Le cinéma congolais : quel bilan cinquante ans après?

Vendredi 27 Novembre 2015 - 15:02

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Sans tambour ni trompette, les festivités ayant marqué la célébration des cinquante ans du cinéma congolais qui se sont déroulées du 17 au 21 Novembre derniers dans l’enceinte de l’Institut Français ont réuni, producteurs réalisateurs et amoureux du 7ème art. Un moment qui a permis aux différents corps de ce métier de débattre sur les problèmes auxquels ils sont confrontés dans l’exercice de leur travail au quotidien.

 

A cette occasion, les amoureux du cinéma ont essayé de trouver des esquisses de solutions au travers des tables rondes, ateliers séances de projections d’images réalisées par des congolais. C'est un rendez vous qui a eu entre autres  missions de booster ce secteur qui a d’ores et déjà une certaine renommée ailleurs alors qu’au niveau des chaînes locales il reste encore peu visible. « On ne peut pas travailler sans nos autorités, ce que nous devons faire et c’est aussi l’une des raisons de cette rencontre est que nous  allions vers eux, de telle sorte que l'on travaille en partenariat comme le font déjà beaucoup d’autres pays à l’image de la Chine où j’étais dernièrement invité », a indiqué Rufin Mbou producteur et réalisateur. Puis d'ajouter, «  En Chine l’Etat a mis en place des mécanismes pour permettre aux cinéastes de vivre valablement de leur métier. Le Congo pourrait prendre exemple sur elle, en ce sens l’état exigerait aux télévisions qui existent d’obtenir des producteurs et réalisateurs, une autorisation de diffusion de leurs films, en leur versant une petite rente, cela permettra  aux cinéastes de vivre de leur art et règlerait en meme temps la sempiternelle question des droits d’auteurs ».

Un procédé qui motivera également à n’en point douter les réalisateurs à produire d’avantage d’œuvres de meilleurs qualités, et mettra enfin hors circuit le marché des DVD de mauvaise qualité à vil prix comme l’a laissé entendre Rufin. « Une telle organisation va transformer nos programmes, structurer notre métier et les cinéastes chercheront à se former pour ne plus faire de l’à peu près », a indiqué Rufin Mbou dont les propos ont été soutenus par Claudia Haidara Yoka, productrice, réalisatrice et directrice de Tazama (festival du film féminin). « Le ministère de la Culture a le devoir d’accompagner les artistes. C’est pour cela qu’il ne faut pas les laisser le champ libre et se dire s’ils ne peuvent pas nous assister, nous allons le faire seuls».

Pour Amour Sauveur espérer sur une éventuelle aide de l’Etat reste une utopie, au vu des innombrables promesses non tenues par celui-ci. « Ce n’est pas l’argent qui manque dans ce pays mais c’est le manque de volonté de nos dirigeants. Comment expliquer que chaque année, tous les  abonnés versent 6 mille FCFA comme redevance audiovisuelle à la SNE ; et on est 4 millions d’habitants, avec à peu près un million d’abonnés.  Je vous laisse deviner la somme exhorbitante que la SNE perçoit. Avec une telle somme, l’Etat peut apporter l’aide à la production, mais cela ne se fait pas. Nous avons même élaboré un projet dans ce sens mais il est resté lettre morte », s'est indigné Amour qui a invité les cinéastes et l’opinion publique congolaise à élaborer des pétitions à l’Assemblée, à faire du sit-in dans les chaînes de télévisions, en réclamant la diffusion permanente des films réalisés par des congolais sur nos petits écrans.

Des contrariétés qui trouveront des dénouements une fois que le Congo « aura une politique culturelle structurée. Je le dis clairement peut être que nos dirigeants n’ont pas la même clairvoyance que nous les pratiquants, et c’est pour cela qu’il nous revient de  faire des propositions,  de les suivre, d’être déterminés et cela d’une façon consensuelle », a fait savoir Alain Rock Ngoma, cinéaste qui pense que l’Etat a des devoirs et des obligations envers les artistes, et « qu’il est en aucun cas question de le laisser se dérober de ses engagements ».

De ces rencontres( tables rondes, ateliers, expositions, projections de films congolais) plusieurs propositions ont été faites dans le but de redonner au cinéma congolais la place qu’il mérite tant sur le plan mondial que local. « C’est facile de faire vivre le septième art. Il suffit de mettre un budget annuel à la disposition des artistes. Une somme destinée à encourager la production, en mettant en place un cadre pour sélectionner les meilleurs films de l’année et les faire tourner dans les départements tout en réalisant des projections publiques gratuites pour que le public s’approprie nos productions. Ça ne demande pas beaucoup, et dès lors que le réalisateur a produit son film et qu’il à touché cinq millions par exemple, cela lui donnera les moyens de financer son prochun film ou d’acheter du matériel  tout en choisissant les meilleurs partenaires de travail »,  a indiqué Alain Rock  qui pense cependant que les réalisateurs congolais devraient fournir des efforts quant à la qualité de leurs productions.

Autre sujet qui a suscité de multiples réactions, la place de l’acteur dans le cinéma congolais, sa formation, son statut. Une problématique qui a conduit à la question de la rémunération. Sur ce point,  Claudia Haidara Yoka a suggéré qu’en attendant l’élaboration d’un cadre légal sur le métier d’acteur,  les réalisateurs qui emploient des acteurs devraient faire signer des décharges même quand ceux-ci ( les acteurs) ne sont pas rémunérés « histoire d’éviter des broutilles dans la profession »,  a souligné Claudia.

Enfin malgré l’absence de financement et le manque d’accompagnement de l’Etat, les réalisateurs et  producteurs congolais ne comptent pas pour autant restés les bras croisés, ils produisent des films de qualité qui s’exportent de plus en plus. De plus, les festivals locaux (à l’exemple de Tazama, le festival des 7 quartiers de Nadège Batou) participent à la projection grand public, ce qui permet à la population congolaise de découvrir des films réalisés au Congo et par des congolais. Le souhait des  producteurs est que les médias prennent le relais en achetant leurs réalisations de telle sorte que le septième art  vive sur le plan local. « Cela va permettre à nos réalisateurs de fabriquer des vedettes (acteurs) qui feront vivre notre cinéma  à l’image de Boyeri dans la série ivoirienne Ma famille  », a  fait savoir Raitel journaliste à la radio Mucodec.

Des débats qui comme l’a souligné Liesebeth Mabiala aboutiront enfin au rayonnement du septième art congolais. Elle espère  que ces propos seront accompagnés d’ici peu par des actes concrets. Enfin, a t-elle scandé : «Ensemble pour la promotion du cinéma congolais ».

 

Berna Marty

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