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Le chemin de croix du Pape François

Samedi 14 Novembre 2015 - 16:34

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Les médias catholiques se posant eux-mêmes publiquement la question – voir à ce propos la « une » du quotidien La Croix paru vendredi – le temps est venu de s’interroger sur l’opportunité de la visite du Pape François à Bangui dans les derniers jours de ce mois.

Inscrite depuis longtemps dans l’agenda de la plus haute autorité de l’Eglise catholique, cette visite avait pour but, initialement, de contribuer à la réconciliation des Chrétiens et des Musulmans; ou plutôt, car seuls les extrémistes des deux camps s’efforcent de désunir les deux communautés, avait comme objectif premier d’affirmer leur volonté de vivre en bonne intelligence en promouvant les valeurs humanistes qui les inspirent. La reprise des violences, à Bangui comme ailleurs sur le territoire centrafricain, fait peser, hélas !, un terrible doute sur elle.

Le Pape François, qui est un homme courageux, sait parfaitement qu’en venant comme prévu à Bangui il court le risque d’être la cible de tueurs organisés. Mais cette considération, si elle affole son entourage et de façon plus générale l’Eglise tout entière, ne saurait le détourner de ce qu’il considère comme son devoir de Pasteur. Ses proches le disent, il est prêt à mourir pour la cause qu’il défend si son sacrifice peut permettre aux hommes de panser les blessures que le fanatisme de certains a ouvertes dans leur chair.

Le problème qu’il lui faut résoudre aujourd’hui et dont il a pleinement conscience apparait d’une tout autre ampleur. On peut le résumer de la façon suivante :

1. La topographie des lieux où le Pape doit se rendre à Bangui ne permet pas d’organiser sa sécurité dans des conditions raisonnables. Ni la force internationale (Minusca), ni la force française (Sangaris) déployées à Bangui ne sont capables de le protéger. L’une comme l’autre l’ont fait savoir de façon claire ces derniers jours par les canaux officiels et officieux.

 2. Dans ces conditions, à moins de se sacrifier volontairement avec tous les risques de dérapage que cela comporte, le Pape ne peut que limiter sa venue dans la capitale centrafricaine durant un petit nombre d’heures et dans un lieu hautement sécurisé. Pas question donc pour lui de venir rencontrer la communauté musulmane dans la grande mosquée de Bangui comme cela était prévu initialement.

3. Fait plus grave encore le simple fait d’atterrir à Bangui aura comme résultat inévitable de relancer la vague de violence qui oppose en Centrafrique les deux communautés. Selon les sources les plus crédibles que nous avons contactées, l’on estime à une centaine au minimum le nombre de victimes innocentes que la venue du Pape pourrait entraîner sur toute l’étendue du territoire centrafricain.

4. Il est évident, enfin, que si le Pape François est lui-même la cible d’une attaque kamikaze qui le tue ou le blesse, les communautés chrétiennes et musulmanes s’embraseront partout où elles se trouvent en contact permanent. L’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie du sud, l’Europe elle-même sombreront dans une vague de violence dont on ne mesure pas la puissance et que personne ne sera en mesure d’endiguer.

Dans un pareil contexte nul ne peut se permettre de fermer les yeux sur la réalité car du geste noble et généreux que veut accomplir le Pape afin de réconcilier les Centrafricains  peut surgir une guerre des religions pire que celles qui ont marqué les siècles précédents.  Mieux vaut le savoir et l’écrire avant qu’il soit trop tard.

Si les autorités de transition de la Centrafrique n’étaient pas mues par des considérations politiques, elles demanderaient elles-mêmes au pape François de ne pas tenter le diable en venant à Bangui. Mais alors que les informations remontant vers la Cité du Vatican confirment toutes le diagnostic ici posé, elles continuent d’affirmer que la sécurité du Pape sera pleinement assurée.

 

Folie que tout cela !

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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