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Le Congo et sa démocratie

Jeudi 3 Mai 2018 - 12:30

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La démocratie pluraliste, nous l’avons vécue au siècle dernier, lorsque Tchicaya, Opangault, Youlou et d’autres leaders créèrent leurs partis. A la fin des années 1950, deux d’entre eux se détachèrent clairement, le MSA et l’UDDIA. Le décès de Félix Tchicaya, le 17 janvier 1960, donna un coup d’arrêt quasi définitif de son parti, le PPC (Parti progressiste congolais). Désormais, le jeu politique se limita aux relations cyclothymiques de Youlou et Opangault, ponctuées par la guerre de 1959. La tournée que les deux protagonistes firent ensemble, peu de temps après, inaugura une ère de coexistence apaisée. Ils avaient compris que la « démocratie consiste à parvenir à un compromis grâce au débat », pour éviter l’enlisement.

Les 13,14 et 15 août 1963, les Congolais, à tort ou à raison, chantèrent : «Youlou a tout volé ». Puis, vint le socialisme erratique de Massamba Débat, voguant entre le socialisme scientifique et le socialisme bantou. En 1969, le Parti congolais du travail (PCT) se proclama premier parti marxiste-léniniste au pouvoir. Avec l’ardeur des nouveaux convertis, les dirigeants d’alors se mirent à l’école du marxisme qu’ils s’ingénièrent à populariser, non sans une certaine réussite. Formation au marxisme ici, perfectionnement du même acabit par-là, il y eut une vraie effervescence idéologique qui culmina en 1972. Deux tendances diamétralement opposées s’étripèrent le 22 février 1972. Le coup d’Etat manqué de Diawara constitua une vraie rupture de l’approche épistémologique au sein du PCT. « Les idéologues », étant tous impliqués dans cette tentative de renversement du président Marien Ngouabi, furent mis « hors d’état de nuire ». Ceux qui vinrent pour les remplacer n’avaient pas les armes de leurs prédécesseurs. Le parti commença à hoqueter. Depuis cette époque, le PCT souffre de l’absence de l’ardeur idéologique qui fit de lui un véritable parti de masses. Son action reposait sur la persuasion politique et non sur l’achat des consciences. Il arrive encore, aujourd’hui, d’entendre les gens dire : « C’était mieux à l’époque du mono ».

L’époque du mono, c’est aussi la période interstitielle du Comité militaire du parti (CMP) né à la suite de l’assassinat du président Marien Ngouabi, le 18 mars 1977, qui ouvrit une période de sang faite d’exécutions sommaires mais aussi d’une remise en ordre morale et éthique qui rendent pathétiques les jérémiades actuelles sur la lutte contre les antivaleurs. Les fléaux, il faut les combattre avec les armes appropriées. Le CMP, en dépit de quelques excès et malencontreuses dérives, sut mettre au pas les Congolais qui se remirent au travail ; les voleurs des deniers publics furent punis, les absentéistes et autres retardataires mis au pas. C’est cette rigueur qui permet le changement de mentalité, quitte à déroger avec une certaine conception de la démocratie, laxiste à souhait.  Face à la permissivité favorisée par la guerre, c’est une attitude de rigueur qui sied aujourd’hui pour remettre le pays dans le sens de la marche vers le progrès. Pas de développement avec la paresse, pas de développement avec le vol systématisé et assumé, pas de développement sans coercition. Voilà la vérité.

Ce n’est pas sans raison que le Dr Kitsoro parle de changement de « logiciel mental ». Les pays qui ont réussi une fulgurante percée ont dû s’y plier. Il cite allègrement les cas de la Corée et du Rwanda. On ne fait pas des omelettes sans casser les œufs, dit-on, n’en déplaise à Pierre Dion qui s’est fendu d’un papier dans lequel, de bonne guerre, il égratigne Kitsoro. La corruption a atteint toutes les couches du pays. Ce n’est pas un hasard si le Fonds monétaire international insiste sur la mise en place d’un organisme indépendant de lutte contre ce fléau qui plombe toutes nos capacités de rebond, le tout aggravé par la question de la gouvernance qui suppose de passer du cercle vicieux au cercle vertueux. Le retour au cercle vertueux nécessite une politique forte de lutte contre les contrevaleurs. Mais avec quels hommes ? De ce point de vue, le Congo n’est pas sorti de l’auberge.

 Il  faut se rendre à l’évidence, le casting des hommes pose problème. Et ce n’est pas nouveau. Le cercle vertueux suppose la promotion d’hommes de qualité, compétents, patriotes et consciencieux. Des enquêtes de proximité pointues peuvent mettre en lumière ces talents cachés dont le pays, plus que jamais, a besoin. C’est aussi ça, la bonne gouvernance.
 Un récent Brin d’histoire stigmatisait l’attitude désinvolte de certains ministres lors des questions orales des députés au gouvernement. Nous, téléspectateurs contrits, avions l’impression, en regardant leurs simagrées, que le pays allait bien. Ce qui est foncièrement choquant. « Molinga doit redevenir civil », pour remettre de l’ordre dans ce salmigondis gouvernemental.

Le pays a besoin d’ordre, d’autorité affirmée, de compétence et de patriotisme pour tourner enfin la page de la guerre de 1997 et, plus loin, de la Conférence nationale de 1991, source de la démocratie à la congolaise qui a enfanté des politiciens qui prennent les « vessies pour des lanternes ». Ils n’ont toujours pas tort, puisque certains ont connu de «fulgurantes ascensions ». Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.
 

Mfumu

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