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Le bilan africain de François Hollande

Samedi 14 Janvier 2017 - 15:32

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Tout le monde en convient dans les capitales africaines qui entretiennent des relations privilégiées avec l'ancienne puissance coloniale, le président français ne restera pas dans les annales de l'Histoire comme un bon partenaire du continent. Peu intéressé naturellement par l'Afrique et par les Africains, ayant hérité de son prédécesseur Nicolas Sarkozy des situations stratégiques calamiteuses, entouré par des conseillers peu au fait des réalités africaines, convaincu à tort que la société française est un modèle pour les peuples africains, il n'a pas pris conscience du fait, pourtant évident, que la France ne  demeurera dans le petit groupe des grandes puissances que si elle prend la pleine mesure des défis auxquels le continent  se trouve confronté et s’emploie à restaurer des relations de confiance avec les dirigeants africains qui se dégradent au fil du temps.

Un tel jugement, dira-t-on, n'est ni juste ni honnête étant donné le rôle joué par la France, durant les cinq années du mandat de François Hollande, dans la prévention et la gestion des crises qui affectent les régions du Sahel et de l'Afrique centrale. Il est malheureusement fondé sur une observation attentive des décisions prises par le locataire du Palais de l'Elysée tout au long de ce mandat, des propos pour le moins discutables sur les dirigeants africains qu’il a tenus publiquement en diverses circonstances, des conséquences directes ou indirectes des prises de position que son entourage lui faisait prendre sans jamais en mesurer les conséquences.

Issu d'une Ecole prestigieuse, l'ENA, qui forme des technocrates tout puissants mais peu conscients des problèmes que le monde moderne doit résoudre, des hommes ou des femmes imbus de leur pouvoir mais peu capables de mesurer l’ampleur des défis du temps présent, il n'a pas pris le recul nécessaire pour accompagner ses pairs africains dans leur longue marche vers l'émergence. Fait plus grave encore, à notre avis du moins, il n'a pas compris que la plupart des problèmes qui se posent aux pays africains, tout particulièrement dans le domaine de la gouvernance publique, résultent de l'exploitation coloniale et de l'asservissement des peuples opérés par les pays européens pendant plus de trois siècles. Au lieu de s’ériger en donneur de leçons il aurait dû affirmer la volonté de la France de réparer les fautes ainsi commises et, ce faisant, il serait devenu crédible aux yeux de ses pairs africains ; mais, hélas, il ne l’a pas fait et lègue donc à son successeur un héritage diplomatique lourdement plombé.

Cerise sur le gâteau, en laissant des organisations non gouvernementales fort peu recommandables s'en prendre à quelques dirigeants africains et à leurs familles pour des raisons douteuses que les temps à venir se chargeront de dévoiler il a fait preuve d'une faiblesse politique, d'un manque d'autorité, d'une absence de jugement qui ont affaibli les positions de la France et ouvert une voie royale aux grandes puissances comme la Chine et les Etats-Unis qui s'emploient aujourd'hui à  combler le vide ainsi créé. Il a aussi montré la duplicité d’une politique qui prêche la vertu à quelques dirigeants africains, mais se garde bien d’en faire autant avec les monarques arabes, les oligarques d’Europe Orientale, les magnats européens et américains.    

Si l'on réfléchit bien le seul point positif du quinquennat qui s’achève, du moins pour l’Afrique, a été l'engagement de l'armée française au Mali, dans le Sahel et en Centrafrique. Mais si François Hollande n'avait pas eu l'intelligence, ou l'instinct, de confier à l'un de ses plus fidèles compagnons de route politique les rênes du ministère de la Défense, son bilan aurait été plus catastrophique encore que celui de Nicolas Sarkozy. C’est en effet grâce à Jean-Yves Le Drian et aux armées qu’il commande que la France a pu relever sur le terrain africain les défis qui lui étaient lancés et du même coup protéger son image de grande puissance.

Concluons ce propos en disant que le passif inscrit dans le bilan africain de François Hollande est si lourd qu’il faudra beaucoup de courage, de volonté, de détermination et d’intelligence à son successeur pour rendre à la France la place que lui ont fait perdre ses prédécesseurs en Afrique. Mieux vaudrait donc que les citoyens français effectuent un bon choix lorsque le jour sera venu de déposer leur bulletin dans l’urne. S’il en allait autrement la France perdrait à coup le statut international qui est encore le sien.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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