La Chambre de conciliation et d’arbitrage du sport : passage en revue des affaires tranchées au-delà d’une année d’existence.

Mardi 18 Mars 2014 - 14:30

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La juridiction sportive nationale a vu le jour le 12 décembre 2012 à Brazzaville. Depuis cette date, elle a pleinement joué sa partition dans l’apaisement des contentieux mettant à couteaux tirés les candidats à la présidence de certaines fédérations

La Chambre de conciliation et d’arbitrage du sport (CCAS) existe depuis un an et trois mois, sur initiative du Comité national olympique et sportif congolais (Cnosc) avec la bénédiction du ministère des Sports et de l’Éducation physique. Le Congo s'est ainsi doté d’une instance juridique habilitée à trancher les litiges en milieu sportif national. Un raccourci pour les fédérations sportives du pays qui, en cas de conflit, étaient condamnées à recourir au Tribunal arbitral du sport (TAS) installé à Lausanne en Suisse. Le chemin vers ce pays européen paraissait trop long, le processus juridique trop dilatoire, avec beaucoup de dépenses à la clé. Le Cnosc avait donc résolu de couper court en donnant naissance à la CCAS, étant confiant en l’expertise juridique nationale. « Nous sommes souvent jugés par défaut et condamnés du fait de notre absence au TAS par manque de moyen de déplacement dans les délais requis. La CCAS est donc un palliatif », expliquait l’ancien vice-président du Cnosc,  Emmanuel Mpioh.

Ainsi, le 12 décembre 2012, le comité olympique a procédé à la nomination de près des 19 membres des instances dirigeantes de la CCAS. Le procureur, Corneille Moukala-Moukoko, a été élevé au rang de président de cette juridiction sportive. La prestation de serment a eu lieu le 1er février 2013 devant la Cour d’Appel de Brazzaville. « Je jure de remplir ma mission en toute objectivité et indépendance, conformément aux statuts et règlements de procédure… », déclarait, tour à tour à la barre, chacun des membres intronisés. Officiellement le travail juridique de la structure naissante commençait ce jour même. Mais il a fallu attendre trois mois pour voir les plaignants frapper à la porte de la CCAS pour demander justice.

Les affaires tranchées par la CCAS

L’un des plus grands dossiers soumis à l’attention de la CCAS est celui du contentieux électoral qui rongeait un certain nombre de fédérations sportives nationales. C’était en mai 2013 à l’occasion du renouvellement des instances dirigeantes des structures précitées, comptant pour l’olympiade 2013-2016. Après le scrutin en effet, les candidats aux postes de président étaient à couteaux tirés. Fraudes par-ci, fraudes par-là. Certains postulants, à tort ou à raison, ont mis en crise les résultats des élections. Ne pouvant se faire justice, le recours à la CCAS était donc obligatoire, les litiges concernant les fédérations de boxe, de handball et d’athlétisme, dans un premier temps.

Statuant publiquement et contradictoirement en matière d’arbitrage sportif, la CCAS a invalidé les élections des trois fédérations. Pour causes : au handball le bureau sortant du président Henri Joseph Parra, n’avait pas reçu quitus du commissariat aux comptes. Le requérant Benjamin Mankou semblait avoir gain de cause. À la boxe, la chambre a qualifié de violation flagrante de parallélisme de forme et de compétence sur la candidature de Patrice Libali, challenger de Marie Magloire Dambedzet, président sortant, candidat à sa propre succession. En athlétisme, par ailleurs, l’invalidation était prononcée du fait de la présence d’un membre au sein du secrétariat du présidium alors qu’il n’avait pas reçu mandat. Toutes ces élections furent reprises, cette fois-ci, dans la transparence.

Une autre affaire a été celle opposant l’ancien président de la commission nationale des arbitres, Marcel Ngono, au comité exécutif de la Fédération congolaise de football (Fécofoot). Il s’agissait, selon ce dernier, de la violation des statuts portant désignation des arbitres devant officier les rencontres du championnat national écoulé. Le verdict de la CCAS, rendu le 16 juillet 2013, donnait raison au plaignant. Par ailleurs, le tour était venu à FC Kondzo de déposer sur la table de cette juridiction un dossier contre la Fécofoot. L’équipe demandait réparation quant aux pertes matérielles et financières enregistrées à l’issue de la rencontre qui l’avait opposée à Diables noirs. C’était le 23 juillet, lors des demi-finales de la Coupe du Congo. Le 21 août, la sentence de la CCAS obligeait la Fécofoot à dédommager FC Kondzo.

Les sports de combat n’ont pas fait exception d’autant plus que la réélection de Constantin Itoua Nganongo, le 19 juillet 2013, à la tête de la ligue départementale de karaté et arts martiaux affinitaires, a fait l’objet d’une plainte de la part de ses concurrents. Le 21 août, la CCAS invalidait les résultats de ce scrutin. La reprise était prévue le 22 septembre de la même année, étant donné que le corps électoral a tranché en faveur de Constantin Itoua Nganongo. Le tout dernier contentieux est celui de la Fédération congolaise de nzango, tranché le 5 mars dernier au Palais de justice de Brazzaville. La CCAS a invalidé le scrutin du 15 février 2013 en raison des irrégularités constatées. Blanche Akouala et Guy Noël Titov, qui s’opposent pour briguer la présidence, retourneront donc aux urnes. Ce sera en ce mois de mars, sauf modification.

Et si la CCAS n’existait pas…

Au cas où la CCAS ne serait pas mise en place, l’anarchie règnerait au sein des fédérations sportives nationales. Pendant les élections, les candidats qui s’estiment « fort » auraient brisé les règles du jeu électoral pour s’imposer, sans alternative possible. Ce qui pouvait transfigurer le sport en une pomme de discorde plutôt qu’un vecteur d’union, de solidarité, de concorde, de fair-play… La mise en place de la CCAS par le Cnosc avait donc sa raison d’être. « Nous ne voulons plus dans ce pays, où chacun sait que le sport unit les masses, qu’il y ait des divisions, des intimidations, des pressions… Nous voulons que les choses se passent de manière régulière », clamait le 5 mars, le procureur Corneille Moukala Moukoko.

Par ailleurs, si la CCAS n’existait pas, les fédérations qui étaient en conflit seraient, à ce jour, sur le chemin du TAS, en Suisse, pour résoudre ces contentieux. Ainsi, elles devraient accuser un grand retard dans la préparation des athlètes aux Jeux africains que Brazzaville abritera l’année prochaine. Ou encore, certaines fédérations devraient passer toute une olympiade (4 ans) sans signe de vie à cause des déchirements. Le public sportif congolais se souvient du cas de la Fédération congolaise de judo qui a passé quatre ans d’inactivité à cause d’une grave crise de leadership. À l’époque, la CCAS n’existait pas pour trancher. L’hypothèse de recourir au TAS en Suisse n’était pas envisagé. Conséquence : le judo congolais avait régressé malgré ses talents. Heureusement que le tableau n’est plus le même de nos jours.

Pour les années à venir, la CCAS devrait poursuivre son œuvre avec la même objectivité et impartialité pour le triomphe de la cause sportive nationale. D’ailleurs, lors des procès, le procureur Corneille Moukala-Moukoko ne cesse d’interpeller les acteurs sportifs. « La création de la CCAS obéît à la nécessité de mettre de l’ordre au sein des Sports au Congo. Nous nous y attelons patiemment et fermement. Toutes les fois que des irrégularités électorales ou d'autres formes de dysfonctionnement seront constatées, la CCAS n’hésitera pas à dire le droit », a-t-il l’habitude d’insister. Ainsi, la CCAS s’est fait une obligation de toujours se souvenir de sa promesse de dire le droit tel qu’il est écrit noir sur blanc.

 

 

 

Rominique Nerplat Makaya

Légendes et crédits photo : 

Les membres de la CCAS lors d'un procès crédit photo Adiac