Le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza : entre histoire et politique

Vendredi 6 Décembre 2013 - 10:36

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De l’avis de plusieurs analystes, l’histoire des peuples s’écrit dans l’approche froide et lucide des grands moments qui composent leurs mémoires. Et quand vient le temps de mémoire, il est toujours impérieux de commémorer en pensant à ce qui est passé, passe et passera dans un net souci de transmissibilité. Certes, l’écriture de l’histoire est interprétation de ce qui advient effectivement. C’est probablement sur la base de réception de ce qui arrive effectivement que la commémoration s’inscrit dans un à-venir, manière de porter l’héritage du passé sur les vagues d’un futur encore opaque.

Voici déjà sept années qu’a été érigé dans la pierre un mémorial en l’honneur d’un homme venu d’ailleurs, Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905). À lui seul, il représente un fragment de l’histoire du Congo, du Gabon, de la France, de l’Italie, pour ne citer que ces quelques territoires. Le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza s’élève au cœur d’une cité dont le nom, seulement le nom, évoque tout à la fois la rencontre des peuples et les situations d’ouverture. Comment ne pas y reconnaître le désir d’une nouvelle vision qui dépasserait le cadre purement politicien ?

Redéfinir une nouvelle approche

L’érection du mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza participe de la nécessité de porter les relations entre l’Afrique et l’Europe à un niveau de considération mutuelle et respectueuse. On sait dans quelles conditions l’Afrique est entrée dans le concert des nations. À partir de la mémoire de ces immenses nuits, les historiens ont écrit ce qu’il fallait savoir. Aujourd’hui, nous retenons, sur Pierre Savorgnan de Brazza les fières paroles de N. Hulot résumant le destin fabuleux de cet explorateur : « C’est l’homme qui a ouvert le Congo à la France, mais ne voulut pas en être roi. Beau comme un prince italien, sombre comme un titan de Victor Hugo, Savorgnan de Brazza est l’un des héros les plus touchants du xixe siècle. Cœur pur, silhouette à la Corto Maltese, un destin immémorial. »

Plus qu’une parenthèse, l’histoire des relations entre la France et le Congo, entre l’Afrique et l’Europe, trouve en cet acte mémoriel les lignes d’une fortune à venir. C’est devenu une rengaine : le partenariat entre ces deux pays, tout comme la dynamique de coopération entre ces deux continents, ne se limite plus aux excroissances économiques ni aux intérêts toujours croissants de la planète des investisseurs. La part culturelle qui nourrit les mémoires variées contribue à s’inventer des lieux de mémoire où l’histoire dite commune trouve ses expressions.

Symbole d’une ville-mémoire

Il est peut-être paradoxal d’instituer la mémoire de Pierre Savorgnan de Brazza loin de ses terres. Mais le paradoxe est vite dissipé lorsqu’on revisite les itinéraires qui l’ont conduit dans le sous-continent qu’est l’Afrique centrale. On découvre ainsi, fort heureusement, que ce Français né italien y a laissé le souvenir d’un passeur de civilisation et d’une sociabilité inattendue. Il n’est pas jusqu’à son amitié avec le roi des Batékés, Illoy 1er, qui soit le symbole de la rencontre des deux mondes, africain et européen.

Comment ne pas être conforté dans l’idée que les relations entre l’Afrique et l’Europe se consolident dans la restitution des mémoires ? L’Afrique, comme l’Europe, y gagne en visibilité positive et en proximité toujours enrichissante dans la vie des peuples.

Aujourd’hui, le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza reçoit des visiteurs de toutes catégories, de divers groupes professionnels. Il s’y organise maintes activités culturelles. C’est là la preuve que ce monument inspiré et exécuté par la volonté du président congolais, Denis Sassou-N’Guesso, s’offre comme une nouvelle écriture entre histoire et politique.

 

NB : Bélinda Ayessa est directrice générale du mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza.

Bélinda Ayessa