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Le grand tournant de la Francophonie

Samedi 15 Novembre 2014 - 18:06

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Tout indique aujourd’hui que le Sommet de Dakar, dans deux semaines, marquera un tournant historique dans l’évolution de la vaste communauté des nations qui ont la langue française en partage. Un tournant qui sera la conséquence directe et immédiate des grands évènements auxquels nous assistons sur la scène mondiale et que devra gérer, dans un contexte difficile, la nouvelle direction de l’Organisation internationale de la Francophonie.

Précisons, avant d’aller plus loin, que si ce tournant n’a pas été pris plus tôt ce n’est nullement imputable à Abdou Diouf, le secrétaire général de l’institution dont le mandat est sur le point de s’achever, mais parce que les gouvernements des pays membres n’ont pas pris à temps la mesure des défis auxquels celui-ci se trouvait confronté. Trop occupés sans doute par les problèmes de toute nature auxquels ils se trouvent  confrontés aucun d’eux n’a jugé utile de plaider ces quatre dernières années pour que l’OIF soit dotée de moyens adaptés à ses ambitions.  Et la France, qui aurait pu donner le coup d’envoi de la réforme  qui s’impose, a brillé quoi qu’elle en dise par sa négligence, sa passivité, son manque d’enthousiasme.

Il est évident, du moins pour les observateurs de la scène internationale, que la Francophonie n’exploite pas réellement le formidable atout que lui confèrent le nombre et la diversité de ses États membres. Si elle est bien présente dans la sphère littéraire et artistique elle brille par son absence dans la sphère diplomatique où se joue pourtant la partie décisive du rééquilibrage des rapports de force entre les grandes puissances dans l’arène internationale. Pour ne citer que cet exemple elle ne tient pratiquement aucun rôle dans la réforme de la gouvernance mondiale que  génèrera inévitablement  la redistribution des cartes au sein de l’Organisation des Nations unies ;  et cela alors même qu’elle est l’une des communautés les plus jeunes, les plus dynamiques, les plus influentes de la planète sur le plan intellectuel. 

Imagine-t-on l’influence que l’OIF aurait sur la marche du monde si les pays africains qui en constituent le pilier principal décidaient de peser de tout leur poids, par son intermédiaire, sur la réorganisation du Conseil de sécurité des Natons unies, sur le rééquilibrage des institutions financières de Bretton Woods, sur la dynamisation de l’Unesco, sur la réforme de l’Organisation mondiale de la santé ? Ne serait-ce que par son poids humain et la projection en avant de son  économie l’Afrique francophone serait en mesure d’influer aujourd’hui de façon décisive sur le cours de l’Histoire à venir. Si elle ne le fait pas c’est bien parce que l’usage d’une langue commune n’est pas encore perçu par ses dirigeants comme un moyen stratégique de faire mieux entendre sa voix dans le concert des nations.

Fait significatif c’est à peu de choses près le jugement qui s’exprime dans les débats de toute nature qui précèdent le sommet de Dakar. Certes il est formulé de façon moins brutale, dans un langage plus policé, mais derrière les formules polies employées par les participants l’on perçoit  bien la frustration que suscite dans les milieux de la francophonie le peu d’empressement de la France à proposer à ses partenaires des objectifs ambitieux et le scepticisme de ces mêmes partenaires quant au rôle que pourrait jouer la Francophonie dans le nouveau contexte international.

En bonne logique et si ce qui précède résume bien la situation Dakar donnera à la Francophonie une autre dimension, une autre envergure. Prions le ciel pour que ce soit le cas.

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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