La pression migratoire sur l’Italie ne faiblit pas

Jeudi 29 Mai 2014 - 3:11

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Rome rappelle l’Europe à ses responsabilités et à ses obligations de solidarité, estimant injuste que la Péninsule fasse face seule à un problème humanitaire de vaste ampleur

C’est le ministre de l’Intérieur qui l’a révélé : depuis le début de l’année, 40 000 migrants sont montés à l’assaut des côtes italiennes. « La plupart des migrants, a dit M. Angelino Alfano, demandent de la protection. Nous avons donc l’obligation  de les accueillir, mais cette obligation est  pour toute l’Europe, pas pour un seul pays. » Le ministre de l’Intérieur est convaincu qu’une réponse efficace passe aussi par le renforcement de Frontex, le dispositif européen de surveillance aux frontières, notamment maritimes, dont il réclame par ailleurs l’implantation du siège de commandement en Italie.

Car la Péninsule est dans une situation intenable. Le pays, aux flancs maritimes larges et faisant frontière avec le nord de l’Afrique par lequel passe la multitude des candidats à l’émigration, est aux avant-postes de la poussée migratoire. L’approche de la bonne saison, l’été, est pour elle synonyme d’angoisses. Les réseaux de clandestins profitent de la période chaude et des mers calmes pour lancer sur la Méditerranée une flottille de vieux bateaux pour convoyer vers les côtes de Sicile surtout des milliers de migrants fuyant misère et guerres. C’est aussi, hélas, la saison des drames. La petite île méridionale de Lampedusa, en Sicile, ne sait plus compter le nombre de morts par noyade, les cadavres de clandestins repêchés par les marins ou retrouvés sur les plages.

Encore mardi, la ville de Catane, toujours en Sicile, a procédé à l’enterrement de 17 migrants morts dans le chavirement de leur embarcation en Méditerranée. Il s’agit de Nigérians, de Syriens et d’Érythréens, douze femmes, trois hommes et deux enfants morts dans le désespoir et dont les tombes ne recevront jamais d’épitaphe. Faute de précisions sur leurs religions, un rite interreligieux a été dit pour leur mémoire. Il a été guidé par Mgr Salvatore Cristina, évêque de Catane, et Keith Abdelhamid, imam de la ville. Les paroles du maire, Enzo Bianco, ont été un mélange de dépit et d’impuissante colère.

« En août dernier, a-t-il rappelé, notre ville a vécu l’horreur de devoir enterrer six jeunes vies emportées par la tentative de gagner une terre susceptible de les sauver de la faim. Mais ce n’est pas la Sicile qui peut répondre à une telle aspiration, c’est l’Europe. Cette Europe dont la Sicile est la dernière frontière mais qui se mure dans un silence assourdissant face à ces quelque 800 000 personnes qui, sur les côtes africaines, sont prêtes à se lancer à la mer pour se rapprocher de nos terres. »

L’Italie appelle à l’aide : ses centres de regroupement sont, avec plus de 12 000 personnes, au bord de l’implosion. Angelino Alfano est même pour des solutions à la limite de l’humanitaire : « Que la communauté internationale prenne en charge les immigrés ; qu’elle plante des tentes dans le désert pour la première assistance. Il est raisonnable de penser que les flux migratoires ne se ralentiront pas d’ici la fin de l’année », a pronostiqué le ministre. À Rome, mardi, le président italien, Giorgio Napolitano, a invité les ambassadeurs africains à faire en sorte que leurs pays soient conscients de ce défi à partager avec l’Italie.

Lucien Mpama