Kouilou/Pointe-Noire : Quand « Li Kuilu » veut promouvoir les valeurs ancestrales

Vendredi 3 Juillet 2015 - 22:47

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Restaurer et valoriser le patrimoine culturel des départements du Kouilou et de Pointe-Noire, tel est le but principal de l’association « Li Kuilu » (ce qui appartient au Kouilou en langue vili) que viennent de créer des natifs du département.

Sons de tam-tam, danses, chants,…le 27 juin dernier, c’était la grande fête pour les trois mille personnes originaires des départements du Kouilou et de Pointe-Noire qui avaient fait le déplacement du Forum Mbongui de Pointe-Noire où se déroulait la cérémonie de sortie officielle de l’association Li Kuilu. Mais, une sortie officielle pas comme les autres. Tant l’enjeu était de taille ! Le Kouilou avait rendez-vous avec son passé.

Richesse humaine et culturelle

Un passé lointain constitué d’us et coutumes aussi bien pittoresques qu’éducatifs. L’un des traits de caractère de la civilisation reste et restera le « Tchikoumbi ». Une cérémonie qui avait pour mérite de jauger la virginité d’une fille pendant sa première nuit nuptiale. Suffisant pour empêcher une fille d’avoir un comportement déviant avant son mariage. Cela constituait une véritable éducation à la fidélité. Il en a été de même pour les « mianda ». La pratique consistait à recourir à une divinité afin de punir quelque coupable de meurtre ou de vol. Une pratique qui avait une portée à la fois juridique et morale. Et donc dissuasive. Ce qui, vraisemblablement, explique que le royaume Loango ait connu au cours des siècles derniers des souverains dont la probité, l’intégrité et le pacifisme font aujourd’hui l’objet de légendes et récits des plus captivants.

Mais, malgré le déclin du royaume Loango suite à la colonisation, les peuples du littoral congolais ont continué d’écrire leur histoire à travers des faits et gestes de certains de leurs filles et fils. Jean Félix Tchicaya est entré au Panthéon pour avoir été le premier parlementaire congolais en siégeant au nom du Gabon et du Congo à l’Assemblée nationale française. Et il est loin d’être seul. En littérature comme dans bien d’autres domaines du savoir, le Kouilou a pourvu l’Humanité de valeurs sûres. Le cas de Tchicaya U Tamsi, célèbre écrivain surnommé le « Rimbaud » noir par des critiques littéraires.

Certes, de nouveaux cadres du Kouilou continuent d’émerger aujourd’hui. Mais, sont-ils au même diapason que Jean Félix Tchicaya, Stéphane Tchitchelle, Pierre Tchicaya de Boampire, Jean Baptiste Tati-Loutard ? S’ils n’ont pas posé la question en ces termes les natifs du Kouilou ont, au cours de la sortie officielle de Li Kuilu, soulevé le problème de la déchéance des valeurs ancestrales du Kouilou. Camille Bouiti-Taty, président de Li Kuilu a énuméré quelques maux qui minent actuellement l’homme du Kouilou : «La paresse, la calomnie, les médisances, les trahisons, les querelles intestines, l’absence d’idéal commun, l’individualisme, la course à l’argent facile, bref le manque d’amour et de solidarité». Au point de se poser la pertinente question : « Que faire face à cela ? Faut-il se terrer dans une nostalgie démobilisatrice ? ».

Des questions qui ont donné lieu à une série de propositions. «(…) Il s’agit de combattre avec opiniâtreté et au quotidien, tous ces maux qui constituent un véritable handicap pour notre collectivité », a suggéré Bouiti-Taty. Ce qui serait possible grâce à un schéma bien cohérent. «Défendre et promouvoir l’héritage culturel et religieux reçu des ancêtres en luttant contre la disparition de certains de nos rites les plus intégrateurs et contre la dépravation des mœurs, promouvoir l’unité, l’amour et la solidarité entre filles et fils du Kouilou, mettre l’amour au centre de nos préoccupations en pratiquant la tolérance, le pardon, la réconciliation quelles que soient nos diverses appartenances religieuses, philosophiques ou politiques », a encore indiqué Camille Bouiti-Taty. Lequel a formulé un plaidoyer axé essentiellement sur la création d’infrastructures de formation et d’éducation. « L’implantation d’une université de qualité au Kouilou, la formation dans les métiers à forte valeur ajoutée technique, la promotion de la main-d’œuvre locale qualifiée, le désenclavement du Kouilou et la réalisation du barrage de Sounda », a-t-il déclaré dans son discours.

Des propositions favorablement accueillies par les participants à la cérémonie de sortie officielle. «Les problèmes soulevés aujourd’hui sont réels. Les propositions que l’on vient de faire vont constituer une feuille de route pour que nous réussissions la noble entreprise de restauration et de revalorisation de nos valeurs morales et culturelles », a souligné Adrienne Poaty, ressortissante du Kouilou.

Originaire du Kouilou par amour

Même sentiment pour des non originaires du Kouilou. «Je suis originaire de la Bouenza. Je suis arrivé ici à l’âge de 10 ans. Avec mes 67 ans aujourd’hui, je me considère comme digne fils du Kouilou, car j’y ai grandi et j’y ai été formé. J’ai été à quatre reprises, conseiller départemental et municipal ici. Ce n’est pas rien. C’est la preuve que le Kouilou est une terre hospitalière. Mais, les problèmes posés par Li Kuilu sont les mêmes dans mon département d’origine : l’égoïsme, la haine, la dépravation des mœurs et bien d’autres antivaleurs. Voilà pourquoi, si on résout les problèmes du Kouilou, on résoudra aussi ceux des autres départements », a indiqué Kombo-Bakala, originaire du département de la Bouenza.

Et si cette initiative s’inscrivait dans la durée ! Tel est vraisemblablement le souhait de beaucoup de Congolais visiblement dépassés par la perte des valeurs culturelles et morales dans le pays.

John Ndinga-Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Les membres de l'association Li Kuilu Les participants au forum Mbongui de Pointe Noire

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