La fessée à l’enfant : pourquoi pas ? dit le pape. Pas du tout, soutient l’Europe !

Mercredi 4 Mars 2015 - 18:57

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Les anti et les « pro » fessées montent au créneau pour soutenir une pratique proclamée comme désuète en Europe. L’Afrique oscille. Et au Congo ?

C’est un de ces débats qui semblent sibyllins aux yeux des Africains. Un de ces débats qui surgissent brutalement dans l’opinion et qui permettent aussi de mesurer à quel point les sociétés semblent distantes dans leurs mentalités et leurs pratiques. En Afrique, on le sait, les lois peuvent le proclamer mais la pratique n’est pas suffisamment forte pour empêcher la punition corporelle de l’enfant. Le débat peut d’ailleurs s’ouvrir, d’autant que même à l’école aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un enseignant/une enseignante inflige une peine corporelle plus ou moins sévère à l’élève dissipé ou particulièrement fermé aux leçons.

Rares sont les parents qui y trouvent à redire même si, c’est vrai, il n’est pas facile de voir son enfant revenir en pleurs parce que « la maîtresse m’a tapé(e) » ! Il y a de l’hypocrisie à aller, furieux, empoigner l’auteur(e) d’un tel acte, car bien souvent à la maison l’enfant en subit autant quand, malheureusement, ce n’est pas pire. Cela n’excuse ni n’atténue, mais il semble bien que dans une majorité des cas les Congolais trouveraient « assez » normal que l’enfant soit puni à l’école quand il ne veut pas se mettre dans le rang : au propre ou au figuré.

En Europe, les choses ont évolué : à l’enfant, il ne faut pas toucher. Pas même – ni surtout – pour le corriger ! Mercredi la France s’est faite ainsi « gronder » par le Conseil de l’Europe : son droit « ne prévoit pas d'interdiction suffisamment claire, contraignante et précise » contre les châtiments corporels de l’enfant. « Une incertitude subsiste » par rapport à cette question, soutient le Conseil qui relève que ce flou constitue « une violation » de la Charte sociale européenne en la matière. « Le droit de correction » doit être formellement banni, insiste l’institution.

En tout cas, on rappelle aujourd’hui que 27 des 47 pays membres du Conseil de l'Europe ont adopté une législation qui interdit en toutes circonstances d'infliger des châtiments corporels aux enfants. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres ! Dans de nombreux pays le texte dort dans les tiroirs et ne connaît pas un début d’application ouverte, ni même d’assimilation par les parents. En Italie, pays qui a signé la charte, la Cour de cassation a établi en 1996 qu’en aucun cas le châtiment corporel ne devait pas faire partie de « l’arsenal » d’éducation de l’enfant, y compris dans le cadre familial. Mais il n’y a aucune loi qui soutient la volonté esquissée par la cour.

 

Alors, fessée ou pas ? Le pape François s’est invité dans ce débat en déclarant innocemment au cours d’une audience en début février : « Une fois dans une réunion, j'ai entendu un père déclarer: "je dois parfois frapper un peu mes enfants. Mais jamais sur le visage pour ne pas les humilier". Cela, c'est beau, il a le sens de la dignité. Il doit punir, et le fait de manière juste». Le propos du Souverain pontife était  improvisé (ne faisait pas partie du discours officiel, écrit). Bien mal lui en a pris, car dans la minute même il s’est fait littéralement taper dans les doigts, en Grande-Bretagne, en Suède… et même en France !

 

En Allemagne, l’affaire a atteint une dimension politique. « Il n'existe aucun coup contre les enfants qui soit digne. Il faut être clair. Toute violence contre des enfants est totalement inacceptable », avait réagi avec fureur la ministre de la Famille, Manuela Schwesig. Problème culturel (qui masque une faiblesse des lois) ou véritable évolution des mentalités ? Aujourd’hui 17 Etats ont interdit tous les châtiments corporels envers les enfants, notamment en Amérique latine, en Amérique centrale et en Afrique. Travail des enfants, punition corporelle etc… une infinité de questions où la pratique peine à suivre la loi. Surtout si elle-même ne fait que suivre une  mode sans réelle volonté politique de changer les mentalités regardées avec indulgence.

Lucien Mpama