La cocotte-minute a soixante ans !

Samedi 17 Août 2013 - 13:21

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

Avec ses 70 millions d’exemplaires vendus dans près de 120 pays à travers le monde, la marmite à pression a également conquis les foyers congolais

Le célèbre autocuiseur au sifflet retentissant s’est inséré peu à peu dans de nombreuses familles congolaises. Et cela surtout dans les années 1970-1980. Car si l’on ne peut dater avec précision le jour de sa première intrusion dans une maison congolaise, on peut au moins affirmer avec certitude que son arrivée a coïncidé avec le flux des générations d’étudiants congolais en Europe de l’Est. En quête d’affaires simples mais rentables, elles ont acheté la marmite sifflante et l’ont proposée à bas pris dans les familles.

Bien vite, l’affaire leur échappera. Car ce sont les femmes commerçantes qui s’en emparent et qui en font la spécialité et l’objectif de leurs voyages en Roumanie ou dans les pays de l’ex-URSS. Il y eut, on s’en souvient, les commerçantes des produits bon marché de l’industrie soviétique, il y eut celles qui choisissaient la destination de Lomé (Togo) pour les textiles de qualité. Ce sont ces mamans qui finalement allaient dominer le commerce d’une marmite facile d’utilisation (et de nettoyage) mais incroyablement efficace dans la cuisson des mets les plus coriaces. Dans les marchés, les cocottes-minutes se négociaient à 25 000 voire 50 000 FCFA selon leur contenance.

C’était à qui exhiberait sa marmite sifflante – ou qui donnerait à entendre au voisin qu’on était passé à la modernité ! Le retentissement du siffleur signifiait tout simplement que le met était cuit. La cocotte-minute ainsi que d’autres ustensiles modernes ont rendu le temps de cuisson plus court. Aujourd’hui pourtant, l’utilisation de cette marmite semble en perte de vitesse. Soit que beaucoup de familles l’ayant acquise ne se sentent plus de devoir toujours utiliser une marmite qui a, en plus, la réputation d’être increvable, soit que les tendances culinaires orientent vers d’autre joujoux, le fait est que l’effet mode est désormais passé.

Avant son intrusion dans le quotidien des Congolais, les plats mettaient du temps à cuire au bois de chauffe, au charbon, ou même au gaz. Pour qui avait programmé un plat aux haricots, il fallait compter une dépense supplémentaire en bois ou en charbon, alors que la cocotte-minute annihilait cela en peu de minutes. Le risque d’ailleurs étant que les plats cuisent plus qu’il ne faut, et que les haricots rêvés se transforment en un infect magma si l’on ne surveille pas de près le temps de la marmite à pression.

Aujourd’hui, la donne a changé. Encore plus de Congolais ont voyagé et sont revenus au pays avec des ustensiles encore plus performants, moins lourds. Des autocuiseurs électriques, par exemple. De plus, il n’est plus besoin de se ruiner en visas et billets d’avion pour aller chercher au loin ce que les supermarchés proposent généreusement dans les villes de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie ou Nkayi. Tous ces objets, que certains n’avaient découverts qu’en Europe, sont désormais présents au Congo. La marmite sifflante est toujours présente dans les rayons, mais ses prix ont changé, en raison aussi de son amélioration et de l’effondrement du marché intérieur soviétique. Il faut compter à partir de 75 000 FCFA aujourd’hui pour s’en procurer une bonne et de belle présentation.

Des femmes témoignent

Une jeune femme d’une trentaine d’années explique qu’elle possède une cocotte-minute offerte par sa belle-mère lors de ses noces. Bien qu’elle apprécie ce cadeau précieux, elle ne le trouve plus très utile dans un emploi au quotidien. Sauf lorsqu’elle a plus de temps pour offrir, en plus du plat, le spectacle de la marmite sifflante à sa famille : « La cocotte-minute n’a plus la même importance selon moi parce que de nombreuses femmes ne savent tout simplement plus quoi cuisiner avec. Les rares fois où j’utilise ma marmite, je l’emploie pour mieux chronométrer la composition d’un plat d’ailleurs, mais pas de chez nous. »

Chez Carlos Da Costa, boutique bien en vue au centre-ville de Brazzaville, on n’est pas aussi catégorique dans le négatif : les Congolais redécouvriraient ce qu’est la cocotte-minute. Les ventes ne sont pas abondantes, mais il y a une certaine régularité. « L’autocuiseur a un prix un peu élevé, ce qui contribue au fait qu’il soit réservé aux connaisseurs ou à une certaine classe sociale. »

D’où vient la cocotte-minute ?

L’autocuiseur, best-seller du groupe SEB, a été conçu en 1953 dans un village français de la Côte-d’Or nommé Selongey. Sa commercialisation a  débuté sous l’appellation de super-cocotte, une innovation parce que la marmite en inox apportait plus de sécurité par rapport aux cuves proposées à l’époque, qui tout simplement explosaient au contact de la chaleur. Très vite l’ustensile de cuisine des frères Lescures, remmouleurs de pères en fils, est devenu la cocotte-minute que nous connaissons, exportée à près de 500 000 exemplaires en 1960 et actuellement à 70 millions depuis sa création. Pour rappel, l’autocuiseur était vendu avec un livre de recettes qui accompagnait la marmite à l’achat. C’est cette formule qui a contribué à conquérir l’Europe et d’autres parties du monde également. En Asie, les Japonais ont très tôt découvert le produit qui facilitait la préparation du riz avec réglage assuré. Aujourd’hui le succès de cette marmite se maintient, bien que les prix galopent en Occident (de 80 à 230 euros) toujours grâce à son adaptation et aux recettes présentées dans le livre qui accompagnent la marmite. « Au départ, on ne trouvait que quelques recettes, comme le bœuf bourguignon, qui cuit en une heure au lieu de quatre. Mais le livre est renouvelé tous les quatre ans, c’est pour que les incontournables tels que le pot-au-feu y soient conservés mais aussi pour que les plats rustiques soient peu à peu remplacés par des recettes adaptées au goût du jour, avec l’indication par exemple des apports nutritionnels », souligne une spécialiste de la marque.

Luce-Jennyfer Mianzoukouta

Légendes et crédits photo : 

Photo : La cocotte-minute dans une boutique du centre-ville de Brazzaville. (© Adiac)