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L’avènement de la démocratie africaine

Lundi 25 Mai 2015 - 13:29

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Depuis leur accession à l’indépendance, il y a un peu plus d’un demi-siècle, la plupart des peuples africains vivent, sur le plan institutionnel, dans des cadres formels hérités de l’ère coloniale, et donc copiés sur les démocraties européennes. Qu’ils aient fait partie de la sphère britannique, espagnole, française ou portugaise, leurs dirigeants ont tous pris comme modèle la gouvernance, réputée universelle, que le Vieux continent et les États-Unis avaient mise au point, mais qui ne prenait nullement en compte leurs propres us et coutumes.

L’Histoire, la grande Histoire, démontrera certainement que les crises qui secouent aujourd’hui le continent sont pour une large part nées de la méconnaissance, par les experts chargés de rédiger ces Constitutions, des traditions qui avaient régi pendant des siècles les peuples concernés et qui demeurent très présentes dans leur mode de vie. Elle confirmera du même coup à quel point il est dangereux de plaquer sur une société des schémas institutionnels ayant prouvé ailleurs leur efficacité, mais qui ne collent pas à la réalité des nations concernées.

Comme tous les pays qui l’entourent et qui doivent adapter leurs institutions aux réalités du temps présent, le Congo a entrepris de moderniser sa gouvernance publique. Il a eu raison de le faire même si cela lui vaut d’être épinglé, critiqué, soupçonné, parce qu’au terme du long et difficile processus dans lequel il s’engage, sa société se trouvera vraisemblablement dotée d’institutions adaptées à ses structures et non calquées de façon artificielle sur des modèles extérieurs au continent.

L’erreur que commettent – volontairement le plus souvent – les observateurs est de croire que ce qui se trouve au cœur de la réforme en préparation est l’avenir du chef de l’État. Obnubilés par l’idée selon laquelle le changement de Constitution aurait pour seul but d’assurer le maintien du Président dans ses fonctions présentes ceux-ci ne voient pas, ou ne veulent pas voir, que l’objectif poursuivi est de rédiger, puis de faire approuver par le peuple congolais la première Constitution proprement africaine du continent. S’ils prenaient la peine de regarder au lieu de fantasmer, ils s’apercevraient qu’ils font fausse route.

La preuve nous en est donnée par la façon dont Denis Sassou N’Guesso conduit le processus devant aboutir au changement de la Constitution. S’il avait voulu passer en force et imposer sa conception du pouvoir, aurait-il pris la peine d’inviter les forces vives de la nation congolaise à débattre librement avec lui comme il le fait depuis le début de la semaine dernière ? Aurait-il convié ses opposants à venir lui dire face à face ce qu’ils pensent des réformes en préparation ? Aurait-il même pris le risque de discuter avec la société civile ? Évidemment non. Disposant d’une forte majorité au sein des deux chambres du Parlement, il aurait demandé à ses partisans de conduire le processus jusqu’à son terme et rien n’aurait pu s’y opposer.

 

Finalement, ce à quoi nous assistons dans le moment présent n’est pas autre chose que l’application à l’échelle nationale des règles traditionnelles qui régissent les collectivités locales. Écouter, consulter, parler, confronter les points de vue, peser le pour et le contre, débattre avant de décider est en effet la meilleure méthode pour éviter de se fourvoyer dans une impasse. Et c’est bien ce qui se passe sous nos yeux.

 

Il est probable que le proche avenir nous réservera bien des surprises. Mais ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que des débats présents surgira une forme de gouvernance débarrassée des derniers poisons du colonialisme. Et, tout le monde en conviendra, ce n’est pas rien !

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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