être, lors de son audition ou d’un procès éventuel, étayer ses appréhensions et donc éclairer l’opinion et la justice avec l’aide de ses avocats.

À propos de procès, on peut évoquer celui sur l’affaire du 4 mars, qui n’a pas encore connu son épilogue du fait de l’appel interjeté par le ministère public suite au verdict du 9 septembre dernier. C’est ici qu’intervient l’hypothèse d’une seconde procédure. Étant l’un des principaux accusés, sinon le principal, Marcel Ntsourou tout comme ses co-accusés est, on pourrait dire, suspendu à l’arrêt de la Cour suprême sur cette affaire. Si la Cour estime que l’affaire, telle que traitée en première instance a été régulière, les peines prononcées seront maintenues. Si, au contraire, la Cour établit la non-régularité du déroulé du jugement de cette affaire, elle sera relancée. Les événements du 16 décembre sont-ils partie liée avec le 4 mars ? Directement non, même si le fait que la même personne se trouve au cœur des deux affaires en conclut un certain lien de cause à effet. C’est bien parce qu’il est sorti du procès du 4 mars moralement défiguré que le colonel Marcel Ntsourou s’est engagé sur une voie jugée sans issue y compris par certains de ses proches.

Aujourd’hui, que la justice privilégie la récente affaire ou la précédente, encore pendante, ou les deux à la fois, l’ancien secrétaire général adjoint du Conseil national de sécurité fait face à des procédures judiciaires qui peuvent s’avérer longues, lui coûter sa liberté, si ce n’est déjà le cas, et sait-on jamais, sa carrière.

La Rédaction