Opinion

  • Réflexion

La France en quête d’Afrique

Lundi 13 Janvier 2020 - 11:25

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Alors que les spéculations vont bon train concernant la tenue du Sommet qui réunit aujourd’hui, à Pau, les dirigeants des pays du Sahel autour d’Emmanuel Macron, le pronostic qui suit s’impose, selon nous, de façon évidente : l’Afrique étant de plus en plus courtisée par les grandes puissances peut aujourd’hui se passer de la France et plus généralement d’ailleurs de l’Europe : mais  il n’en va pas de même pour le pays de Descartes dont l’influence à l’échelle mondiale repose toujours largement sur les relations privilégiées qu’il a su garder avec l’Afrique au sortir de l’ère coloniale. D’où l’idée selon laquelle Emmanuel Macron doit tout mettre en œuvre, à la différence de ses deux prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande, pour convaincre ses homologues africains et pas seulement sahéliens que la France reste et veut rester leur plus sûr partenaire.

L’enjeu pour l’Elysée est d’autant plus stratégique que l’Europe, loin de s’unir afin de construire un système de défense collectif comme l’avaient voulu ses Pères fondateurs, demeure aujourd’hui et plus que jamais sous la tutelle de l’Otan (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) que dominent les Etats-Unis et qui, de ce fait, ne s’occupe guère de l’Afrique alors même que les problèmes de ce continent ont un impact direct sur elle comme le démontre l’afflux incontrôlable et incontrôlé des migrants du Sud vers les côtes méditerranéennes. Ne parvenant pas à convaincre ses partenaires européens de s’engager à ses côtés dans la lutte contre le djihadisme, le salafisme, l’ethnicisme et les trafics en tout genre qui menacent de plonger le Sahel dans le chaos, la France n’a pas d’autre voie à suivre que de resserrer ses liens avec l’Afrique. 

Mais encore faut-il, pour y parvenir, tenir enfin le langage de vérité que les Africains attendent d’elle. Et, notamment, reconnaître les erreurs que les prédécesseurs d’Emmanuel Macron ont commises, en commençant bien sûr par l’assassinat programmé du « Guide » libyen Mouammar Kadhafi, assassinat qui  à l’origine directe du chaos dans lequel sombre aujourd’hui l’immense région Sahara-Sahel. Prendre aussi et surtout la mesure du fait que seuls les Africains eux-mêmes pourront résoudre les problèmes apparemment insolubles auxquels ils sont confrontés et qui résultent directement de cette erreur historique. Si la France ne le comprend pas à temps son engagement militaire dans cette partie du monde n’aura pas d’autre effet que de multiplier le nombre des morts dans ses propres rangs et d’aggraver les incompréhensions avec ses partenaires.

A ce niveau de réflexion, il n’est pas inutile de rappeler que les pays comme le Congo s’emploient depuis des années à trouver une solution pacifique à la crise qui déchire la Libye et déstabilise désormais le Sahel dans son ensemble ; de souligner par conséquent que la France ferait bien de soutenir avec force les initiatives prises par le Haut comité de l’Union africaine pour la Libye que préside Denis Sassou N’Guesso. Initiatives parmi lesquelles a figuré en bonne place et de façon très symbolique la réunion, le 27 novembre 2017, du Haut conseil des villes et des tribus libyennes venu à Brazzaville pour chercher une issue pacifique à la crise qui déchire le pays.

Qu’il me soit permis, en conclusion, d’écrire que l’année 2020 dont nous vivons les premières semaines marquera, à la date précise du 24 octobre, le quatre-vingtième anniversaire de l’arrivée à Brazzaville du Général De Gaulle et de la création de l’Ordre de la Libération. Une double commémoration au cœur de la cité qui fut pendant trois ans la « capitale de la France Libre » qui pourrait permettre à Emmanuel Macron de marquer sur place et de façon claire la reconnaissance de la France envers l’Afrique et les Africains sans lesquels elle ne serait sans doute pas sortie vainqueur des deux guerres mondiales.

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Réflexion : les derniers articles